The Bench - A Microscopy
Dans l’arsenal complexe du mobilier urbain, le banc occupe une place ambigüe. Il représente l’anomalie, l’exception, c’est un moment d’immobilité dans un monde presque entièrement tourné vers le mouvement, la circulation. Dans des villes organisées avant tout autour du trafic automobile, et de la mobilité des piétons en deuxième lieu, s’arrêter ne serait-ce qu’un instant est perçu comme une incartade. C’est pourquoi les bancs sont installés à des endroits stratégiques, les parcs, les places, les abribus, à l’écart de la frénésie, là où il ne dérange pas, ou pas trop. Ils sont toutefois devenus des enjeux particuliers dans la lutte pour l’occupation et la rentabilisation du territoire. Ils ne s’adressent pas à n’importe qui, et les autorités qui gèrent l’espace public effectuent un tri impitoyable des usagers acceptés ou au contraire priés de passer leur chemin. Les jeunes « qui trainent », les sans-abris, les clochards sont requis de laisser leur place aux citoyens accrédités, et le mobilier est souvent étudié pour être dissuasif. Des dispositifs retors, des artifices dans leur conception empêchent qu’on puisse s’y étendre, ou découragent d’y rester trop longtemps. Et pourtant paradoxalement, il est revendiqué comme un outil de socialisation, de rencontre, fréquenté par des gens souvent seuls.
On le voit, le banc
est une excellente clé pour examiner le monde qui nous entoure, et la fondation
CIVA nous propose une exposition qui décline le résultat de cette observation.
La curatrice Aline Gheysens a rassemblé une série
d’approches, sous la forme de
différents regards artistiques, qui abordent le phénomène sous tous ses angles
et mettent l’accent sur l’aspect collectif du banc, son appel au
partage de l’espace, ne serait-ce que momentané. L’exposition est conçue comme
une déambulation à travers les différents espaces de la Fondation, entrecoupée
de haltes sur des bancs soit empruntés à la réalité urbaine, ou bien au
contraire des « bancs d’artistes », étudiés pour l’occasion. Les
salles d’exposition présentent, elles, des séries de cartographies, réelles ou imaginaires, des modes
d’emplois, des modèles de design et de détournements, des collections de bancs
publics, ou de bancs de congrégations religieuses. L’exposition montre que ce
meuble en apparence banal est tout sauf neutre. Le regard posé sur lui est
quelque fois un peu amusé, un peu déconcerté par le coté ordinaire de l’objet,
mais souvent impressionné par les possibilités qu’il offre. L’analyse se veut
parfois scientifiquement objective et parfois au contraire radicalement
subjective. Le banc est le lieu de l’observation,
l’endroit où comme le dit un des artistes, on vient « pêcher avec le
regard », observer le soleil couchant ou la danse des passants. Il est ici
la chose qu’on observe, qu’on analyse, et comme tous les objets qu’on ne voit
plus, tant ils sont banals, il a beaucoup à dire pour peu qu’on s’y attarde.
Benoit Deuxant
Fondation CIVA
22 Rue de l’Ermitage
1050 Bruxelles – Belgique
+ 32 2 642 24 50
Jusqu'au 28 janvier 2018
liens vers les artistes cités:
JDS architects, Ann Veronica Janssens, Simon Boudvin, muller van severen, Jean-François Pirson et William H.Whyte