Aifoon vzw – application à l'écoute
Partant de ce constat, l’association Aifoon s’est lancé dans une série d’interventions artistiques, de performances et d’ateliers afin d’explorer l’écoute active. Depuis près de dix ans, elle organise des projets qui présentent au public la différence entre entendre passivement et prêter consciemment l’oreille au monde sonore qui nous entoure. La plupart de ces activités sont participatives, elles cherchent en effet à déclencher un intérêt actif pour le son, transformant l’audition en un processus créatif. Ce passage s’effectue au travers de différentes activités allant de la balade auditive à la création musicale.
Durant ces balades, les promeneurs sont encouragés à chercher à détecter et isoler des sons du quotidien qui passent d’ordinaire inaperçus. Pierre Schaeffer nommait cette démarche l’ « écoute réduite ». Elle demande de faire abstraction des données physique du son, son origine, sa cause, sa position, pour se concentrer sur ses qualités propres, sa musicalité, son mouvement dans l’espace. La perception est au centre du travail d’Aifoon, comme le montre une de leurs premières vidéos de présentation. Sur un écran noir apparaissent les instructions suivantes :
- Lancez cette vidéo en plein écran
- Vous entendez quelque chose ?
- Écoutez bien.
- Non, pas ce qui sort des haut-parleurs. Autour de vous. Le son qui vous entoure.
- Peut-être qu’il vaut mieux fermer les yeux.
Beaucoup de ces
ateliers d’écoute sont destinés aux enfants, avec qui le travail participatif
devient une dynamique intuitive, ludique et enrichissante. Elle se poursuit par
des exercices d’enregistrement, la manipulation – et la construction – d’objets
sonores, de machines bruitistes, dévoilant le grain inattendu d’un monde sonore
trop souvent ignoré. Ces premiers contacts débouchent sur un horizon très large
de pratiques artistiques touchant pêle-mêle au field-recording, au bruitage, à
la musique électronique comme acoustique ou encore au massage sonore. Ces massages
peuvent être réalisés avec des spectateurs aux yeux bandés ou comme dans la
performance Fondouk, installés dans des
tentes de toiles, et autour desquels des « masseurs » créent un
univers sonore subtil, bruissant, mystérieux et stimulant, où l’origine
matérielle des sons - bois, métal, tissus, corde, souffle, etc. - est moins importante
que l’effet qu’ils produisent sur l’imaginaire du public.
Comme l’explique le
directeur artistique Sijn Dickel, travailler avec le médium du son est un
processus démocratique, plus accessible et plus ouvert que l’approche musicale
traditionnelle. Elle permet à des enfants – et des adultes – n’ayant aucun
bagage académique ni aucune pratique instrumentale, de se lancer dans la
création sonore sans craindre d’être jugé sur son niveau, ses connaissances, et
sans idées préconçues sur le résultat attendu.
Depuis l'époque des débuts d'Aifoon, le concept de field-recording et l'intérêt pour l’environnement sonore ont lentement infiltré la création artistique. Le travail de l'association ajoute à cet engouement pour le monde sonore la volonté d’œuvrer au sein de la communauté et de développer et une réflexion -et un langage - autour de l'importance de l'écoute. Elle a pour objectif d'encourager une approche plus consciente de notre propre environnement acoustique. Poussé jusqu'au bout, comme Aifoon l'explique en introduction de son projet Start to listen, ce questionnement peut devenir "une étude du chaos, de l'individualité et de la tolérance".
Benoit Deuxant
Aifoon vzw
Dok-Noord 4F
bus 204
9000 Gent
Cet article fait partie du dossier Gand.
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