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La médiation définit son ouvrage…

remy hans

culture, collectif, médiation culturelle, Tout peut changer, Magazine 6

publié le par Jean-Jacques Goffinon

Fille de la pandémie comme de la nécessité de faire front au « non-essentiel » imposé par les politiques, l’association des médiateurices culturel·les professionnel·les - prononcez AMCP - est née avec, bille en tête, une définition à rédiger…

Sommaire

Même si certains aiment encore négligemment le penser aujourd’hui, le terme de médiation culturelle n’est pas un large mot fourre-tout à demi-défini englobant aussi bien du remplissage de salle d’exposition ou de spectacle par du public scolaire qu’un calendrier subsidié d’ateliers et/ou d’animations adressé à des publics précarisés. Loin s’en faut. La médiation culturelle est une profession intègre et pluridisciplinaire qui, tels des passeurs d’âme et de savoir rend la culture aussi accessible que légitime, et ce, quels que soient les publics cibles. Un métier généreux de traduction intellectuelle qui ne s’improvise pas, mais dont les idées communément reçues nécessitent un alignement impératif et urgent. L’AMCP pense autrement et range les clichés dans les cartons.

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Table ronde carrée A27 MCCS

Mise en chantier

À force de travailler sur le terrain, ces médiateurices, quel que soit l’opérateur culturel qu’elles ou ils défendent, se sont reconnus, non pas comme des RP mis en concurrence par la fatalité du marché, mais comme un ensemble de collaborateurs et collaboratrices pouvant accompagner les associations et les professeurs dans l’exploration de l’art et la culture.

De ce travail récurent de collaboration sont nées des rencontres informelles qui leur ont permis de tisser des liens plus étroits et de débattre du chantier gigantesque qu’il y a à mettre en place pour définir leur travail sur des fondations fortes et déjouer ainsi les écueils d’une profession qui a été mise en avant sans définition ni formation préalable, une profession trop souvent dans la tempête de ce que les opérateurs veulent bien y souffler. Rapidement, l’idée d’une charte s’impose. Mais, entre-temps, la pandémie a pris ses quartiers, fermant une à une les portes des lieux qui font culture. La gestation avait débuté, l’obligation de réagir de plus en plus pressante.

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St boniface - Charlotte Lonfils

Définir et fédérer

Article 27 ayant un travail de médiation historique conséquent avec les associations et les secteurs précarisés, il semblait évident pour l’AMCP de partir de cette base pour élaborer leur charte. Le but principal de celle-ci est non seulement de définir les missions et les valeurs des « médiateurices » – terme créé au moment de la rédaction – que de se positionner à travers un monde en mutation où l’éducation à l’art, les enjeux de démocratie culturelle, de démocratisation et de droit culturel sont devenus primordiaux et, surtout, de fédérer et structurer un secteur encore trop diffus. Statuer juridiquement, c’est pour la profession une manière de faire corps, avec une même image et une même définition.

L’AMCP se considère comme un outil permettant d’équilibrer les balances. D’un côté, pour les médiateurices qui, de structure en structure, n’ont pas toutes et tous des missions semblables et qui ont des devoirs différents en termes de budget. De l’autre, pour guider les structures qui confondent parfois médiation, relations publiques ou agence de promotion et contrer bon nombre de mauvaises habitudes en la matière. Un défi vaste dont l’ampleur n’échappe évidemment pas à l’équipe. Un défi d’autant plus difficile que chacun des acteurs avance sur le projet de manière complètement bénévole et en plus de leurs heures de travail respectif. Pour reprendre Raphaël Canta d'article 27, « La difficulté aujourd’hui est de savoir quel pied mettre en avant tant il y a de choses à défendre. C’est frustrant parce qu’on a parfois envie de mettre les deux pieds sans pour autant vouloir sauter dans le plat. »

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Présentation aux professeurs à la Balsamine en septembre 2020

Relier

Devant l’addition des mois de confinement, engendrant aussi bien le désordre de la vie que l’effritement des liens personnels et professionnels, les médiateurices décident de lutter contre la déferlante du « non-essentiel » et la morosité ambiante par la rédaction commune d’une newsletter adressée aux associations et aux professeurs avec lesquels ils avaient l’habitude de travailler.

Une manière comme une autre de s’enquérir de l’état d’être et de santé du secteur, des unes et des autres, de refaire du lien et, pourquoi pas, de préparer l’après. — -

Sortant par ce biais leurs interlocuteurs de la léthargie latente, le dialogue a repris avec succès entre soutien mutuel et préparation d’un possible déconfinement. Cela indique aussi toute la portée sociale du travail de médiation qui reste un lien évident entre l’art, sa démocratisation et les publics auxquels il s’adresse. La culture reste un ciment fondateur dans l’architecture des liens sociaux, tant dans ce qu’elle apporte en termes d’apprentissage et de savoir que comme véhicule d’idée et d’échange.

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Agir et réagir

En mai dernier, voyant se profiler l’aube d’un timide assouplissement des mesures sanitaires, les médiateurices décident d’une action collective et symbolique, question de montrer que la culture est effectivement essentielle. Pour le projet « À quoi sert l’art ? », ils planchent ensemble sur un canevas de base adaptable selon les cas, permettant ainsi à chacune et chacun de proposer l’atelier selon leur public. Entre le début du mois de juin 2021 et jusqu’à la fermeture des institutions scolaires, plus d’une dizaine d’ateliers différents ont été donnés dans les classes avec une seule interrogation empirique : pour vous, qu’est-ce qui fait art et culture ? Une question qu’il était temps de remettre au centre du débat.

L’utilité de la médiation culturelle n’est aujourd’hui plus à débattre, mais à soutenir. C’est un travail de longue haleine qui demande en amont une préparation méthodique sur la manière d’aborder les œuvres selon les portes d’entrée dont les publics spécifiques auxquels on s’adresse disposent. C’est aussi, en aval, un débriefing sur les expériences vécues afin d’accentuer la légitimité de ces publics dans leur accès à une culture non mainstream.

Pourtant, bien que sollicitée, la profession a dû elle-même fixer les fondements qui la définissent. S’il existe bien des cursus universitaires ou supérieurs intitulés par exemple Politique culturelle ou Gestion culturelle, la médiation n’est jamais au centre de ces formations. Au sein des opérateurs, les médiateurices, quant à eux, ne disposent jamais d’un même titre. Tantôt les voilà RP, tantôt responsable de l’accueil des publics. Autant au niveau des enseignements effectifs que dans les dénominations changeantes, cela en dit long sur la perception de cette profession.

L’AMCP remet donc l’église au milieu du village. — -

Mais, le village est vaste et le travail de construction ne fait que commencer. L’affaire est à suivre…

Elle sera d’ailleurs à suivre d’ici la fin de cette saison sur notre site pointculture.be avec un autre article relatif à l’avancée de leurs travaux et de leur réflexion.

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La charte de L’AMCP est disponible sur simple demande à l'adresse info@amcp.be

Merci aux membres de l’AMCP, Patricia Balletti, Raphaël Canta, Mathilde Lesage et Antoine Ureel d’avoir accordé un peu de leur temps bien chargé pour nous faire part de leurs témoignages.

Jean-Jacques Goffinon


Bannière - image : hommage à A.D, Rémy Hans