Dour 2014
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Merci les sponsors ! Heu non « : à nos amis les annonceurs… »
« Vu le nombre de demandes cette année nous devons être plus stricts par rapport aux demandes d’accréditation. Les gratuites sont réservées à nos partenaires médias et aux médias ayant déjà parlé du festival en amont …». En résumé, pour la première fois en X (?) demandes à chaque fois motivées et suivies d’effets textuels concrets, je me voyais refuser l’octroi du libre sésame ! Mais à peine ce message couperet tombé dans mon escarcelle numérique qu’une proposition tout à fait malhonnête de la part d’un ami œuvrant pour le compte d’un limonadier sans frontière, me faisait passer discrètement l’enceinte du camp retranché de Dour, cette fois via la fenêtre discrète « invitation », plutôt que par le portail « presse », davantage soumis aux règles de surveillance drastiques de cerbères zélés…
Premier raout festivalier d’importance à bénéficier d’une météo clémente - quasi trois jours de franc soleil et un jeu de cache-cache gagnant entre nuages et éclaircies pour la dernière journée – Dour poursuit sa mue sociale et culturelle discrète mais irrésistible, et se résout de très bonne grâce, en cette ère « merveilleuse » de gavage musical numérique (presque) gratuit et généralisé, à être avant tout une « teuf géante », un mini Woodstock-sur-terrils moderne ( tout se paye de nos jours), un épicentre éphémère du défoulement festif qui jamais ne dort, bien plus qu’un « lieu de découvertes musicales…», depuis longtemps relégué au rang des artifices publicitaires et journalistiques. C’est que la méthode combinatoire de pêche à la japonaise (on attrape un max dans les filets et on garde seulement ce qui peut convenir), package au prix de gros, obligations Communauté Française et rappel des vieux copains de toujours (Madball, Sick Of It All, Notwist cette année, mais toujours pas de traces des régionaux de l’étape Do or Die !?), trouve vite ses limites quand on veut aligner une ribambelle de noms aussi longue qu’un jour de fête sans alcool et demeurer en D1 festival ! « Dourrrééé », ce néologisme forgé par nos amis néerlandophones et entonné en cœur par « tout festivalier » qui se respecte, n’en est que plus révélateur. La musique est ici bien plus un prétexte ou un décor de fond qu’un but en soi, juste de quoi jouer les prolongations colorées et éthyliques façon « Waar is da feestje …». Dès lors, l’ajout d’une scène supplémentaire appelée Terril, et d’un accès Dub Corner qui y débouche, trouve tout son sens. Deux îlots prévus pour drainer quelque peu les flux festivaliers un peu à l’écart des 6 autres espaces avec un succès tout relatif, mais où l’effort a surtout été porté sur l’aménagement convivial (?) de l’endroit plutôt que sur les qualités intrinsèques du CV des DJ invités… Enfin, l’ancestral ratio guitares/machines sur lequel reposait l’essentiel de la programmation, depuis des plombes incliné depuis longtemps du côté des secondes, vient encore de s’infléchir, au point qu’il devient difficile d’encore trouver un guitariste en activité à la nuit tombée…
Mine de rien, on est là, façon de causer, « aux petites heures » le 17 (juillet) pour Corbillard, combo punk rock franco-belge à mi pente de skate entre NOFX et Guerilla Poubelle. C’est rentre-dedans, mélodique, et sans prétention, mais bien plus sain qu’une boisson énergisante pour entamer cette édition 2014. Et puis d’entrée, on est gratifié de l’expression verbale festivalière qui tue : « bon festoche à tous ! »…! Auteur de l’excellent Bum, Cheveu aura un peu de mal à reproduire les climats humoristiques et post-situationnistes de son (ex) rock garage à machines et au très fort potentiel. Trop tôt sans doute et même si l’on sourit devant la présence dans le groupe d’un vrai sosie de l’acteur Denis Podalydès, mimiques à l’appui. Même enthousiasme nuancé pour Son Lux et leurs angéliques et fragiles volutes vocales en balancier sur de subtiles et fascinantes architectures organiques et électroniques mais dans le cas présent, un peu abîmées dès l’envol. A surveiller de très près néanmoins, tant un destin à la Grizzly Bear leur pendouille au nez ! Par contre, c’est la douche froide pour Future Island et son chanteur à la bougeotte intempestive qui annihile avec un allant consommé les quelques jolies choses entendues sur leur quatre disques, par un défilé de rictus digne d’un crooner alcoolique miteux sur fond de karaoké 80’s. A l’opposé, ce vrai traficant d’afféteries vocales numérisées (et ça marche parfois) qu’est Sohn s’en tire plutôt bien côté transposition scénique pas gagnée d’avance, et au jugé du quart d’heure conclusif auquel on a assisté.
On marque un premier arrêt mérité au stand bières spéciales placé plus en évidence que par le passé, mais toujours en prolongement de la scène (extérieure) principale. Suffisant pour constater que de loin et le temps de 3-4 titres, le duo guitare/batterie, Blood Red Shoes, c’est plutôt agréable, mais qu’au-delà, l’évidente banalité de cette pop légèrement survoltée suscite bientôt des haut-le-cœur. Avec pour conséquence qu’on est en retard pour le set du récemment promu Chet Faker. Un cousin distingué (ou maniéré) de James Blake échappé d’Australie, et dont l’electronica minimaliste, soulful, et parfois jazzy distille au final la sensation d’une prestation mi-figue mi-raisin, qui aura contenté les aficionados du barbu et laissé de marbre les sceptiques. Une envie de lourd et de gras nous titille ensuite et nous voilà en front de scène pour Soulfly, cette deuxième vie musicale jamais à hauteur de la précédente (Sepultura), pour un Max Cavalera qui aimerait encore pouvoir briguer le titre de terroriste sonore (à 44 piges !) et de porte-parole (mais de quoi ?), mais qui passe le plus clair de son temps à se livrer aux injonctions d’usage vis-à-vis de ses fans (« tapez dans les mains », « levez le poing… ou le doigt » !) qu’à assurer un tant soi peu le minimum syndical (merci le lead guitariste) d’un groupe qui va finir par ne plus intéresser que les Japonais. Autre duo à avoir lâché le dubstep pour une pop cybernétique élaguée, à écouter à la nuit tombante, Mount Kimbie semble lui aussi quelque peu anesthésié dans l’exécution pertinente d’une musique toujours au stade de l’émerveillement contrit. Et on peine aussi pour ce guitariste qui a appris à jouer de son instrument en écoutant David Gilmour dernière période….
Vient le « cas » Detroit, ou l’association Bertrand Cantat/Pascal Humbert, responsable d’un premier disque (Horizons) dans le prolongement de l’ultime Noir Désir (Des Visages, des Figures, 2001), défendu dans l’enceinte même de ce festival l’année suivante, alors que le chanteur bordelais prenait le public à témoin dans le conflit qui l’opposait à l’organisateur de Dour. Attitude facile, voire cavalière à mes yeux pour ces (ex) « parangons de la vertu », et qui vint s’ajouter à l’indifférence progressive de mon côté, envers un rock ( ?) de plus en plus bavard et « poétisant », dont les manifestes « rimbaldiens » enregistrés ont depuis, gagné les tréfonds peu visités de mes collections discographiques. En 2014, « l’affaire Cantat »,, jugée et classée depuis des lustres, la chanson rock « hypertextuelle » de Détroit (du Ferré « rock » du pauvre ?) ne me parle absolument pas, mais m’interloque lorsqu’elle laisse voir sa véritable fonction, celle de rejouer le répertoire de N.D. (largement plus de la moitié du set), sans s’exposer aux quolibets d’une improbable et discutable reformation d’un groupe « intouchable », l’ex gardien du temple qui fit un jour la morale à son employeur et plus gros labels français de disques à l’époque… Pour terminer sur une note humoristique, deuxième ineptie (du jour) de la bouche de sieur Cantat : « bonsoir Namur ! »
Et alors qu’un Noir Désir de substitution joue les prolongations, on se console devant Darkside, binôme associant Nicolas Jaar & Dave Harrigton au sein d’une électro sombre, génétiquement améliorée de quantités de bidouillages sonores et d’apports joués, teintée de reliefs psychédéliques mais qui aurait demandé plus que l’heure impartie pour produire ses pleins effets désirés.
La Plaine de la Machine à Feu n’a jamais été remplie à ce point le premier jour de festival et on est un peu forcé d’assister au loin à prestation de Bonobo, cette fois flanqué d’un groupe qui apporte une touche soul rock rafraîchissante, mais parfois ternie par une vocaliste qui doit absolument communiquer la puissance de son coffre à toute l’assistance et bien au-delà…
Seul en scène Gui Boratto pèche par excès de rigueur roborative, tant son set électro-house martiale reste tributaire de son indéniable savoir-faire, mais paraît être mené ce jeudi avec la conviction d’un vendeur de matériel informatique de luxe fatigué par une longue semaine de travail. La technique, c’est bien, l’émotion, c’est mieux !
Un dernier détour par la grande scène me fait dire que le hip-hop fouillé et souple de Mc Miller sera à mon menu musical des prochaines semaines, mais que la révision des fondamentaux de la techno en compagnie de Jeff Mills se fera un autre jour. Un apprenti lanceur de pintes « maladroit » ayant mis fin à sa prestation dès avant mon arrivée…
Le vendredi 18, on déboule sur la Plaine de la Machine à Feu alors que l’après-midi est déjà à son zénith de chaleur. Une entrée en mode soft qui explique qu’on ait atterri devant Feather, pas de côté du chanteur de Dan San (Liège) au dispositif pileux (cheveux et barbe) incertain. Envolées mélodiques 60s ourlées dans des lignes instrumentales graciles et sonorités acoustiques emportent davantage de sympathie (d’une bonne part de l’assistance) que l’adhésion. On reste sous cocardes noir/jaune/rouge avec les à peine plus énervés Alostois d’Intergalactic Lovers dont la pop doucement électrifiée et drapée d’envolées vocales agiles doit en façade, beaucoup aux charmes et déhanchements gentiment suggestifs de sa chanteuse (Lara Chedraoui), et de l’intérieur, d’un jeu de basse tout à la fois puissant et fluide.
Et puis vint l’heure de Notwist; presque chez eux dans ce bout de Hainaut frontalier de l’Hexagone, et pour l’heure, toujours incapable de sortir un mauvais disque en presque 20 an d’activités ! Leur dernier LP (Close To The Glass) les voyait revenir à plus de guitares, celles-là mêmes, qui dans leurs caractéristiques indie pop ‘90s mêlées d’ossatures et nervures électroniques savantes et répétitives, ont fait de ce sextet allemand, l’un des plus attachants qui soient. Et ce malgré l’absence endémique de charisme et d’effets hymniques putes, Notwist sera une fois encore, cette autre « mannschaft » de l’électro-pop, la classe discrétionnaire en plus. Victoire sans conteste du jour 2 ! Raison sans doute, ajoutée à celle de l’éloignement, pour laquelle on n’est pas rentré dans la performance de Raekwon. Le Wu-Tang Clan en solitaire a livré un set quelque peu timoré et scolaire en regard de ses dernières plaques, l’homme étant l’un des rares a avoir su négocier la mise au repos (forcée) du Clan sur le plan discographique. A revoir en salles ? On repasse sur le versant guitares avec Band Of Skulls, combo heavy (soft) rock 70s, bluesy et psyché voisin des Black Mountain, mais dont l’alchimie à base d’oppositions caractérisées (féminin/masculin, éthéré/musculeux) me donne surtout, et malgré d’évidentes prédispositions dans l’écriture, l’impression de camper un hybride Pink Mountaintops/Black Angels, du pauvre, bloqué dans un hiatus temporel, mais avec la panoplie adéquate pour camper les « irréductibles » rockers dans un road movie texan cheap !
Après tant de sérieux, place aux gags. Vous aimez l’Heroic Fantaisy et ses apparats grandiloquents en toc argenté (ici deux têtes de dragons et un escaler menant droit à un Walhalla vaguement christianisé), une Castafiore lookée bitch de luxe et adepte du S.M. light dans une série rose sur AB3, les pétarades et light show clinquants, et enfin le metal (léger) prog dans ses acceptations pompières les plus grand public (quand même), alors Within Temptation siège depuis des ères dans votre Panthéon musical personnel. Pour ma part, je dirais que le metal épique et consort est l’idée (?) musicale la plus inepte mais drôle (!), entendue depuis la prolifération des seconds couteaux du rock fusion il y a plus de 20 ans !
Vêtus tout de blanc comme pour se refaire une virginité qui les aiderait à remettre leur carrière déclinante sur une trajectoire ascendante du succès, les Anglais de Klaxons enquillent les « tubes » pop, mais n’arrivent à leurs fins qu’un coup sur deux. Ah, cette désespérante habitude de certains groupes britanniques de jouer les grandes gueules sympatoches alors qu’on se contente d’assurer le service minimum.
De loin encore, on se choppe une bouffée de nostalgie avec un Nas qui revient sur son premier (et meilleur) album publié « bingo » il y a pile vingt ans. Ce n’est plus un show, c’est une tranche de vie (la sienne et celle de New-York, sa ville) illustrée en son et images technicolor (comme on disait alors), mais touchante par sa sincérité non feinte. Et puis, quand on a composé l’une des plus emblématiques galettes du hip-hop de l’âge d’or (Illmatic), on se doit d’avoir à tout le moins quelques beaux restes.
Autre « réapparition attendue », celle du trio « digital punk » germanique Atari Teenage Riot dans une mouture à trois (au micro), mais avec un dispositif musical 100 % électronique toujours aussi furibard malgré le poids des ans et un niveau de décibels un tantinet revu à la baisse. Une réserve tout de même sur ce gabber hurlé, sans les larsens parasites et samples concassés, cette techno ressemble parfois à de la musique de bagnole de la pire espèce en mode accéléré.
Et l’on charge l’ami Paul Kalkbrenner d’assurer la transition noctambule vers les bras de Morphée avec une tranche de techno bon enfant, menée avec une précision toute germanique, et une ferveur digne d’un gagnant modeste du trophée footballistique mondial…
Le 19 débute sur les ultimes mesures de Traams, bon exemple de rock mi-braillard, mi-subtil, qui cherche encore son chemin (on les a vus meilleurs en salle), mais déjà capable d’étincelles qui annonceront peut être quelques brûlots bien amenés. On enchaîne avec les habitués 65daysofstatic qui ont clairement leur avenir dans le dos. Pour preuve, on s’ennuie ferme de leurs compositions les plus récentes, d’essence électronique, et on se laisse envahir par la nostalgie dès que ces Anglais remontent (avec moins d’assurance sonique) aux premiers jalons de leur discographie. Classic 21 va certainement commencer à les trouver pertinents… Venus dans la gadoue voici deux ans, Cerebral Balzy est à nouveau à l’affiche avec ce punk hardcore primitif tempéré sur leur second disque (Jaded & Faded) d’éclaircies pop punk millésimées (celles de la première vague U.S. des Richard Hell & consorts). Mais ce qui ressemblait à une piqûre de rappel acide et revigorante s’est mué en un exercice de style où l’enthousiasme a cédé la place une espèce de coolitude branque trop assumée pour être crédible.
Si la radio publique qui a pour slogan « Ecoutez l’original » connaissait l’existence du hip-hop, Cypress Hill figurerait certainement dans leur playlist ! Bien pénibles il y a deux ans, les Américains reviennent, sans rien d’autre de neuf que de vagues promesses côtés compositions nouvelles, mais sont cette fois habités d’un enthousiasme que l’on croyait à jamais évaporés. C’est parfois lourdingue – surtout quand ils s’essaient au rock – mais ça ravit l’impressionnante concentration humaine qui inonde en cet instant le moindre recoin de plaine !
Nouvelle sensation anglaise semestrielle, Jagwar Ma, fait pour l’instant fi de notre légitime suspicion de continentaux à tête froide, et balance un set qui donne des fourmis dans les jambes et des envies de chanter à tue-tête. Le groupe n’a rien trouvé d’autre que d’empaqueter 15 années de souvenirs « madchestériens » et d’y insuffler une vigueur psychédélique et dansante très actuelle et ça fonctionne divinement. Primal Scream (celui de Screamadelica) rules ! A suivre !
Sur la grande scène, Girls In Hawaii se démène comme un beau diable pour faire oublier les contours et rondeurs fondamentalement « intimes » d’une pop davantage destinée aux espaces clos. Cette tournée de l’après Denis (décédé) semble les avoir doté d’une niaque inédite et d’envies de dérapages sonores contrôlés ! Tant mieux.
Probable vainqueur au nombre de présences à Dour, Sick Of It All y va d’une nouvelle et toujours attendue fournée d’hymnes répondant aux spécifications burnées du New York hardcore qu’ils ont grandement contribué à définir. On comprend aussi mieux les raisons de leur longévité : souci mélodique (hérité du punk) constant, voix rauque reconnaissable entre mille, un son massif mais jamais tout à fait métallisé et une complicité de vieux potes qui fait vraiment plaisir à voir et entendre.
Le parallèle entre Klaxons et Maxïmo Park est édifiant. Même difficulté à échapper à un irrésistible déclin artistique, et une propension à en faire (de façon artificielle) des tonnes, et à camper les « outsiders magnifiques », comme si le monde ne pouvait décemment pas tourner sans eux. Sauf qu’ici, c’est le surexcité leader Paul Smith et pas le groupe dans son ensemble, qui joue le Monsieur Loyal d’un cirque pop rock comme tant d’autres, mais qui sait encore faire illusion.
D’autres, conscients que leurs limites de composition sont atteintes depuis des plombes, savent mieux encore faire ronronner leur « core business » avec éclat. A savoir pour The Hives, un punk rock’n’roll 60s canaille et goguenard livré façon show télévisé, avec costumes de service de rigueur et maints arrêts sur image. Un vrai spectacle ponctué d’hymnes fier-à-bras et instantanés mais qui commencent eux aussi à accuser leur date de péremption (leurs derniers albums en étaient moins richement dotés). Un peu couillon au final mais enfin un groupe qui ne s’effraye pas de se produire sur l’arène principale !
Reste la mandale sonique incontestable du Dour 2014. Les Ecossais de Mogwai. Ou comment faire le non-étalage d’une classe sonique absolue tout en plaçant le curseur de l’expressivité scénique aussi proche du cran androïde humain que possible. Des praticiens pratiquement taiseux aussi impressionnants de maîtrise dans l’exécution parfaite de leurs lancinances mélodiques archétypales (ces mélopées instrumentales instantanément addictives), que complémentaires et impitoyables dans l’édification de ces déferlantes sonores à la fois liquides et assourdissantes, pris dans des mouvements de ressac parfois nauséeux dont ils contrôlent les plus infimes paramètres. Un set ultra-dense où les incunables bruitistes « Rano Pano », « Mogwai Fear Satan »… voisinent avec les manifestes électro-pop plus discrets de leur récent travail (Rave Tapes), envisagés comme des respirations providentielles entre deux retours de marée. Et puis enfin un groupe qui sait encore faire ressentir toute la force étouffante et la corporéité massive ou lumineuse du son, là où tant d’autres se contentent d’élever bêtement le niveau des décibels.
Sonné mais content comme après avoir absorbé trois ou quatre Rochefort 10° issues de la réserve monastique, on reste un peu en dehors des revenants LFO dont l’IDM (pour intelligent dance music, je sais, on a rien trouvé de mieux depuis !) supporte plutôt bien le poids des ans, avant une très probable remise au goût du jour selon la loi des revivals automatiques ? De même que le bout de prestation de ce Sebastien Tellier en mode électro-hip hop qu’est Gaslamp Killer, trop sage en regard de son passage foufoufou l’AB l’an dernier me fait réaliser que cette journée est finie pour moi.
Et nous voilà déjà dans cette ultime journée du 20 juillet que l’on sait raccourcie par l’impérieuse nécessité d’être de retour dans les pénates le soir même. Sans trop de regrets (sauf pour le surdoué Tyler The Creator), d’autant que le festival se clôture sur un paquet de groupes qui flirtent avec mon plus complet désintérêt (Phoenix, Boys Noize, Buraka Som Sistema.), ou n’en finissent plus de me décevoir (Blonde Redhead).
Pas la meilleure idée de commencer par Breton, passé de l’état de vague promesse électro-pop à celui de suceur de roue de Foals en seulement deux albums ! Ces vrais Anglais débitent une pop sautillante mâtinée de boucles et de dorures synthétiques réjouissent en première moitié de set et ennuient tout le long de la seconde. Bonnets rouges (il fait trop chaud pour ça) ou pas, on a déjà l’impression de voir un groupe qui a déjà tout dit…
Slip moule-paquet, top serré et coiffe de plumes sur le crâne, le tout dans les mêmes tons mauves atroces « qu’on ne trouve même plus chez ta grand-mère », King Khan & The Shrines constitue l’anomalie réjouissante de ce jour. Une sorte de combo garage élargi avec, à sa tête, un performer tout droit sorti des plus loufoques comédies musicales bollywoodiennes, et au tambourin, une gamine haute comme 3 choppes ! Un savant délire auquel on succombe volontiers tant il regorge de digressions psychédéliques et de chœurs mâles en chaleur !
Et puis rien de tel qu’un souper en face de cette machine creuse de Punish Yourself pour vous décider à regagner fissa le « home sweet home ». Plus les années défilent et plus ce mix vulgaire et peinturluré entre foire foraine en un laminoir désaffecté, un Kong sans idée sonore ou encore un Nitzer Ebb métallisé dès la fin des années 80 fait peine à entendre, à défaut d’avoir été vu à plus d’une reprise (les amis parfois)...
Une édition 2014 de Dour qui valut davantage pour l’ambiance et les retrouvailles ponctuelles (merci à Guy et son camping grand luxe), que pour la densité et la qualité du menu concerts à proprement parler. On annonce une édition 2015 augmentée d’une journée (merci Mons 2015). J’ose espérer que les mets musicaux y seront plus curieux, intrigants et surtout savoureux ?
Photos : Maître Olivier Bourgi http://500px.com/bourgol
Yannick Hustache.