De théâtres en résidences
Sommaire
Rappel du premier volet :
Le boson, un cocon qui se renouvelle
Ce petit théâtre ixellois, dont la salle peut accueillir une quarantaine de spectateurs, propose déjà depuis quelques années des résidences de création à des équipes artistiques qui ne sont pas forcément programmées pour des représentations, mais peuvent avoir accès à la salle et à son dispositif technique pour répéter leur projet. Chaque année, un appel à candidatures est lancé en janvier pour accueillir des résident·e·s en salle.
Avec l’impossibilité de maintenir les représentations, le boson a lancé un appel à résidences exceptionnel, afin d’offrir à plus d’artistes d’accéder à sa salle. « On a ressenti rapidement que cet espace était nécessaire pour les artistes, entre contrats, répétitions et résidences annulé·e·s… Puisque les répétitions et résidences restaient autorisées, il nous a semblé nécessaire de garder cet espace de liberté », explique Marlène Régibo, responsable administrative et employée multifonctions du boson.
Nous sommes une petite structure, ce qui nous permet de réagir et de se réorganiser très rapidement. — Marlène Régibo, le boson
Après trois accueils en novembre, le boson permet ce mois-ci à Sarah Messens, Julie Leyder et Agnès Guignard d’être accueillies en résidence avec leurs projets respectifs, en plus de l’équipe du spectacle « Alberta Tonnerre » qui était déjà prévue au planning. Cette semaine, c’est Julie Leyder qui est accueillie pour travailler sur Quand l’amour court : un projet autour de la séparation, de l’amour qui s’arrête, d’après un texte de Thierry Lenain.
« On s’est demandé comment on pouvait aider, comment participer à la vitalité créative, comment être utile en cette période, et les demandes qui revenaient, tournaient autour de ce besoin d’un espace de travail dédié à l’écriture », poursuit Marlène Régibo.
Action-réaction : à partir de janvier, le boson inaugure donc un nouvel espace réservé aux résidences d’écriture, dramatique mais pas uniquement. Une nouvelle manière de soutenir la création théâtrale, dans la phase solitaire qui précède le travail de plateau, mais aussi les auteurs et autrices émergent·e·s. — Juliette Mogenet
C’est la journaliste et autrice Charline Cauchie qui sera la première à y être accueillie pour travailler sur son projet de roman, entamé lors de son passage dans le master de l’Atelier des écritures contemporaines de La Cambre l’année dernière.
Au-delà de la mise à disposition d’un lieu, l’équipe du boson a la volonté de créer une solidarité artistique et humaine : les résident·e·s (qu’ils·elles travaillent sur le plateau ou qu’ils·elles soient en résidence d’écriture) seront accueilli·e·s ensemble, il leur sera proposé de partager leurs pauses et d’échanger sur leurs processus de création. Un cocon, donc, où trouver à la fois une solitude recherchée et un terreau d’échanges féconds.
La réflexion du boson, dirigé par Bruno Emsens, au sujet de la nécessité de développer des espaces de travail à mettre à la disposition des artistes, ne date pas du confinement et des restrictions imposées au secteur culturel. — J. M.
Avant l’épidémie de Covid déjà, le boson s’est associé au Corridor (Liège) et à la Fabrique de Théâtre (Frameries) pour réfléchir à la construction d’un projet commun de résidences : « Un pas de côté ». L’idée est d’octroyer une semaine de résidence dans chacun des trois lieux, assortie d’une bourse pour donner un coup de pouce à un·e artiste ou toute personne qui voudrait développer un projet en sortant de sa zone de confort et de ses pratiques habituelles. Trois lauréat·e·s (ou duos de lauréat·e·s) auront donc la possibilité d’explorer de nouveaux paysages artistiques en étant accueilli·e·s par ces trois maisons singulières. Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 28 décembre.
Archipel 19, des îles pour créer
Le Centre culturel de Berchem-Sainte-Agathe a en commun avec le boson une certaine souplesse, et la facilité à saisir la balle au bond pour transformer les contraintes en opportunités et renouveler ses propositions en fonction de la situation. Obligé comme tous d’annuler ses représentations et le reste de ses activités publiques, Archipel 19 a décidé de proposer de nouvelles résidences pour les artistes.
Sophie Demoulin, responsable de la communication, explique : « Quand on s’est rendu compte que la programmation qu’on avait préparée avec beaucoup d’amour et de soin ne pourrait être montrée au public, on s’est demandé en interne où résidaient encore nos possibilités et nos espaces de liberté… »
Il nous restait de l’espace, et du temps – deux choses finalement assez précieuses et qu’on n’a pas toujours habituellement – à proposer aux artistes. — Sophie Demoulin
Le lieu est en effet composé de bâtiments et de salles multiples, permettant d’accueillir simultanément plusieurs personnes et équipes sans qu’elles n’aient à travailler dans le même lieu, et offrant ainsi la possibilité de respecter strictement les mesures sanitaires, chaque créateur·trice investissant son propre espace, sa petite île. Ainsi, un premier appel à résidences a été lancé via le bouche-à-oreille, permettant de garder vivant le centre culturel, de trouver et d’offrir du sens en ouvrant ses portes d’une nouvelle manière. Des résidences ont ainsi été organisées en quelques jours pour les mois de novembre et décembre. Celles-ci ont permis au lieu de s’ouvrir à de nouvelles disciplines : résidences d’écriture notamment mais aussi musique, arts plastiques, DJing, hip-hop, sténopé, contes musicaux…
En tout, pas moins de douze artistes ou projets ont été accueilli·e·s ces dernières semaines : Gaëlle Coppée avec son projet Drache Nationale, l’illustratrice Daria Gatti, le projet musical Tempête bleue, la Cie Yasuni, pour un projet de conte musical, Tommaso Zuffa et Lisa Bless avec leur projet Opaque Moon mêlant danse et musique live, Maxime de Buyle (Géniaal asbl) qui travaille sur un projet mêlant hip-hop et dessin animé, Patricia Bouteiller et Charlyne Misplon avec le projet Parenthèse au sténopé, et finalement Delphine Peraya, Juliette Mogenet, Ruth Paluku Atoka et Raïssa Yowali pour des résidences d’écriture.
La pratique de l’accueil en résidence n’est toutefois pas nouvelle à Archipel 19. Depuis trois ans déjà, des résidences sont organisées, principalement pour des projets de théâtre et de cirque, dans la grande salle. La question du lien avec les publics est également centrale pour ce lieu : la sensibilisation des publics non seulement à la programmation mais également aux divers processus de création y est constante. Le centre culturel a pour habitude de proposer aux publics de proximité des moments et des espaces d’échange avec les artistes résident·e·s, sous forme de représentations, de sorties de résidences ou simplement d’échanges avec des groupes invités. Sophie Demoulin explique cette démarche dans la Revue des Centres culturels (Culture Bruxelles Nord-Ouest) : « Lors de ces moments, le public décortique avec les artistes l’enchâssement d’une scène à l’autre, le lien entre la technique, les lumières, les décors et le propos du texte. Pour les artistes, ces rencontres représentent l’occasion unique de collecter des retours sincères sur leur projet ». Au temps de la Covid, ces échanges de fin de résidence ne peuvent avoir lieu de visu. Qu’à cela ne tienne, chaque semaine, l’équipe du centre culturel propose un Live Facebook durant lequel chaque artiste en résidence présente son travail et son projet.
Bruno Speybrouck, chargé de projet, explique qu’une réflexion est également en cours au sein d’Archipel 19 autour des nouveaux espaces à investir pour « contrer » – en les respectant – les contraintes de la situation : l’espace public notamment, mais également l’espace virtuel, tout en veillant à ne pas favoriser une fracture numérique qui exclurait des publics déjà fragilisés :
Si on passe de façon excessive au virtuel, il y a des gens qu’on ne touchera pas ou plus, et c’est précisément ceux-là qu’on ne veut pas exclure. Le vivant reste notre priorité, et c’est ce que nous aimons le plus ! — Bruno Speybrouck, Archipel 19
C’est dans ce cadre notamment qu’Archipel 19 apporte son soutien au projet Belle-Man d’Amour, une initiative de crieurs et crieuses de mots d’amour auprès des habitant·e·s des communes de Berchem, Koekelberg et Ganshoren. Les artistes accueilli·e·s à Archipel 19 ont été invité·e·s à participer au projet en écrivant des mots d’amour qui seront ensuite transmis oralement aux habitants. Une belle manière de tisser du lien entre artistes et population locale.
Archipel 19 lance un nouvel appel à résidences à destination des plasticien·ne·s (peinture, sculpture, illustration, BD, gravure, photographie…) et des auteurs·trices (théâtre, fiction, poésie…) : les candidatures sont acceptées jusqu’au 17 décembre à minuit. Foncez !
Juliette Mogenet