Archipels (arts, cultures, migrations) #2 : Langues d’exil
Éloge de l'hospitalité
Quels sont les artistes qui traitent des phénomènes migratoires actuels, qui donnent la parole aux migrants ? Sous quelle forme ? Dans quels lieux ? En quoi cette production artistique est-elle susceptible de changer le regard sur les migrations ? Quelles cultures, quels élans artistiques sont brassées par les migrants, en quoi contribuent-ils à constituer une culture collective, différente, adaptée aux problématiques actuelles d’habiter ensemble la terre ? C’est le genre de problématique qu’Archipels documente en rendant compte d’expériences multiples et diversifiées, dans le théâtre, les arts plastiques, autour de telle ou telle institution culturelle, à l’intérieur même de « l’encampement » des réfugiés.
La doxa officielle entend avant tout défendre des frontières, légitimer des territoires et sauvegarder des standards économiques, claquemurer des identités et des propriétés. Pour cela, il faut refouler, décourager, criminaliser, enfermer, fragiliser, stigmatiser. C’est ce que signifie la déclaration du Premier ministre belge : « Nous sommes fermes mais humains » ! Cette position dominante est portée par la conviction que c’est ce que le peuple veut. Pourtant, au fil des nombreux articles de cette deuxième livraison d’Archipels, il ressort que de nombreuses citoyennes travaillent pour que notre société soit digne et fasse honneur aux règles de l’hospitalité. Généreusement. Il serait bien difficile de déterminer à qui appartiennent les richesses de notre marché occidental, qu’il s’agit semble-t-il de protéger, alors que pour la plupart elles se sont élaborées grâce à l’accumulation de capital primitif rendu possible par la colonisation.
Pour sortir de cela et échapper au biais occidental dans la manière d’aborder ces problématiques – tant en termes d’eurocentrisme que de culpabilité stérile –, Langues d’exil emprunte au maximum les manières de voir créoles, telles qu’expérimentées, racontées et ensuite théorisées par une série d’écrivains antillais, notamment Glissant et Chamoiseau. Et cela structuré en trois chapitres : Le Maquis des langues, Laboratoires d’hospitalité, Créoliser l’Europe. L’essentiel est constitué d’expériences de terrain où il apparaît que les frontières, les identités, ça bouge, ça travaille, ça n’a rien d’étanche, et que ça profite au monde, à tout le monde quand, précisément, on évite que ça fige et qu’on apprend à jouir de la différence, que l’on ne cherche pas à se ressembler. Toute une éducation à (re)faire.
Pierre Hemptinne
Archipels #2 (arts, cultures, migrations) : Langues d’exil
Culture & Démocratie / L'Insatiable, 2017
- photos et illustrations de Laetitia Tura et du ciollectif Coconut Valley
89 pages / 12 euros
en vente à "La Librairie" (PointCulture Bruxelles)
Cet article fait partie du dossier La Librairie (PointCulture Bruxelles).
Dans le même dossier :