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Don & Moki Cherry – Organic Music Societies

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jazz, performance, pedagogie, art plastique, textile, Exposition, argos, Don Cherry, Moki Cherry

publié le par Benoit Deuxant

L’œuvre de Moki Cherry, peintre, styliste et musicienne, est enfin mise à l’honneur, au centre Argos, à travers les travaux qu’elle réalisa dans les années 1960 et 1970 en collaboration avec son mari le musicien Don Cherry. Intitulée Organic Music Societies, l’exposition se concentre sur les expérimentations visuelles, musicales et pédagogiques, réalisées à cet époque par le couple dans leur maison dans la campagne suédoise.

L’artiste suédoise Monika Karlsson, dite Moki, a 19 ans quand elle rencontre pour la première fois le musicien Don Cherry en 1963. Etudiante en design à Stokholm, elle est fan de jazz et assiste ce soir-là à un concert du quartet de Sonny Rollins, dans lequel Cherry joue de la trompette et du cornet. Ils vont se croiser plusieurs fois au cours des années qui suivront, au gré des tournées du musicien, et entameront rapidement une relation doublée d’une collaboration artistique. En 1966, Moki s’installe à New-York avec Don, emportant avec elle sa fille Neneh, alors âgée de deux ans. Moki va pendant cette période, en marge de son occupation de styliste, réaliser pour Don Cherry plusieurs affiches de concert, décors et costumes, ainsi que des pochettes de disques, comme l’album Where is Brooklyn ? (1969). Entre 1969 et 1970, la vie de la famille, qui s’est agrandie avec l’arrivée de leur fils Eagle-Eye, se partage entre une période de nomadisme à travers l’Europe et la Turquie, et des ateliers donnés dans plusieurs académies de musique aux Etats-Unis.

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C’est en 1970 qu’ils choisissent de s’installer en Suède, dans une ancienne école du village de Tågarp, qu’ils transforment à la fois en lieu de vie, d’enseignement et de performance. Don Cherry a alors décidé de sortir de l’existence « normale » d’un musicien de jazz, monopolisée par les concerts dans les clubs, les tournées et les enregistrements. Il fuit à la fois le racisme ordinaire des États-Unis (particulièrement dur envers les couples mixtes), la situation politique de l’époque (marquée par la guerre au Cambodge et au Vietnam), mais aussi la pression de la vie d’artiste, et l’addiction à la drogue.

Cette mise au vert, dans une grande maison aux abords de la forêt va lui permettre de développer de nouvelles approches du jeu et de la composition, déjà entamées à New York et à Stockholm avec les concerts donnés sous le nom de Movement incorporated, réunissant de grands ensembles de musiciens, improvisant de longues pièces de « collage music » mêlant free jazz et musiques traditionnelles, dans des environnements inhabituels, loin des ambiances sombres et enfumées typiques des salles commerciales. Ces concerts portaient déjà la marque de Moki, qui dessinait les décors, les affiches, peignait de grandes fresques en direct, collaborait aux films et aux diapositives projetées. L’étape suivante sera la mise sur pied de l’Organic Music Theater, reprenant les principes développés avec Movement Incorporated, mais en l’élargissant à la participation de musiciens non-professionnels et de non-musiciens, ainsi qu’à une imbrication plus profonde de la pratique musicale et de la vie quotidienne.

Dès mon plus jeune age j'avais déjà décidé que je voulais aider à rendre le monde plus beau. — Moki Cherry

Cette approche utopiste donnera lieu à des présentations publiques, souvent à l’invitation d’institutions d’art contemporain plus que du monde musical, mais elle aura avant tout lieu sur place, à la maison, dans leur école reconvertie de Tågarp. Le couple y organisera des concerts et surtout des ateliers, s’intéressant notamment à l’éducation des enfants. Dans un environnement communautaire, les enfants étaient invités à participer à des activités associant peinture, cuisine, jeu et musique.

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Moki Cherry avait, à cet époque, développé un style personnel, fait de collages de tissus colorés, utilisés pour produire des bannières, des fresques, des tapisseries, des tableaux, des costumes. Des personnages, des animaux, réels ou mythiques, y évoluent dans des décors orientalisants ou abstraits, reproduits dans divers tissus brillants, brodés ou surpiqués, dans un éclat bariolé de couleurs primaires acidulées. Son inspiration provenait autant de ses voyages à travers le monde que de son intérêt pour la spiritualité indienne ou tibétaine, et témoignait de ses recherches artistiques et philosophiques.

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L’exposition a été réalisée par Niels Van Tomme, du centre Argos, en collaboration avec Naima Karlsson, petite-fille de Moki et Don Cherry, et archiviste de leur œuvre commune, et avec Lawrence Kumpf, directeur des éditions Blank Forms, de New York, qui ont publié un impressionnant livre consacré au sujet, rassemblant interviews, analyses, photos et reproductions des œuvres de Moki Cherry et Don Cherry. Elle présente, outre une sélection d’œuvres diverses, tableaux, tapisseries, dessins et archives, une série de six émissions pour enfants, intitulée Piff Paff Puff, réalisée par la télévision suédoise, qui montre les Cherry dans leur maison de Tågarp, improvisant tout au long de leur quotidien et lors de plusieurs ateliers avec les enfants de la région.

(Benoit Deuxant)

exposition à voir jusqu'au 1 mai 2022 au centre Argos

(argos centre for audiovisual arts
werfstraat 13 rue du chantier, 1000 Brussels)

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