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Cet été, cap sur la mer Baltique... (7)

Vilnius
C'est en Lituanie, notre nouvelle escale, que nous allons faire la connaissance d'un compositeur passé maître dans l'art de la réécriture.

Sommaire

Arturas Bumsteinas est un jeune compositeur lituanien qui conjugue musique électroacoustique et art visuel. Né à Vilnius en 1982, il étudia la musique et le théâtre à l'académie et fréquenta la classe de composition d'Antanas Jasenka qui devait l'initier aussi bien au chant grégorien qu' à John Cage  et  Stockhausen.

Bumsteinas

C'est  le  compositeur  Osvaldas  Balakauskas qui devait, par la suite, compléter sa formation et l’influencer de manière décisive même si l'hostilité de ce dernier à l’égard d'un « avant-gardisme qui serait au service de l'avant-gardisme » rejetant systématiquement l'héritage du passé, n’était guère conciliable avec l’intérêt de son élève pour le minimalisme et surtout pour John Cage. C’est par le  medium électronique que le mélange alchimique des arts sonores et visuels opèrera chez Bumsteinas, qui n’éprouvera à aucun moment  l’impression de trahir une formation profondément ancrée dans la tradition musicale classique. En fait, ce sont les fondamentaux qui l’intéressent, quelle que soit la forme qu’ils prennent; se plaçant dans le sillage de Fluxus et de John Cage, Bumsteinas n’isolera pas l’art de la vie quotidienne, puisant dans celle-ci tous les matériaux d’une création qu’il perçoit plus comme un travail collectif, constamment  en élaboration que comme l’achèvement d’une œuvre individuelle. C’est en bougeant les perspectives et les réflexes acquis qu’il fait apparaitre les champs de potentialités, d’interconnexions et fait disparaitre les frontières structurelles et les genres.  Rien ne l’empêche, dès lors, à partir des 26 pages de la partition de « Studie II » de Stockhausen, de monter son « Stockhausen’ s Cocktails Bar Menu » en associant chaque ingrédient à un son, le niveau d’alcool étant réglé sur la fréquence et la température sur le volume sonore. Derrière une approche complètement dédouanée de la prestation artistique, où l’interprète, en l’occurrence, peut être remplacé par un barman, Bumsteinas, qui n’est pas dans une vision complaisante de la société, fait tomber les barrières hypocrites en explorant l’envers du décor d’une culture d’élite.

Décidé à mettre en chantier toute la mémoire du monde, il n'hésite pas à prendre appui sur  le  patrimoine musical, artistique ou littéraire existant et à orienter son travail de composition davantage vers la réécriture de ce qui existe que vers l’inventivité ex nihilo. Ce qui a déjà été créé est une partition que l’on peut réinterpréter; « Heap of Language » est la démonstration de cette capacité, à travers la « sound partition » d'utiliser toute la potentialité de l'héritage  artistique afin d'ensemencer une nouvelle expression. Il s'agit de pièces écrites (ou réécrites) entre 2000 et 2010 sur base d'œuvres musicales classiques (Webern), électroacoustique (Ikea Organ) ou  traditionnelles  (Pologne,  Perse),  de  poème (« Heap of Language » de Robert Smithson) ou d'une thématique historique (Antiradical Opera). Bumsteinas ne prend pas trop au sérieux la ligne de démarcation qui divise en deux camps les adeptes du son harmonique et ceux du son acoustique.  Les deux, selon lui, sont inévitables et inhérents à la musique, le choix du compositeur devant porter sur la façon de les apprivoiser, de les contrôler. Bumsteinas continue de réclamer de Fluxus et de l’approche conceptuelle de Cage, même s’il se distingue de ce dernier par une sensibilité davantage harmonique et contemplative, tirant vers les profondeurs.


 

Jacques Ledune

 


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