Compositeurs joués au festival Ars Musica Mini-Maxi
Sommaire
Eliane Radigue (1932 - )
Concert: Vendredi 14 novembre 18h
On ne peut dire ce qui dans la musique d’Éliane Radigue fait le plus rupture, son usage du temps, sous toutes ses formes, ou son approche du mouvement, du geste musical. Sa musique consiste en d’imperceptibles glissements de tonalités, précautionneusement modulés à la main sur un énorme synthétiseur analogique, et filtrés avec un soin infini tout au long de longues pièces à la beauté ascétique. Quoiqu’à cent lieues de ce qui passe généralement pour de la musique de méditation, c’est une musique faite pour l’introspection, la contemplation. C’est une musique patiente, qui évolue, de manière extrêmement lente et subtile, sur de longues durées. Bien qu’elle soit en constante mutation, elle semble perpétuellement flotter entre deux états, dans une indécision permanente quant à la direction à prendre.
La musique d’Eliane Radigue donne en effet une fausse impression de fixité, elle est construite comme une transformation excessivement graduelle, trop discrète pour apparaître à l’auditeur, puis trop étale, dans son résultat, pour qu’il puisse en percevoir encore la différence. Au premier stade elle ne se remarque pas ; au suivant, comme elle a fini par se laisser absorber, elle ne se remarque plus. Le temps est ici un élément clé, à tous les points de vue, la durée des œuvres d’une part, mais aussi le temps passé à leur composition. Éliane Radigue passe en moyenne deux ans sur chaque composition […]. À côté de ce temps/durée, il y a encore un temps d’un autre ordre, celui du mouvement. Celui-ci concerne la lenteur des pièces, leur déroulement quasiment imperceptible, encore renforcé par un certain effacement du geste.
Benoit Deuxant http://www.archipels.be/web/map/albums/XR024P.html
Walter Hus (1959 - )
Concerts: Samedi 22 novembre 22h30 - Lundi 24 novembre 20h30 - vendredi 28 novembre 20h - Samedi 29 novembre 20h
Compositeur et pianiste de l’ensemble “Maximalist!” dans les années 1980, Walter Hus aime varier les styles. Il compose de la musique pour des spectacles de danse (Anne Teresa De Keersmaeker, Wim Vandekeybus et Roxane Huilmand), pour des défilés de mode (Yohji Yamamoto), pour des films (Peter Greenaway). Il se produit en concert, en solo mais aussi en duo. Avec Frédéric Rzewski, il crée ses 24 Préludes et fugues pour deux pianos. Le quatuor à cordes a sa préférence, il en écrit cinq : La Théorie (1988), Le Désir (1991), Le Miroir (1996), La Folie (2000), la Vague (2006). Dès les années 1990, il écrit pour la voix : l’opéra Orfeo (1993), des cycles de lieder comme Der Mann im blauen Mantel (1994) sur des textes de Rilke et Francesco’s Paradox (1999) sur des poèmes de Stefan Hertmans, une trilogie d’opéras Meneer, de zot en t'kint (2000), Bloetwollefduivel (2001) et Titus Andonderonikustmijnklote (2002) sur des livrets de Jan Decorte. En 2002, Walter Hus rencontre les frères Tony et Frank Decap. Cette rencontre aboutit à la création de l’orgue informatisé Decap.
Jean–Paul Dessy (1963 - )
Concerts: Mardi 18 novembre 20h - Dimanche 23 novembre 18h - Dimanche 30 novembre 16h
Membre dans les années 1980 du groupe “Maximalist!”, Jean-Paul Dessy dirige l’ensemble Musiques Nouvelles. A ce titre, il a dirigé à des créations mondiales dans le domaine de la musique contemporaine mais aussi dans celui du rock, de l’électro, du jazz et de la chanson française. Il a reçu le prix Paul Gilson des Radios Publiques de Langue Française pour sa pièce L'ombre du son. Il est l’auteur de nombreuses musiques pour la scène (Jacques Lasalle, Denis Marleau, Frédéric Dussenne), pour des chorégraphies (Carolyn Carlson, Frédéric Flamand), pour des défilés de mode (Hussein Chalayan) ou encore pour les Levers de soleil de Bartabas.
Le Retour du refoulé (2005) pour quatuor de sax, quatuors à cordes, piano et percussion est une commande du Festival Ars Musica. Se rappelant l’époque de l’aventure Maximalist !, la pièce concilie l’énergie du rock avec les impératifs formels des Minimalistes américains.
Todor Todoroff (1963 - )
Concert: Samedi 15 novembre 20h30 - Dimanche 30 novembre 16h
Ingénieur Civil en Télécommunications, diplômé en Composition Électroacoustique, chercheur dans le domaine de l'analyse et de la synthèse de la voix et en informatique musicale, Todor Todoroff a développé des programmes informatiques de synthèse, d'analyse et de transformation des sons ainsi que des outils de spatialisation en temps réel à destination des compositeurs de musique électroacoustique. Son travail sonore comprend de la musique acousmatique, des installations sonores, de la musique pour les arts de la scène, de la musique de films. Voices part II – Distant voices est une œuvre octophonique datant de 1999 faisant partie d’un cycle qui explore différentes techniques de transformation de la voix.
Philip Glass (1937 - )
Concerts: Dimanche 16 novembre 20 - Jeudi 20 novembre 20 - Vendredi 21 novembre 20h - Samedi 22 novembre 22h30 - Samedi 29 novembre 20h
Philip Glass est, avec Steve Reich, Terry Riley et La Monte Young, le fondateur du courant minimaliste américain qui voit le jour dans les années 1960 en réaction à la musique sérielle européenne et à la musique aléatoire de John Cage. Souhaitant plus de simplicité et un abord plus direct à l’émotion musicale, les Minimalistes posèrent quelques postulats de départ comme le principe de répétition de courts motifs pour que leur musique ait un caractère singulier et soit d’emblée reconnaissable. Le travail sur le rythme est une des constantes du minimalisme. C’est le cas dans 1+1 pour un musicien et table amplifiée. Philip Glass fait appel ici à l’addition d’éléments rythmiques dont il définit les agencements dans la partition. Par contre, l’interprète est libre de choisir le nombre de répétitions des motifs, l’ordre de leur succession et le nombre de combinaisons formées par leur addition. Il n’est pas précisé si les décisions doivent être prises avant l’interprétation ou pendant, laissant la place à l’improvisation.
Steve Reich (1936 - )
Concerts: Vendredi 14 novembre 20h - Samedi 15 novembre 19h - 20h30 - Mardi 18 novembre 20h - Mercredi 19 novembre 18h - Mardi 25 novembre 20h - Jeudi 27 novembre 20h - Samedi 29 novembre 20h
L’idée de Different Trains a surgi d’un souvenir d’enfance de Steve Reich. Enfant d’un couple divorcé, il devait fréquemment prendre le train entre New York et Los Angeles pour rendre visite à ses parents. A la même époque, entre 1939 et 1942, des trains différents sillonnaient l’Europe vers les camps de concentration et si Reich avait vécu dans cette partie du monde, il aurait peut-être emprunté ces trains en tant qu’enfant juif. Composé de trois mouvements écrits pour quatuor à cordes et bande magnétique, Different Trains utilise discours parlé comme matériau musical. Les interviews enregistrées dans les années 1980 font intervenir les voix de la gouvernante de Reich, d’un porteur de bagages de la ligne New York-Los Angeles et de survivants de la Shoah. La musique imite parfaitement la mélodie du discours mais évoque aussi l’univers du train. Dans la première partie America-Before the War, la répétition de motifs engendre le sentiment de la vitesse d’un train lancé dans de grands espaces.
Graham Fitkin (1963 - )
Concerts: Lundi 17 novembre 20h15 - Vendredi 28 novembre 20h
La musique de Graham Fitkin est souvent qualifiée de post-minimaliste. Sa production importante couvre tous les genres et réclame tous les effectifs : musique pour piano seul, musique de chambre, ballets, œuvres orchestrales, musique vocale et théâtre musical. Pour autant, il ne dédaigne pas les incursions dans l’électronique et les médias mixtes. Cependant le piano s’y taille la part du lion. Cet instrument au registre étendu permettant de jouer des accords, une harmonie et un contrepoint dissimule une nature « en noir et blanc » puisqu’il n’offre pas les timbres variés d’un orchestre. Pour Graham Fitkin, une œuvre est réussie lorsqu’elle fonctionne aussi bien « en noir et blanc » qu’en couleurs. Circuit est à ce niveau parlant puisque cette œuvre met en présence deux pianos et un orchestre pour un concerto qui ne se dit pas. L’écriture s’y fait minimaliste générant une énergie irrésistible.
Gérard Grisey (1946-1998)
Concert: Vendredi 28 novembre 20h
Le nom de Gérard Grisey est associé à ce que l'on appelle la « musique spectrale ». Depuis le développement de l’informatique musicale, la nature du son et ses paramètres n’ont plus de secret pour nous. Cette approche interne de la musique permet d’élaborer des sons neufs en ajoutant des paramètres ou en en retranchant de manière à altérer le timbre, la texture ou à intégrer le matériau sonore dans une transformation continue dans le temps. L'usage de micro-intervalles, de rythmes simples mais répétitifs, une perception du temps largement dilatée sont quelques éléments qui rendent la musique spectrale semblable à nulle autre.
Vortex Temporum (Tourbillon de temps) voit la naissance d'une formule d'arpèges tournoyants et sa métamorphose. Le deuxième interlude reprend le matériau du premier dans un temps dilaté, le faisant s’enrouler sur lui-même dans un mouvement hélicoïdal continu donnant le vertige.
Frederic Rzewski (1938 - )
Concerts - Lundi 17 novembre 20h15
Né dans le Massachusetts, Frederic Rzewski a étudié la musique avec Roger Sessions, Walter Piston et Milton Babbitt. En 1960, il fait un séjour en Italie qui décide de son orientation vers les musiques nouvelles. Quelques années plus tard, avec Alvin Curran et Richard Teitelbaum, il cofonde le groupe Musica Elettronica Viva qui conçoit la musique en tant que processus collectif et collaboratif incluant l’improvisation et la musique électronique live. En 1977, Rzewski, de retour des Etats Unis, enseigne la composition au Conservatoire royal de musique de Liège ainsi que dans diverses écoles et universités américaines et européennes où ses qualités de pédagogues sont très appréciées. Sa musique véhicule un contenu politique et contient des éléments d’improvisation. Ainsi The People United Will Never Be Defeated! est une série de 36 variations sur la chanson révolutionnaire El pueblo unido jamás será vencido, sur le modèle des Variations Diabelli de Beethoven tandis que Coming Together emprunte des lettres écrites par un prisonnier de la prison d'État Attica à l'époque des révoltes qui s'y déroulèrent en 1971. Winnsboro Cotton Mill blues est un arrangement pour deux pianos d’une pièce pour piano seul. La chanson sur laquelle s’appuie la pièce date des années 1930 et décrit les conditions de travail dans l’industrie textile de la Caroline du Nord.
Christian Zanési (1952 - )
Concerts: Vendredi 14 novembre 22h - Dimanche 30 novembre 16h
Elève de Guy Maneveau, Marie-Françoise Lacaze, Pierre Schaeffer et Guy Reibel, Christian Zanési entre en 1977 au Groupe de recherches musicales (GRM). Il y pratique tous les métiers du son (de la prise de son à la réalisation d’émissions) et multiplie les expériences, les réalisations et les rencontres. Depuis les années 1990, il compose dans son home studio et puise son inspiration dans la rencontre poétique avec des sons remarquables : automobiles, trains ou signaux électroniques. Il est à l’origine de nombreux projets dans les domaines de la radio, de la publication et des manifestations musicales, notamment le Festival Présences électroniques et les coffrets CD « Archives GRM », « Bernard Parmegiani, l’œuvre musicale », « Luc Ferrari, l’œuvre électronique ».
En 1980, son œuvre Stop ! l’horizon le révèle. A son propos, il dit : « J’ai la sensation très nette que la musique n’est qu’un « grand bruit » sculpté à l’intérieur de mille détails. Il s’ouvre comme un organisme vivant pour que mon écriture puisse s’y déplacer en tous sens. Très vite une relation magnétique s’établit et tous les sons constituant le grand bruit m’attirent vers un orient. J’accepte cette direction. Plus tard, bien plus tard, je rejoins un point très éloigné dans l’horizon qui m’aspire. »
Commentaire du disque Adda-Ina C2001 (FZ1706)
Nik Bärtsch (1971 - )
Concert: Vendredi 21 novembre 20h30
Nik Bärtsch allie une formation de pianiste classique à des études universitaires (philosophie, linguistique et musicologie) ainsi qu’à une profonde connaissance de la culture extrême orientale. Son travail se situe à l'intersection de la musique contemporaine et du jazz tout en se nourrissant d'influences venues du funk. L’usage de la répétition et d'entrelacement de motifs n’est pas sans évoquer le Minimalisme américain mais aussi le langage de Morton Feldman. A côté d’une carrière de pianiste soliste et de son groupe acoustique Mobile, Nik Bärtsch a formé le groupe Ronin composé de Kaspar Rast, Björn Meyer (à partir de 2011 Thomy Jordi), Andi Pupato (de 2002 à 2012) et Sha jouant respectivement la batterie, la basse, la percussion, le saxo alto et la clarinette basse. Pendant plusieurs années, le groupe s’est produit tous les lundis au club Exil à Zurich. Cette complicité a fédéré le groupe en un organisme vivant capable de se renouveler sur la durée pour pratiquer une musique que Bärtsch qualifie de Zen-Funk.
Textes écrits ou compilés par Anne Genette