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Congo Lucha - la lutte pour le changement

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Congo, démocratie, révolte, Luc Nkulula, Non-violence, Congo Lucha, Lucha, Marlène Rabaud

publié le par Benoit Deuxant

Le film Congo Lucha retrace quelques années de la lutte pour le changement menée en RDC par le mouvement apolitique et non-violent du même nom. Il a été lancé dans l’Est du pays, à Goma, par un groupe de jeunes lassés du chaos qui règne dans le pays, et de la corruption qui l’entretient. L'association a choisi de braver le fatalisme des générations précédentes et d’affronter le gouvernement et ses troupes. Quand Marlène Rabaud enregistre les premières images de son film en 2016, elle ne sait pas encore qu’elle entame un processus qui durera plus de deux ans et sera marqué par une violence extrême et par la mort.

projection le samedi 19.02 à 19:00 au cinéma Nova, Bruxelles.

La Lucha (contraction de” lutte pour le changement”) est née en 2012 à Goma, dans l’Est de la RDC. La région est, depuis des années, marquée par la violence et par la guerre sans fin qui oppose les forces du gouvernement et les rebelles. La population civile est comme toujours la principale victime de ces conflits, et est démunie face aux exactions des uns et des autres. Le gouvernement, soutenu par des multinationales, est plus intéressé par l’exploitation des ressources du pays et par sa propre perpétuation que par le sort de la région, à l’infrastructure délabrée et abandonnée à l’insécurité. Les fondateurs du mouvement sont jeunes, mais ils ont déjà connu plusieurs guerres, et ont perdu confiance dans l’État et sa bureaucratie corrompue. Ils ont toutefois choisi la non-violence et refusent d’ajouter encore plus de brutalité et de destruction autour d’eux.

J’ai une véritable crainte que je n’aime pas partager avec beaucoup de gens. J’ai peur de venir avant mon époque, j’ai peur d’être incompris. — Luc Nkulula

La réponse de l’État ne sera pas aussi mesurée et les militants sont régulièrement arrêtés, battus, torturés. Au début du film, Marlène Rabaud vient filmer un moment important. Le mandat présidentiel de Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2006, touche à sa fin, mais le gouvernement refuse d’organiser des élections. La Lucha défile, au cri de “Bye bye Kabila”, et se rend au palais du gouverneur de la région pour réclamer son départ. Ils sont interceptés en route par la police et emmenés de force, la première des nombreuses arrestations qui ponctuent le film.

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La réalisatrice suit trois membres de la Lucha : Luc Nkulula, Rebecca Kabugho et Espoir Ngalukiye. Le mouvement se veut horizontal, informel, sans leaders, mais ils figurent parmi les fondateurs – et les meneurs – du groupe. Ce sont avant tout des intellectuels, comme le rappellent leurs proches pour essayer de les détourner de la lutte. Dans un pays fatigué, ils ont toutes les peines du monde à rassembler une population terrorisée par les forces de l’ordre, traumatisée par les années de guerre et épuisée par leurs conditions de vie. La génération de leurs parents se dit prête à prier pour eux mais a, avant tout, peur de ce qui peut arriver à ses enfants. Le mouvement repose principalement sur ces jeunes, qui constituent plus de 70% de la population du Congo, et qu’ils vont patiemment convaincre, un par un, de prendre les choses en main.

Les militaires ne badinent pas ici, au Congo, ils tirent. On joue avec la police parce que ce sont des voisins. On joue avec eux parce qu’ils sont mal nourris, mal payés. Mais les militaires ça tire. — Luc Nkulula

Selon son manifeste, le crédo de la Lucha s’articule sur trois points : l’attachement inébranlable au Congo, la conscience qu’il appartient aux filles et fils du Congo – et à personne d’autre – d’accomplir le destin de cette grande nation, et la détermination à assumer les responsabilités qui découlent de cet attachement et de cette conscience, quel qu’en soit le prix. Pour les protagonistes du film, ce prix sera extrêmement élevé. Deux ans plus tard, Joseph Kabila est parti mais le mouvement est toujours là et lutte pour un pays nouveau, uni, libre, paisible et prospère, pour réclamer un pouvoir qui garantisse enfin la dignité humaine et la justice sociale.

Marlène Rabaud, soutenue par une équipe de cadreurs congolais, a filmé au plus près le combat que les jeunes de la Lucha livraient depuis la ville de Goma contre le maintien au pouvoir de Joseph Kabila et pour la tenue d’élections. Son film est un témoignage précieux sur un moment-clef de l’histoire tumultueuse du Congo, et un magnifique hommage à Luc Nkulula, dont la mort suspecte n’a toujours pas été élucidée.

(Benoit Deuxant)

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