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Bruxelles : dessins et planches autour de la réalité des prisons

Renaud De Heyn

Bruxelles, Société, BD, bande dessinée, entretien, URBN, engagé, Renaud De Heyn, XXI (revue), prison

publié le par Emmanuelle Dejaiffe

Fin novembre, dans le cadre de sa saison URBN, PointCulture expose dessins et croquis de Renaud De Heyn. Dans le dernier numéro de la revue XXI, il a publié un récit graphique sur la situation carcérale bruxelloise. Entretien avec un homme engagé qui dessine une réalité complexe.

- Renaud De Heyn, vous exposez tout prochainement au PointCulture Bruxelles, de quoi s’agit-il ?

Il y a deux choses. D’abord, un reportage en bande dessinée qui porte sur le projet de mégaprison prévue à Haren et ensuite, toute une série de croquis du pourtour de Bruxelles, des franges de Bruxelles, sur la limite entre la ville et le Brabant flamand. Cette limite est souvent concrète. La ville s’arrête et il y a des champs, des réserves naturelles, des zones industrielles, des prés avec des vaches. C’est assez marrant car on sent la fin de la ville. Au-delà, on trouve les villas quatre façades caractéristiques de la région du Brabant flamand.

- Ce reportage que vous proposez à la revue XXI a comme sujet la prison. Qu’est-ce qui vous a attiré sur ce type de sujet sur le plan BD ?

Sur le plan BD… L’idée m’est venue alors que je faisais le tour de Bruxelles à l’époque où le nouveau gouvernement fédéral venait d’être formé. Pour la première fois dans l’histoire de la Belgique, on se trouvait face à un gouvernement principalement de droite. J’étais un peu inquiet, surtout qu’en son sein, on retrouvait des nationalistes flamands. Je me demandais de quelle manière je pourrais évoquer ces inquiétudes. Et je suis tombé un peu par hasard sur le terrain destiné à la construction de cette nouvelle prison, des gens occupaient ce terrain et s’opposaient à sa construction. Je ne comprenais pas trop pourquoi car je savais que les conditions carcérales sont épouvantables aujourd’hui à Bruxelles et je trouvais que pour des questions humanitaires, c’était mieux de construire un nouveau bâtiment pour les détenus. Du coup, j’ai discuté avec ces gens. Au fil de la discussion, cela m’a rappelé cette phrase :

« On reconnaît le degré d’évolution d’une société à l’état de ces prisons » — Camus

J’ai trouvé là une manière de parler de ce nouveau gouvernement, de ce nationalisme, de la montée de la droite en Belgique et en Europe. L’état des prisons est révélateur de toute une série de choses.

- Au fil des semaines, des mois, qui deviennent des années, est-ce devenu un credo de parler des conditions de survie en prison et de tout ce qui tourne autour de cette vie carcérale ?

Je ne pense pas que ce soit devenu un credo mais les conditions sont tellement catastrophiques. La question à se poser est comment en est-on arrivé là ? On est au 21eme siècle. Le 20eme siècle était celui de la psychologie et jamais, il n’y a eu une telle population incarcérée ! La Belgique est dénoncée chaque année pour l’état de ses prisons, les conditions sont mauvaises et tout le monde s’en fout. C’est une aberration. Mais que se passe-t-il quand cette population sort de prison après avoir passé parfois des décennies dans des conditions humiliantes, inhumaines… Après, ils seront parmi nous.

- Concrètement, comment avez-vous traduit cette réalité ?

Il y a des croquis. J’ai passé, par exemple, une semaine à dessiner à la prison de Forest. Le directeur m’a fait visiter la prison. J’ai rencontré des agents pénitentiaires, des riverains, des activistes, les acteurs du monde de la justice et des écologistes qui s’opposent au projet. En fait, j’ai écouté toute une série de gens qui ont un rôle à jouer dans tout ceci et je traduis cela en bande dessinée. Ce qui est bien en bande dessinée, c’est qu’on peut traduire tout propos dans un certain onirisme. Même si je ne suis pas trop dans l’onirisme dans ce projet-ci. Je reste assez les pieds sur terre, ce qui semble assez important pour ce sujet.

- Parlez-nous de votre collaboration avec XXI ?

C’est la troisième fois que je participe à la revue XXI. La première fois, j’ai réalisé un reportage sur les cultivateurs de haschich au Nord de l’Afrique, au Maroc. La seconde fois, c’était un reportage sur la scientologie.

CARCEROPOLIS par Renaud de Heyn | Les Coulisses du récit

- La justice, qu’évoque ce mot pour vous ?

Le budget de la justice belge est l'un des moins doté d'Europe. On l'a encore baissé. La justice est censée être la même pour tous, mais elle l'est de moins en moins.  La mégaprison, c'est aussi la démonstration que ce système sociétal accroît de plus en plus les injustices. Il n'y a que des pauvres en prison. 

- Avez-vous un rêve qui vous tient à cœur ?

J’en ai plein ! C’est tellement vaste. Réformer le système démocratique serait un bon début. David Van Reybrouck a fait, dans ce domaine, des suggestions très intéressantes. Comme par exemple, la combinaison de personnes issues d‘un tirage au sort (parmi des gens qui se seraient portés volontaires) et de politiciens professionnels, issus d’un système politique tel qu’il existe aujourd’hui. Ce serait un mélange des deux. Il y aurait différents niveaux de pouvoir et des organes de contrôle, eux-mêmes contrôlés. Des expériences ont été faites mais elles n’ont jamais abouti. Il y a de la résistance de la part de personnes qui n’ont pas intérêt à ce que cela change.



Entretien : Noël Godts - Retranscription : Emmanuelle Dejaiffe


EXPOSITION | Sortir de l’enfermement | Renaud De Heyn
Vernissage 30/10 de 18h à 21h
30/11 > 27/01 | Entrée libre


RENCONTRE | Sortir de l’enfermement
Une alternative au système carcéral, au cœur de la ville.
29/11 à 19h00 | Entrée libre

PointCulture Bruxelles

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