DIMI-S [Erkki Kurenniemi]
Le dimi-s surnommé « sexophone » est la quatrième et dernière évolution des interfaces musicales « dimi » de l’ingénieur Erkki Kurenniemi. Le principe du dimi-s est de transformer le toucher corporel en sons. Cela ne fonctionne qu’entre personnes connectées au boîtier dimi-s. Plus la pression exercée est forte plus le son est intense. Le magnétisme jouant de toute la surface du corps, le concepteur préconise d’en jouer nu…
Créé en 1972 le dimi-s est une interface musicale, un principe plus qu’un instrument à proprement parler, resté à l’état d’expérimentation. Il reflète dans l’esprit de son concepteur l’air du temps de l’époque, de cette jeune génération post-68 européenne alors influencée par le mouvement hippie dont le slogan le plus célèbre qui nous soit parvenu reste « peace & love, faites l’amour pas la guerre ». Erkki Kurreniemi (1941) est un pionnier en matière de conception d’instruments électroniques en lien avec l’informatique. Avec l’émergence des studios électroniques en Europe, il est au début des années 60 chargé du développement d’un studio de musique électronique au sein de l’université d’Helsinki. Les coups exorbitants des ordinateurs à l’époque, et, doté d’un budget plutôt restreint, il est contraint de construire en partie lui-même le matériel. C’est le début d’une aventure de circuits imprimés, composants et fer à souder. La série des 4 interfaces musicales dimi émerge de recherches parallèles à la construction du studio. Le dimi-a, conçu avec Ralph Lundsten, est un « cerveau électronique » capable de retenir 500 commandes (une petite série du dimi-a sera fabriquée). Le dimi-o est un orgue optique contrôlé par une mémoire digitale. Le dimi-ballet est un capteur optique retranscrivant les mouvements en sons, expérimenté notamment dans le cadre du théâtre. Le dimi-s enfin, le « sexophone » décrit plus haut.
Ingénieur durant un temps au sein d’une multinationale de téléphonie, il affirmait dès les années 70 (propos filmés et recueillis dans le film-portrait « the down of dimi ») qu’un téléphone tiendrait un jour dans une poche de veste, surenchérissant même en disant que le téléphone serait un jour incorporé dans le pouce et l’auriculaire. Ou encore qu’un ordinateur tiendrait dans le creux de la main. Propos qui à l’époque choquaient et faisaient doucement rire, car à titre de comparaison un ordinateur occupait alors un volume conséquent de plusieurs mètres-cube, on était relativement loin aussi dans l’esprit des gens de la téléphonie mobile. Inutile de dire qu’aujourd’hui tout ceci est largement révolu, peut-être pas encore standardisé à propos du téléphone incorporé dans les doigts, mais il existe bien aujourd’hui des implants sous-cutanées de très petites puces électroniques.
De ses propos visionnaires et anticipatifs il en reste quelques un à méditer dont voici le plus fameux (datant des années 80) : « la capacité des ordinateurs double tous les dix huit mois. Un ordinateur sera capable de reproduire les connections neuroniques d’une souris en 2020, d’un homme en 2040, de toute l’humanité en 2060. La vie telle que nous la connaissons sera alors révolue. » Cerveaux et mémoire seront, depuis la conception des interfaces dimi, une préoccupation centrale de ses recherches.
Le travail de Erkki Kurenniemi a été présenté dans le cadre de la Documenta(13) à Kassel en Allemagne durant l’été 2012.
Bertrand Backeland
Compilation de films de Mika Taanila reprenant "the dawn of dimi" (DVD) :