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Des chants contre les idées d'extrême-droite

Antifascisme en Europe

fascisme, extrême-droite

publié le par Michaël Avenia

Les premiers chants antifascistes trouvent leurs sources dans la musique traditionnelle. Cette dernière étant destinée à traduire le quotidien, il était naturel qu’elle devienne le vecteur des revendications sociales au moment où le régime fasciste a commencé à affecter la vie des gens. La chanson contestataire n’a d’ailleurs pas attendu le fascisme pour voir le jour comme en témoigne une multitude de chansons frondeuses du dix-septième siècle.

Sommaire

Cette playlist n’est pas qu’un ensemble de chants antifascistes mais un réquisitoire de chansons contre les idées d’extrême droite. Certaines d’entre elles ne pointent pas du doigt un état délibérément fasciste mais des démocraties défectueuses.

Alignés chronologiquement, ces chants font écho à l’évolution d’une idéologie qui s’adapte à son époque. Ils parlent du bruit des bottes au début du vingtième siècle et de l’image policée des mouvements d’extrême droite du vingt et unième siècle.

Des sources antérieures

À l’origine, les chansons folks n’étaient pas liées à leurs auteurs, elles étaient écrites pour être interprétées par un ensemble de personnes d'une même communauté et il n’était pas rare de retrouver une même chanson avec les paroles qui variaient d’une communauté à l’autre.

Parmi ces variations, on peut citer Bella Ciao (MA1842), chantée par les saisonnières italiennes qui dénonçaient les dures conditions de travail dans les rizières des plaines du Pô au début du vingtième siècle. Après une modification du texte motivée par l’engagement des partisans italiens durant la Seconde Guerre mondiale, la chanson ne parle plus d’aller travailler mais de trouver l’envahisseur sur le pas de sa porte.

Aujourd’hui encore Bella Ciao est emblématique de la lutte antifasciste au même titre qu’El paso del Ebro (MO0162), plus connu sous le nom Ay, Carmela ! Ce chant était entonné par les Brigades internationales durant la guerre civile espagnole qui opposait les républicains au général Franco qui, en 1936, fomentera un putsch en vue d’instaurer un régime fasciste.

Autre transformation, plus légère puisqu’il s’agit d’une traduction :

Le Chant des partisans (NX3120) fut d’abord rédigé en russe, la langue d’origine maternelle d’Anna Marly qui avait écrit cette chanson pour les combattants de Stalingrad. La version française fut commanditée, en 1941, par le réseau résistant Libération sud et était destinée au soutien des maquisards. La Complainte du partisan fut écrite deux ans plus tard dans le même but.

Syndicalisme et antifascisme

Il y a toujours eu une passerelle entre la lutte antifasciste et le syndicalisme. Benito Mussolini créa le premier régime fasciste en 1922, en revendiquant un état fort de son économie au détriment de l’individu. Les syndicats ouvriers furent purement et simplement interdits.

Avec Tear the Fascists Down (MB4800) en 1944, Woody Guthrie, illustre chanteur folk voué à la cause ouvrière, salue la décision des USA de prendre part à la guerre en Europe mais aime à souligner que ce sont les syndicats qui briseront les chaines de l’esclavage et démoliront le fascisme.

C’est d’ailleurs dans un élan patriotique qu’il inscrit sur sa guitare « This machine kills fascists ». La photo la plus célèbre du chanteur qui inspirera de nombreux groupes militants comme les punks d’Anti-Flag qui intituleront une chanson rendant hommage aux chanteurs syndicalistes du début du vingtième siècle This machine kills fascists en 2001.

Cette tradition du chanteur folk syndicaliste fera des petits. Billy Bragg signe depuis le début des années 1980, des albums rock folk voués à la cause syndicale.

Il sortira en 1998 et en 2000, deux albums avec le groupe Wilco en hommage à Woody Guthrie. On y retrouve une chanson que Guthrie a écrite en 1942 mais qu’il n’a pas eu le temps d’enregistrer : All You Fascists.

Les dictatures fascistes européennes d’après-guerre

Si l’Europe d’après-guerre vit le déclin des partis d’extrême droite, une opposition au marxisme, le rejet des accords de Yalta et la période de décolonisation ravivèrent des esprits dans un néofascisme qui revendique l’héritage des régimes totalitaires des années 1930. António de Oliveira Salazar au Portugal et Geórgios Papadopoulos en Grèce rejoindront l’Espagne du général Franco dans la liste des systèmes européens aux politiques fascistes.

L’Histoire se répète. Dans la Grèce des colonels, le compositeur Mikis Theodorakis sera emprisonné, ce qui ne l’empêchera pas de composer. On peut citer la bande originale du film Z, le manifeste de Costa-Gavras contre la dictature en Grèce et To Yelasto Pedi (MS8046) pour le peuple grec qui ne se soumettra jamais à l’oppression. Il donnera sa première représentation en 1974 à la chute du régime.

Les punks

Ce retour progressif des partis d’extrême droite trouvera dans les démocraties européennes son apogée dans les années 1970 où ils proposeront des listes communes lors des élections européennes.

Ce retour sera dans le collimateur d’une scène punk en pleine effervescence comme en témoignent ces quelques exemples : National Front par The Pigs (Grande-Bretagne, 1979), : They’re Back Again, Here They Come par The Cigarettes (Grande-Bretagne, 1979, X 703Q), Which side you will be on ? par Rondos (Pays-Bas 1980).

L’association entre les Hollandais The Ex et les Anglais Chumbawamba donnera en 1987 un projet aux noms évocateurs : Antidote pour le projet et Destroy Fascism pour le nom de l’album.

On y trouve un morceau de quinze secondes : There's No Need To Vote NF When There Are Twelve Tory Fascists In The Cabinet ( “Il n’est pas nécessaire de voter FN quand il y a douze fascistes conservateurs au sein du cabinet” ).

Radicalité oblige, Chumbawamba sort en 1998 : On The Day The Nazi Died (XC401R).

Les chansons qui cherchent à en découdre avec le nazillon sont légion mais certains groupes revendiquent la multi-culturalité et la richesse de l’immigration. Les Anglais The Idles, aiment bien les fils d’immigrés, ils les encensent, rappellent la beauté de la diversité culturelle et soutiennent que leur pote Danny Nedelko (2017, XI133A), fils d’immigré ukrainien, est super cool.

Au regard de certains, l’approche du keupon sur les sujets de société n’est pas très élaborée Un cliché inexact, beaucoup ont un regard acerbe, certes, mais pas dénué de sens.

Les années Reagan

En 1980, l’élection de Ronald Reagan met le feu aux poudres. Sa politique ultraconservatrice, le soutien aux dictatures en Amérique du Sud et en Asie décomplexent les groupuscules néonazis américains et le Ku Klux Klan.

Sur la terre de l’Oncle Sam, la scène punk se mua en Punk hardcore, la musique et les textes se radicalisent.

The Dead Kennedys compare la politique californienne au régime hitlérien (California Über alles 1980, XD205A), Suicidal Tendencies dénonce l’attitude fasciste de la police (Fascist Pig 1983, XS915B) et D.O.A propose tout bonnement de détruire l’Etat (Smash the State 1981).

Pour ce qui est du morceau Nazi Punks Fuck Off (XD205M) des Dead Kennedys, si le titre a l’air explicite, la chanson parle avant tout d’un type de public qui fréquentait les concerts pour y provoquer des bagarres.

Démocraties défaillantes

Les règnes de Ronald Reagan et Margaret Thatcher jetèrent les bases d’un néolibéralisme contemporain qui œuvre pour les entreprises les plus puissantes. Les inégalités sociales s’accentuèrent. En 1991, le groupe militant américain Consolidated chante Friendly Fa$cism. Le « s » remplacé par le logo du dollar annonce la nouvelle couleur du fascisme. Désormais l’argent est au pouvoir.

Dans cette Amérique à la droite décomplexée, le groupe No wave Sonic Youth, enregistre, en 1992, Youth Against Fascism. Ils y abordent des thèmes comme le Ku Klux Klan, la guerre en Irak, l’agressivité des militants néonazis, mais aussi l’affaire Anita Hill et la controverse entourant la nomination en 1991 du juge Clarence Thomas à la Cour suprême suite à des allégations de harcèlement sexuel.

Les chansons qui dénoncent les failles de la démocratie américaine ne datent pas d’hier. Déjà en 1939, Billie Holiday entonnait la première chanson dénonçant les lynchages des Afro-Américains dans le Sud des Etats-Unis. Strange fruit (UH7113) est issu d’un poème écrit deux ans plus tôt par un certain Abel Meeropol et adapté musicalement par lui-même.

En 1969, Léonard Cohen reprend la Complainte du partisan dans sa langue natale (The Partisan XC564B), à l’heure des manifestations contre la guerre du Viêt Nam. Un an plus tard, Crosby, Stills, Nash and Young immortalise le massacre de l’Université de Kent où l’armée ouvrit le feu sur des manifestants pacifistes avec la chanson Ohio (1970, XC889F).

Enfin, comme pour faire écho à l’élection de Ronald Reagan, l'arrivée au pouvoir de Donald Trump en 2017 provoqua des manifestations dans le monde à cause de sa politique conservatrice, raciste et homophobe. Le musicien Marc Ribot en fera écho en sortant en 2018 un album de reprises de chants militants dont Bella ciao (UR4136), interprétée par Tom Waits qui se permettra une nouvelle variante dans le texte en remplaçant le mot « Envahisseur » par « Fasciste ».

Les USA ne sont pas la seule démocratie défaillante. En 1995, lors d’une interview, Jacques Chirac dérape et parle “du bruit et de l’odeur” des familles de travailleurs immigrés. Les Toulousains de Zebda en feront une chanson, pour rappeler au futur Président de la République que se sont ces travailleurs qui fabriquent les autoroutes françaises et qu’ils occupent un emploi dont beaucoup de Français privilégiés ne voudraient pas (Le Bruit et l’odeur NZ1812).

Les partis de droite sont de plus en plus décomplexés et finissent par emprunter les propos de la droite radicale.

Dans Un jour en France (1996, NN5907), Noir désir parle de la corruption, de la crise et du passage à l’Euro tapis dans l’ombre du Front national.

En France

Avec sa stratégie médiatique de provocation, Jean-Marie Le Pen devint un personnage emblématique de l’extrême droite en Europe, popularisant le FN.

Si cette attitude a séduit une partie des Français, l’autre partie réagit comme les enfants de la Révolution française et de la Commune de Paris. Si bien que la chanson Porcherie (XB363B / XB363H) de Bérurier noir, qui aborde l’inhumanité de la société moderne, les abattoirs, les bavures policières, les régimes totalitaires et les guerres dans le monde, débute par un enregistrement du borgne qui se transforme en couinements de cochon dans sa version studio en 1985. En 1987, le groupe constate la réaction du public lorsqu’il cite Le Pen dans le refrain et décide d’ajouter un couplet, pour les concerts, qui deviendra emblématique : « La jeunesse emmerde le Front national ». Un couplet enregistré lors de leur concert d’adieu en 1989. Plus tard, le guitariste dira « Si la jeunesse emmerdait vraiment le Front national, il ne serait pas là ».

En effet, l’année 1995 fut prolifique pour le Front national français et ses détracteurs. Le parti obtient des résultats inégalés et des actes de violence perpétrés par des groupuscules radicaux font couler beaucoup d’encre. Cette année-là, Zebda enregistre La Bête J M L P (NZ1812) et Suprême NTM, Plus jamais ça (NS8523). Quant aux Garçons bouchers, ils observent la montée progressive du FN et chantent Doucement (NG0684).

Et doucement l’oiseau fait son nid... Le 21 avril 2002, Jean-Marie Le Pen accède au second tour des élections présidentielles françaises face à Jacques Chirac. Un jour tristement historique immortalisé par IAM (21/04 NI0408). La nuit du 21 au 22 avril 2002, Saez enregistre, dans l’urgence, Fils de France et publie son morceau en téléchargement libre. Une date qui marquera aussi la mise en avant de la fille de Jean-Marie Le Pen. La rappeuse Diam’s lui consacrera un morceau en 2004 (Marine ND3374).

Une extrême droite au visage policé

En désaccord avec la stratégie médiatique de provocation de son paternel, Marine Le Pen reprend le flambeau et adoucit l’image du futur Rassemblement national. La provocation aux portes du négationnisme fait place à la stratégie de normalisation et met sous silence les propos xénophobes et antisémites tout en maintenant ses fondements radicaux.

Le 20/04/2005 (NK0667), le chanteur Philippe Katerine croise Marine Le Pen dans la rue. Fidèle à son humour provocateur, il écrit une chanson où il la suit, attiré physiquement par elle, établissant ainsi une métaphore sur la dédiabolisation du Front national.

Une attirance qui pourrait être symbolisée par Jordan Bardella, le nouveau leadeur de Rassemblement national. Il présente bien et est à l’aise sur les plateaux de télévision. Mais tous ne sont pas dupes. Cyrano chante « …Dans tout ce bordel, on a bradé nos valeurs immortelles. On nivelle vers le bas, et voilà Jordan Bardella ».

Le nivellement vers le bas, ce sont les raccourcis idéologiques et l’adoration du paraitre, omniprésents dans les médias, qui influencent les esprits.

Casey et son rap d’enfants d’immigrés dresse le portrait de l’électorat du Front national, gavé d’images et de sons médiatiques, entretenant ainsi la paranoïa et les stéréotypes sur l’immigration (Qui sont-ils ?).

En 2013, un autre portrait, plus cynique celui-ci, parle du « petit chef » qui aime que tout soit bien rangé et qu’on lui obéisse, par Sexy Sushi avec J’aime mon pays (NS3329).

Prises de position d’artistes non militants

On s’attendait à ce que le rap, le punk rock et le folk soient majoritaires dans une playlist sur les chansons antifascistes. Cependant, des artistes issus de la variété ou qui ne sont pas particulièrement connus pour leur militantisme ont aussi poussé leur coup de gueule.

Dans Less Than Zero XC756M) en 1977, Elvis Costello s’indigne d’un certain Oswald Mosley, fondateur de la British Union Of Fascists, renier son passé raciste dans une interview. L’année suivante, il enregistre Night Rally (XC755H) sur les dangers de l’extrême droite.

En 1981, il n’y avait pas que la scène hardcore américaine pour comparer la politique de Ronald Reagan au fascisme. Le groupe de synthpop Heaven 17 tient des propos similaires avec Fascist Groove Thang (We Don’t Need That).

En 1985, porté par le mouvement « Touche pas à mon pote », Anne ma sœur Anne (NC2950) de Louis Chedid (inspiré par le journal d’Anne Franck) passe à la radio.

Citons également un Michel Fugain remonté sur Jean-Marie Le Pen en 1995 avec La Bête immonde (NF8644).

En 1998, Zazie prend le parti de l’amour universel avec Tout le monde il est beau (NZ1403).

Le lendemain des élections de 2014, Benjamin Biolay prend exemple sur Saez et publie Le Vol noir en téléchargement libre.

Inlassablement, l’Histoire se répète. Le 30 juin 2024, le Rassemblement national remporte le premier tour des élections françaises. Tout au long de la semaine entre les deux tours, diverses manifestations ont lieu pour inciter la France à ne pas laisser l’extrême droite prendre le pouvoir.

Deux chansons sont enregistrées dans l’urgence pour faire écho.

Un collectif éphémère d'artistes, de citoyens et de citoyennes appelées Riposte populaire reprend Porcherie de Bérurier noir en y apportant les variantes nécessaires pour correspondre à l’actualité, “La jeunesse emmerde le Rassemblement national”. Et une vingtaine de rappeurs s’allient pour enregistrer un manifeste qui reprend le cri de ralliement des Brigades internationales de 1936, No Pasaràn.