Cet été, cap sur la mer Baltique... (4)
Les Musiques des capitaines de Hambourg [Kapitänsmusiken] composées par Georg Philipp Telemann (1681-1767)
Le 10 juillet 1721, Georg Philipp Telemann reçoit une offre
d'emploi de la municipalité d'Hamburg où il s'était fait remarquer à diverses
reprises par l'excellence de sa musique. La proposition porte sur la direction
de la musique dans les cinq paroisses principales de la ville et le Johanneum
Lateinschule. Il prend ses fonctions directoriales le 17 septembre 1721. Le
compositeur entame la phase la plus productive de sa carrière, ce qui n'est pas
peu dire.
En effet, l’œuvre de Telemann est aussi étendue que celles de Bach
et Haendel réunies. Comme ces derniers, le directeur de la musique à Hambourg doit
fournir deux cantates par dimanche, une passion à chaque printemps, de la
musique pour les cérémonies religieuses et pour les événements majeurs dans la
cité. Ceci implique que Telemann fournisse une fois l'an la Kapitänsmusik
comprenant un oratorio sacré et une sérénade profane pour les fêtes du
commandement militaire d'Hambourg.
Ville fortifiée, Hambourg avait dû se défendre des Danois jusqu'en 1666, d'où l'entretien d'une garnison professionnelle et d'une milice bourgeoise. Il n'y avait plus grand chose à craindre en ce début de 18ème siècle, ce qui laissait de la place pour le banquet annuel du corps des 67 officiers de la garde bourgeoise, un repas à trois services qui avait lieu au mois d'août. Telemann écrivit 36 Kapitänsmusiken dont la première date de 1732.
Penchons-nous sur le banquet de 1738.
La
Kapitänsmusik de 1738 fut interprétée le 28 août. Elle faisait appel à 6
solistes, à un chœur, aux cordes et à un effectif d'instruments à vent
exceptionnel à savoir 2 cors, 2 hautbois, 2 flûtes à bec, 2 flûtes
traversières, un basson soliste, un fifre et un tambour militaire pour faire
honneur au commanditaire.
Dans l'oratorio, Dieu est remercié pour la prospérité
de la ville avant de faire place à dix allégories au nombre desquelles Hammonia
(Hamburg), la piété, la vérité, la confiance, la négligence et l'Elbe. La
sérénade venait offrir un contraste bienfaisant à l'auditoire avec ses allures
martiales et des allusions à des conflits en cours.
En 1738, c'est la guerre
austro-russe contre les turcs dans les Balkans qui est évoquée avec, bien sûr, ses
sonorités spécifiques. Ces deux heures de musique étaient bien plus que de la
"musique digestive", les livrets étaient suivis avec intérêt pour les
convives. Ne crachons donc pas dans l'assiette de soupe : la musique de
circonstance de Telemann reste du Telemann et faisons comme les capitaines qui
venaient se nourrir d'un art aussi appréciable que délectable.
Anne Genette
Cet article fait partie du dossier Baltica.
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