« Home » d’Assaf Shoshan au Musée juif de Belgique
Il est rare qu’une exposition de photographies – ici de grands formats – vous donne un choc comme celui que j’ai ressenti en visitant celle organisée autour du travail d’Assaf Shoshan, au Musée juif de Bruxelles. — Tony de Vuyst
Cette période de confinement y était-elle pour quelque chose ? Quoi qu’il en soit, cette idée d’être privé de sa liberté de déplacement telle que nous la connaissons tous actuellement – même si ce n’est pas à une échelle comparable à la réalité de déracinement des migrants – ne donnait que plus de résonance à la profonde désolation qui ressort des images magnifiques de Shoshan. Migrants sans papiers murés dans les voies sans issues de la reconnaissance de leur statut, se marquant par de grands portraits où toute la détresse humaine se lit dans les regards (lorsque les regards sont captés; parfois ce sont les mains ou un éclairage particulier), champs de ruines de villages palestiniens dépecés par la colonisation israélienne ou vanité de projets de vie, lorsqu’on sait qu’elle va bientôt s’arrêter et que l’on décide de jeter ses manuscrits refusés – le travail de toute une existence – à la mer, tout ici parle de « déterritorialisation ».
Ces chemins de l’exil sous toutes ses formes sont également incarnés par le travail de vidéo mené par Shoshan, qui vit aujourd’hui entre la France et Israël, telle « Lishay » (2017) où la vie des migrants (ici des juifs éthiopiens) est représentée magistralement et si « simplement » au départ des personnes qui attendent pour traverser sur un passage pour piétons à Rehovot : « tandis que les feux passent au vert, au rouge, régulant une circulation dense, sur le trottoir d’en face une partie des piétons ne traverse pas, ne peut traverser, et peu à peu grandit » [carnet du visiteur]. Shoshan montre à travers ce court film les barrières invisibles, sociales et psychologiques, collectives et individuelles, qui se dressent sur leur chemin. Ce qu’il donne à voir, c’est ce qui n’arrive pas, non le processus, mais son empêchement. Et toute la douleur de l’exil transparaît au travers de son travail, nous entraînant à sa suite dans une profonde réflexion sur, simplement, la vie…
Tony de Vuyst
Jusqu'au dimanche 21 février 2021
Musée juif de Belgique
21 rue des Minimes
1000 Bruxelles