Jean Jouzel : « Climats passés, climats futurs. »
"Ce qui me motive est de reconstituer les climats passés, leurs caractéristiques (c'est important par exemple, de mettre en parallèle l'évolution du climat par rapport à l'évolution de nos civilisations). Mais ces enregistrements du passé nous apportent aussi des informations pertinentes vis-à-vis de son évolution future." — Jean Jouzel
D'où viennent nos certitudes quant à la relation de cause à effet qui existe entre le dérèglement climatique et les activités humaines ? Il arrive que ces certitudes perdent leurs sources, un petit rappel est alors nécessaire. Ce que nous vivons aujourd’hui, c’est ce que les rapports du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat ) envisageaient il y a une trentaine d’années, et ce petit livre publié par CNRS Éditions et De Vive Voix est une bonne synthèse du cheminement qui a conduit à mettre en lumière et à articuler cette relation.
Jean Jouzel est glaciologue et climatologue et il est l’un des nombreux chercheurs qui, au cours de l’étude des glaces polaires, a été amené à reconstituer l'histoire de l'évolution du climat à partir de l'analyse de la composition des carottes polaires. A la question « comment sait-on que le climat se réchauffe et est-on certain que ce sont les activités humaines qui en sont responsables », il apporte des réponses claires et d’une grande précision scientifique, précision et clarté dont nous avons bien besoin dans la cacophonie ambiante générée par les batailles d'experts, les fake news de toutes sortes et le climato-scepticisme – que celui-ci soit convaincu, sciemment orchestré pour cause d'intérêt au statu quo ou résultat de la simple ignorance.
Le cheminement qui a mené aux démonstrations décrites par le glaciologue est compliqué, mais l’idée est simple concernant le forage dans la glace : plus on creuse profond, plus on remonte dans le temps, la neige transformée en glace gardant une multitude de traces moléculaires qui permettent de dater avec précision toute une série de modifications intervenues dans la vie climatique de notre planète. Dans ce cas, ces forages ont pu mesurer les variations climatiques sur une période remontant à 800.000 ans, permettant d’affirmer avec certitude ce que l’étude des statistiques et données directes, qui ne remontent pas à beaucoup plus de 150 ans, ne peuvent prouver faute du recul nécessaire, les évolutions climatiques ne pouvant être interprétées avec pertinence qu’à partir d’études portant sur des périodes beaucoup plus longues.
La découverte fondamentale à laquelle ont mené ces forages s’articule autour de deux axes : d’abord l’établissement d’une corrélation forte entre effet de serre et climat – c’est-à-dire moindre effet de serre pendant les périodes plus froides et plus important pendant les périodes plus chaudes –, ensuite mise en lumière de la problématique des variations climatiques rapides, qui débouche sur une interrogation sur la stabilité du climat ; autrement dit, se pourrait-il que le réchauffement actuel ne soit qu'un phénomène passager.
L’effet de serre est un phénomène naturel assurant une régulation dans la vie de l’atmosphère, régulation qui est de plus en plus perturbée par la concentration de ces gaz : principalement CO2, vapeur d’eau et méthane. Pour donner trois exemples, on a montré que les teneurs en gaz carbonique enregistrées dans les années 1980 n’ont jamais été atteintes au cours des 150.000 dernières années et, perspective plus précise, elles ont augmenté de 40 % en deux siècles. De plus, on a pu établir un lien entre une légère augmentation de la température et l’élévation du niveau des océans, océans où l’essentiel de la chaleur qui reste captive de l’atmosphère est stockée (1% dans l’atmosphère, 3% dans les glaces, 3% dans les surfaces continentales et 93% dans les océans). Ensuite et surtout, pour ce qui nous préoccupe tant, étant donné qu'il met en jeu notre capacité à prendre conscience et à agir collectivement sur nos propres modes de vie, la découverte du lien entre l’augmentation importante des rejets de gaz à effet de serre et l’activité humaine. En effet, on chiffre précisément nos rejets à 40 milliards de tonnes émis chaque année, qui entraînent un réchauffement de 7 à 8 dixièmes de degrés, alors qu’un dixième de degré à peine est imputable aux causes naturelles, c’est-à-dire principalement les variations de l’activité solaire ou l’activité volcanique.
Les régulations qui maintiennent le système en équilibre sont connues logiquement et leurs mesures ont fait l’objet de calculs précis, les calculs concernant les bouleversements occasionnés par nos activités l'étant tout autant. Le constat scientifique ainsi exposé dans le livre est limpide et implacable, les raisonnements accessibles et les conséquences de ces enchaînements d’idées sont bien mises en lumière. Ce petit livre synthétise tout cela.
Daniel Schepmans
Jean Jouzel : Climats passés, climats futurs
livre audio (éditions De vive voix / CNRS)
Jean Douzel dans les collections de PointCulture