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Bruit noir à Petit-Fays (eux qui aiment la province)

Bruit noir - photo de presse.jpg
« Bon, le premier était bien, il était classe. Ils auraient mieux fait d’arrêter, comme Balavoine. » C’est à peu de choses près comme ça que commence le deuxième album de Bruit noir (II/III après I/III). Une manière de couper court à toute tentative de critique. Une frappe préemptive qui empêche d’en dire du mal, comme du bien, mais surtout de le dire aussi bien.

« Encore un album pour que dalle » c’est l’ambiance du disque. Avec un premier morceau (« Le Succès », après l’ « intro ») qui annonce la couleur, un peu beaucoup désenchanté, un peu beaucoup fâché aussi, sur le milieu de la musique, sur la presse, sur le monde entier. Comme le précédent, II/III ce sont des textes avec « beaucoup de batterie et beaucoup de bruit », et des intermèdes comiques, ou pas. Bruit noir, c’est le duo formé par Pascal Bouaziz (textes, voix) et Jean-Michel Pirès (musiques, sons, la batterie et le bruit donc). On connait les deux comme membres de Mendelson, formation habituée au « succès critique » depuis 1997, quand ils faisaient partie de la « génération Lithium » du nom du label qui aura aussi lancé Dominique A et Diabologum.

Si Mendelson était un groupe qui ne mâchait pas ses mots, Bruit noir met le texte au centre d’une déferlante de grogne, qui balance sur la province comme sur Paris, sur Joe Dassin comme sur Daniel Darc. La démarche tient du stand-up, comme si au lieu de lancer des vannes entre les chansons, Bouaziz et Pirès les avaient mis en musique. C’est, disent-ils, un peu comme ça qu’est venue l’idée de Bruit noir. « Poésie sonore chamanique fort émouvante, voire cathartique », nous dit un commentaire sur YouTube. Bon, malin aussi de lire les commentaires sur YouTube. En vrai, ce sont des textes écrits comme on parle, qui hésitent comme on bafouille, qui vont trop loin comme quand on ne se relit pas.

L’idée de Bouaziz, c’est qu’on met trop de filtre à son discours, pas dans le sens réactionnaire qui voudrait qu’ « on ne peut plus rien dire aujourd’hui », mais dans le sens où le consensus qu’on cherche empêche de dire du mal. Ou simplement d’avoir un discours complexe. Mise en abîme dans la construction des textes, c’est aussi l’idée qu’un détail qui choque peut gâcher pour l’auditeur chatouilleux tout le reste du débat. Ainsi trouver que « Paris » est le seul morceau correct jamais écrit par Daniel Darc va masquer, pour ceux qui, outrés, s’arrêteront à cette déclaration, le fait que Bouaziz et Darc sont d’accord sur le fond, sur le fait que Paris est une ville pourrie.

On lui reprochera sans doute de chercher la provocation facile. Mais derrière l’apparent flux constant d’amertume et de misanthropie, il y a aussi des textes à citations, qui ne cherchent pas à cacher qu’on aime aussi des choses, des gens, le cinéma, la musique, qu’on lit des livres, qu’on est un intellectuel. Sur l‘album précédent, il honorait les morts célèbres, la sienne propre dans « Requiem pour Pascal Bouaziz » ou Ian Curtis dans « Joy Division » (où il trouvait que « C'est pas tellement triste qu'il ait été triste, c'est tellement triste qu'il ait été entouré d'abrutis »). Cette fois encore, il y a des déclarations d’amour, à Romy Schneider, à Plutarque ou Tarkovski, ou à Pasolini, qui termine dans « 1967 » au sommet d’une liste extensive des auteurs et des cinéastes et des musiciens qui, « au risque de passer pour un vieux con », étaient mieux en 1967. Il y a des fulgurances, des moments mélancoliques, presque franchement tendres, et puis l’amertume reprend le dessus. « C’est pas que je suis aigri, c’est que je ne vous pardonnerai jamais ».

Bruit noir sera en concert au PointCulture Namur le 21 juin 2019 dans le cadre de la fête de la musique

Mais aussi au
P’tit Faystival le samedi 13 juillet.


Benoit Deuxant

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