ANS [Yevgeny Murzin]
Le synthétiseur russe ANS est un instrument électronique dont la particularité est d’être joué au moyen de partitions optiques. Le compositeur dessine des figures sur une plaque de verre, recouverte d’un mastic noir, que la machine décode ensuite comme une série d’instructions musicales, produisant une superposition de fréquences pures dont le déroulement suit le tracé de la plaque au fil de sa lecture par un groupe de cellules photo-électriques.
Conçu en 1938 par l’ingénieur russe Yevgeny Murzin et baptisé ANS en hommage au compositeur Alexandre Nikolayevich Scriabine, l’instrument ne fut réalisé que bien plus tard, en 1958. Son principe de base reprend la technique de l’enregistrement photo-électrique développée par le cinéma, et permet de transformer toute image esquissée sur la plaque en une suite de sons complexes. Lointain parent de la carte perforée ou du rouleau de piano mécanique, ces dessins peuvent être aussi bien des commandes définies de manière précise comme une partition graphique, que des suggestions visuelles purement esthétiques que la machine devra interpréter. Les plaques peuvent ensuite être effacées, modifiées ou conservées pour un usage futur. Le synthétiseur ANS a été utilisé par plusieurs compositeurs, parmi lesquels Stanislav Kreichi, Alfred Schnittke, Edison Denisov ou Sofia Gubaidulina. D’une manipulation extrêmement délicate, réclamant une longue période d’apprentissage, la machine permet néanmoins la création de tonalités inédites particulièrement adaptées à l’univers de la science-fiction. Il sera ainsi notamment utilisé en 1972 par Edward Artemiev pour réaliser la bande-son du film Solaris de Tarkovski. Plus près de nous, Coil publiera en 2004 un triple album de musique expérimentale semi-improvisée produite sur l’ANS.
Il n’existe aujourd’hui plus qu’un exemplaire de cet instrument, qui est conservé à Moscou au Musée d’État de la Culture musicale M. Glinka.
Benoît Deuxant