Charles Trenet, 20 ans toujours !
Tombé du ciel, destin providentiel (1), Charles Trenet est vivant le 18 mai 1913 à Narbonne.
Fou chantant depuis les années trente, il enchante notre jardin extraordinaire et, depuis, tout nous sourit : on aime se retrouver au Grand Café, au coin de rue ou à la porte du garage, conter fleur bleue à la dame qui passait sans nous voir, miss Emily, Mam’zelle Clio, Frédérica, Annie-Anna ou Marie-Marie, les filles de chez nous…
À ciel ouvert, il a livré, tel un facteur qui s’envole, des bouquets de joie et, de rengaines d’amour en folles complaintes, ses jeunes années apportent l’espoir ; y’a de la joie, le pigeon vole et les oiseaux donnent envie de chanter. Avec lui, c’est toujours la vie qui va, on se dit que le temps est court, qu’il faut penser à l’amour. On fait la course avec le train, en écoutant son cœur chanter…
Le ciel est vert, la mer est grise, et fond la vieille marquise (2). Le soleil a des rayons de pluie, il pleut sur la chaumière et chantent le vent et la brise. La revanche des orages a fait, de ses chansons, des mots démodés. Le bonheur est un astre volage mais le dernier troubadour, loin des cages, des verrous, se souvient d’un rendez-vous. Alors la route est belle, alors le soleil luit…
L'oiseau qui chante encore dans tous les cœurs Est-il d'ici ou d'ailleurs Mais qu'importe après tout Puisqu'il ne chante que pour vous Ses chansons, sa vérité Ses chansons en liberté — Charles Trenet
Les voix du ciel, dans la nuit d’hiver, un 19 février 2001, l’appellent sur la bonne planète, celle de l’amour, qui fait tourner les têtes comme elles tournent toujours. Aujourd’hui, y’a plus d’gendarmes, il peut aimer à la folie. Son exil semble dire : est-ce bien vrai ou est-ce pour rire ? Librement, librement, il gambade au firmament. Un fantôme qui chante, on trouve ça rigolo. Et ce sacré farceur nous regarde de sa fenêtre d’en haut. La vie, pour lui, se renouvelle à la moindre ritournelle qu’il portera par-dessus les toits…
Quand j’étais p’tit, j’aimais vos chansons en liberté et je jouais de l’électrophone. J’y trouvais tous les aveux, les souvenirs et tous les rêves qui soupirent, tous les projets, tous les serments, tous les désirs, les pleurs et les baisers…
En 1975, j’étais là pour vos premiers adieux, des étoiles, m’a-t-on dit, plein les yeux. J’y ai vu briller la mer, mes jeunes années courir dans la montagne, tarentelles et sardanes, et les mélodies qui bercèrent mon cœur…
J’avais quinze ans. C’était le soir. Huy a pris le temps de rêver, le temps de chanter. J’avoue que ce samedi-là, c’était le retour des chansons, pour chacune une saison, deux pianos, une contrebasse et Charles Trenet à toutes les places. On était heureux, avec le peu de science qui rend joyeux. On était loin de tous soucis. Il suffit de ces riens pour faire des beaux jours.
Mais les nuits, les nuits sont brèves.
Maintenant, voici la ville qui dort, dans son rêve d’or.
C’est l’hiver, et le vent va de travers. Qu’est-ce qu’il y a qui ne va pas ma vieille Belgique ?
Le monde entier fait Boum ! Z'yeux dans les yeux, boite à air contre boite à air, chacun est dans son petit scaphandre, scaphandrier enlaçant sa scaphandrière.
À la tribune, le premier ministre dit dans son discours : « Un, deux, trois, quatre ! Un, deux trois, quatre ! C'est mon programme. Est-ce qu'il vous plaît ? ».
Les intellectuels gardent le don providentiel de la pensée. Trop d’intellect, ça me morfond…
À présent, y'a plus d'poésie, plus d'sentiment et plus de gentil. Et quant au vent, hiver, été, y'a plus Trenet pour le chanter…
Alors des ailes me soulèvent dans une chanson, qui plane loin des leçons.
Et depuis, je chante… Y’a du soleil dans les ruelles…
En Fédération Wallonie-Bruxelles, des personnalités de la culture ont rendu hommage à ce grand poète de la chanson. Voici une vidéo qui rappellera combien il était aussi aimé en Belgique.
(1) Quasiment tous les mots de cet hommage sont tirés des titres et des chansons de Charles Trenet. Je le prie de me pardonner.
(2) La marquise est en cire, elle est au musée Grévin et fond comme une banquise dans « La Polka du roi » (1938).