Art, culture et déconfinement : Alexis Courtin de La Vénerie
PointCulture : Depuis le début de la crise sanitaire, La Vénerie a dû annuler tous ses spectacles. Que prévoyez-vous pour la reprise de vos activités ? Est-ce qu’une partie de ces évènements sera reportée à la saison prochaine ? Et si non, dans quelle mesure le travail de préparation et de répétitions des artistes prévus à l’affiche du printemps 2020 ne sera-t-il pas perdu ?
Alexis Courtin : Depuis la mi-mars, La Vénerie est restée portes closes. Nos activités, tous secteurs confondus (ateliers jeunes et adultes, programmation cinéma et arts de la scène, médiation scolaire…), programmées jusque fin juin ont été annulées.
Le contact avec nos publics, ce lien de proximité qui est le corps de notre métier, s’en est naturellement trouvé amoindri mais, malgré tout, maintenu grâce à des initiatives, telles que l’ouverture d’une ligne téléphonique dès les premières mesures de confinement, ou encore numériques avec notre projet « Des Capsules et Vous », interviews vidéos pour récolter les vécus, ressentis, rêves et expériences de nos concitoyens.
Le soutien aux compagnies et artistes, autre cœur de notre métier, fut aussi notre priorité. Nous avons dès lors œuvré, dès l’annonce des premières mesures, à tout mettre en place pour reporter les activités annulées à la saison prochaine. Nous accueillons aussi positivement les récentes mesures en accueillant ce mois de juin deux résidences artistiques de compagnies dont nous soutenons le processus de création depuis de nombreux mois et que nous espérons pouvoir présenter à nos publics la saison prochaine.
Voir nos lieux revivre et respirer petit à petit à nouveau constitue un vent d’air frais mais l’élan d’optimisme ne sera jamais total sans la présence de nos publics. L’espoir réside donc maintenant dans le maintien des signaux encourageants concernant la situation sanitaire mais surtout dans l’obtention tant attendue d’une politique de déconfinement claire, pour le long terme et pour l’ensemble du secteur culturel.
Est-ce que tous les membres de l’équipe de La Vénerie ont pu conserver leur plein emploi ? Y a-t-il eu licenciements ou placements en chômage temporaires ? Quelles sont les perspectives pour le personnel et pour votre institution suite à ces annulations ?
L’emploi a été maintenu pour l’ensemble de l’équipe et une communication claire et régulière a été mise en place via les outils numériques. Cela nous a permis de rester soudés, de garder le lien, de questionner ensemble cette situation hors-norme et de continuer à rêver des projets futurs.
Et qu’en est-il de la situation pécuniaire des artistes qui devaient se produire à La Vénerie ce printemps ? Savez-vous si une aide financière leur a été accordée par l’État et si elle leur permettra de survivre ? Existe-t-il pour eux d’autres formes de soutien ?
C’est une certitude, le secteur des arts de la scène au sens large, car je pense à l’ensemble des métiers qui le constituent, souffre. Les retombées financières, sociales aussi, seront importantes mais le secteur s’organise, se tient les coudes. Les initiatives de soutien sont nombreuses et les groupes de réflexion issus des différentes fédérations en lien du ministère permettent de voir des solutions apparaître tout doucement.
De par notre programmation transversale et protéiforme, nous soutenons des compagnies et collectifs d’artistes très divers, pour lesquels l’impact du confinement se sera fait ressentir différemment. Il m’est donc difficile de m’exprimer en leur nom à tous mais, avec l’aide de la commune de Watermael-Boitsfort, nous avons débloqué un budget extraordinaire permettant d’apporter des garanties fortes de soutien en cas de prolongation des mesures actuelles.
Lorsque la reprise de vos activités sera autorisée, mettrez-vous en place des règles sanitaires particulières pour les spectateurs ? Si oui, quelles seront-elles et quel impact auront-elles sur votre organisation ?
Cette question est cruciale car il s’agira surtout de rassurer nos publics, de tout mettre en œuvre pour leur donner envie de pousser à nouveau les portes de La Vénerie, de revenir expérimenter et faire culture ensemble, en nos murs et en dehors.
Les mesures sanitaires seront bien entendu respectées, mises en place et adaptées à nos lieux. Nos équipes accueil et technique réfléchissent d’ailleurs déjà à cela depuis plusieurs semaines. Cependant, sans plan de déconfinement clair et précis, il est difficile à ce jour de s’avancer et d’entrevoir des solutions sur le long terme.
Cela soulève d’ailleurs en interne une multitude de questions qui touchent à l’essence même de nos missions de centre culturel. Car notre rôle n’est-il pas de faire lien plutôt que de faire respecter des règles sanitaires, l’expérience culturelle ne se passe-t-elle pas dans l’échange et la proximité plutôt que dans la distanciation.
Au-delà de ses côtés handicapants ou inquiétants, cette période de confinement forcé a-t-elle aussi débouché dans votre cas sur des éléments positifs, par ex. dégager du temps pour prendre du recul, pour régler des chantiers en attente depuis très longtemps… ?
Le plus dur fut la transgression constante des sphères privée, professionnelle, intime, cumulée à l’incertitude des prochains mois et au licenciement économique de ma compagne.
Le télétravail fonctionne, a ses avantages mais a aussi vite montré ses limites dans ce contexte si particulier. L’évidence fut plutôt de me consacrer au vivant, à mes enfants, à ce qui est là. Mon rapport à la nature s’en est trouvé accru et ce temps confiné nous aura permis de créer de nouveaux liens avec nos voisins, que nous connaissions si peu. Un nouveau rapport au monde local.
Propos recueillis par Nathalie Ronvaux
Photographies : La Vénerie