Cet été, cap sur la mer Baltique... (2)
Ecouter Glazounov, c’est entrer dans la forêt.
Stasov (Théoricien du nationalisme russe), Chaliapine et Glazounov en 1900
Dans sa « Chronique de ma vie musicale“,
Rimski-Korsakov évoque un Glazounov bien en phase avec son temps : « …Après
le concert, diner chez Glazounov. C’est lui qui est le centre de gravité de la
vie musicale ces derniers temps. Les jeunes compositeurs se sentent attirés
vers lui, ce qui est tout à fait compréhensible et naturel. Moi, j’ai soixante
ans et l’intérêt envers moi a évidemment refroidi. ». Nous sommes en 1904,
peu de temps après la disparition du mécène Mitrofan Belaïev qui, grâce à sa
maison d’édition de Leipzig, a offert une audience internationale à certains
compositeurs russes, dont précisément Alexandre Glazounov. Mais sur quoi reposent donc le rayonnement et la modernité de ce
compositeur qui semble avoir marché à côté de l’histoire musicale, celle écrite
par l’Occident bien entendu ? La mort de Glazounov, survenue à Paris en
1936, n’a-t-elle pas été ressentie comme un choc, une aberration temporelle par
ceux qui le croyait d’une autre époque et donc disparu depuis longtemps ?
Des influences nationales (Stenka Razin 1885),
dans le sillage de Rimski-Korsakov et du Groupe des Cinq, au style plus
international (Symphonie n°5 1895) qui le rapprochera de Tchaikovsky et Anton
Rubinstein, pour atteindre ensuite une certaine modernité (Concerto pour Saxophone 1934), Glazounov ne
cherche jamais à briser le système tonal mais plutôt à en interroger les
possibilités. Si tout langage est un outil universel ou tout au moins partagé
au service du particulier, l’œuvre de Glazounov reflète cette bivalence. Sa
précision d’orfèvre aiguise l’écoute davantage qu’elle ne la trouble et un
kaléidoscope de résonnances, de variations crée le vertige des sens obtenu chez
Debussy ou Strauss par le chromatisme et la dissonance.
Comme chez Haydn, c’est
par le genre symphonique ou le quatuor que l’on peut retracer l’évolution de
son langage musical. L’articulation entre un nationalisme revendicatif et une technique
plus universelle se situe au niveau des troisième et quatrième symphonies
tandis que le premier quatuor et le septième, composé à 50 années d’intervalle,
révèlent une évolution vers un langage descriptif de plus en plus abouti mais
toujours bien ancré dans la tradition. Qu’il suggère les paysages et légendes
russes, ou encore la Carélie finlandaise, Glazounov fait plus que planter le
décor, il l’enracine. L’horizon stylistique vers lequel il tendra toute sa vie
n’est pas celui de la déconstruction, ni de la table rase, mais celui d’une
plénitude menacée par l’oubli.
Jacques Ledune
Cet article fait partie du dossier Baltica.
Dans le même dossier :