César Aira par la librairie Point Virgule (Namur)
L'Argentine a été tout au long du XXème siècle aux avant-postes de la création littéraire. De Jorge Luis Borges à Ernesto Sabato, de Roberto Arlt à Julio Cortazar, les grands écrivains argentins du siècle dernier ont pour point commun leur goût pour l'expérimentation et leur volonté d'échapper aux carcans des genres prédéfinis. Les (re)lire aujourd'hui, c'est toujours, malgré leur statut de « classiques », faire l'expérience de leur singularité ; c'est partir à la rencontre d'œuvres exigeantes, labyrinthiques, riches de sens.
Buenos Aires est bien entendu au centre de l'effervescence littéraire en Argentine. La capitale compte pas moins de 450 librairies : c'est plus que dans n'importe quelle autre ville au monde. — Anouk Delcourt
La fuite en avant et la prolifération selon César Aira
C'est dans le quartier de Flores que nous poursuivrons la balade, en compagnie du génial César Aira. Né en 1949 à Coronel Pringles, il gagne la capitale en 1967 pour s'installer à Flores. Il fera des rues et des cafés du quartier le centre vibrant de son œuvre. César Aira, s'il reste peu connu dans le monde francophone, est considéré comme l'une des figures principales de la littérature latino-américaine d'aujourd'hui, à l'instar d'un Roberto Bolaño. Il est l'auteur d'une cinquantaine de romans et de nombreux essais critiques.
Si vous aimez les romans qui mènent en droite ligne vers leur dénouement, passez d'emblée votre chemin. Car chez César Aira, le lecteur ne sait jamais à quoi pourra bien ressembler la phrase qui vient. Son œuvre avance comme une fuite en avant, donnant les pleins pouvoirs à l'imagination au gré de tours et détours qui défient la logique. Prenez Le Prospectus, livre bref au charme particulièrement savoureux : il s'agit au départ du prospectus qu'une jeune actrice distribue aux habitants de Flores pour y vanter l'atelier d'art dramatique qu'elle vient d'ouvrir. Et ce prospectus, dans une prolifération typique de César Aira, va décoller du Flores contemporain pour nous emmener dans l'Inde coloniale, à la poursuite d'une mystérieuse jeune Anglaise... Comme si Buenos Aires se métastasait au point de couvrir le monde entier. Dans Les Nuits de Flores, César Aira raconte la crise économique qui a secoué le pays à l'aube des années 2000. Ses héros, un couple de retraités, arpentent le quartier nuit après nuit pour livrer des pizzas. Rien de réaliste pour autant dans cette traversée urbaine, qui tient davantage du conte de fées ou du roman gothique..
Découvrir Buenos Aires sur les pas de César Aira, c'est la promesse de ne jamais suivre les chemins balisés. — Anouk Delcourt
La peinture de la ville cède le pas à la fiction, et l'imagination, si elle est débridée, ne va pas sans une poignante mélancolie. Flores est l'antichambre d'un monde plus vaste, où l'auteur et ses personnages nous invitent à découvrir ce que devrait toujours être la littérature : une pratique de la liberté.
Anouk
Delcourt, Librairie Point Virgule (Namur)
- photo du haut (c) Daniel Morzinski, le "photographe des écrivains" né à Buenos Aires en 1960
César Aira: Le Prospectus
traduction Michel Lafon
Christian Bourgois éditeur, 2006
130 p.
et
César Aira : Les Nuits de Flores
traduction Michel Lafon
Christian Bourgois éditeur, 2005
145 p.
Point virgule
1 rue Lelièvre
5000 Namur
Cet article fait partie du dossier Buenos Aires.
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