Atelier Tricotez vous : pourquoi tant de laine ?
Son ambition première était de réunir des gens simplement désireux d’apprendre à faire des pulls et des écharpes. Très vite les choses ont évolué pour donner naissance à un atelier freestyle. Orienté au départ plutôt sur la pratique, sur le partage de connaissances techniques, le travail s’est progressivement déplacé vers autre chose. Plusieurs impulsions venues de l’extérieur ont contribué à sortir l’atelier de son cadre utilitaire pour le lancer sur la voie de créations plus ambitieuses.
La distinction entre artisanat et art est subtile et très souvent arbitraire, et le travail de la laine, marqué comme une occupation traditionnellement féminine, a longtemps été considéré comme indigne du qualificatif artistique. Le lien avec le quotidien, la matière, l’éphémère, lien perçu autrefois de manière négative, est aujourd’hui reconnu comme constituant une forme esthétique à part entière. L’atelier a suivi cette voie en détournant les techniques et les savoirs usuels du tricot dans une direction s’éloignant du cadre conventionnel.
Très vite, plusieurs propositions sont venues alimenter l’envie d’aller plus loin. Dans la foulée de ces diverses expériences, le travail est devenu de plus en plus abstrait, avec la participation de l’atelier à plusieurs projets lancés par PointCulture dans le cadre de la thématique Nature Culture, comme l’exposition Maskbook, une participation au Carnaval sauvage et une grande exposition en mai 2017, La Nature devient folle, qu’on peut presque déjà voir comme une rétrospective du travail accompli et du chemin parcouru.
Comme le soulignent Brigitte et Pénélope, les deux instigatrices du projet, il n’a pas été nécessaire de convaincre l’équipe de s’inscrire dans cette nouvelle démarche. Tout le monde a suivi, transformant l’atelier en projet commun. Au travers des projets artistiques, un équilibre s’est installé entre les super-techniciens et les débutants. Chacun a suivi son rythme, trouvant sa place, son style, apportant ses propres techniques, et apprenant autre chose au passage. Il y a eu une évolution dans les aptitudes de tout le monde, encouragée en grande part par la possibilité de montrer son travail à d’autres. C’est avant tout le travail en commun, en atelier, qui a permis de transformer les habitudes. Par exemple, comme le raconte Brigitte,
À un moment s’est posé la question de rentrer les fils ou pas, c’est-à-dire de respecter la finition traditionnelle du tricot, propre et soigné, ou bien de souligner au contraire son aspect brut. — Brigitte
Tout cela a donné une identité à l’atelier, et conduit à l’invention de formes abstraites nouvelles comme les scrobitchnelles ou les glouglouttes.
Le groupe est lui-même très diversifié et forme un ensemble intergenre et intergénérationnel allant de 8 ans à 78 ans, avec des profils très différents. On y trouve une majorité de femmes mais aussi quelques hommes. Chacun y participe avec des raisons et des attentes différentes, mais l’enthousiasme collectif est contagieux et les nombreux retours positifs qui ont suivi l’exposition de mai confortent l’équipe dans ses ambitions.
La publicité apportée par les sorties et les expos amène de nouvelles propositions de collaborations et attire également de nouveaux membres. Toutefois, l’atelier est conscient de ne pouvoir dépasser un nombre maximum de participants, pour maintenir une masse critique et pouvoir s’occuper de tout le monde, conserver une certaine convivialité, un certain confort. Il fonctionne aujourd’hui avec une équipe de deux personnes et une vingtaine de participants récurrents.
L’atelier tricot s’engage à présent dans URBN, la nouvelle thématique de saison de PointCulture consacrée à la ville. S’adapter à certains thèmes n’est pas toujours évident ; le thème précédent, celui de la nature, paraissait de prime abord plus facile à interpréter que celui de la ville. Mais après discussions et réflexions, des pistes ont rapidement été trouvées et des propositions ont déjà été avancées. Certains des participants se sont ainsi lancés dans l’élaboration de routes en tricot, d’immeubles en crochet, d’autres de pigeons ou de rats en laine, d’autres encore ont choisi une approche plus abstraite comme l’évocation de plans de ville, de cartes géographiques. La nouveauté sera cette fois l’association de l’atelier avec un artiste invité. Le musicien et plasticien Stefaan Quix, qui ne tricote pas mais compose de la musique électronique et réalise des installations minimalistes, effectuera une résidence au PointCulture Bruxelles, durant laquelle il développera en collaboration avec l’atelier une œuvre mixte abordant la thématique urbaine. Le résultat de tout ce travail sera montré en fin de saison lors d‘une nouvelle grande exposition.
Benoit Deuxant
Pour voir les différents projets de l'atelier
site Stefaan Quix