Exposition Art & Rite – Le pouvoir des objets
Sommaire
Du rite à l’art et de l’art au rite.
Mais que veulent encore dire aujourd’hui ces sculptures, parures, livres sacrés, amulettes, textiles, masques, ciboire, clochette, une fois placés derrière une vitrine, sortis du contexte qui les a vus naître… ? Autant d’objets culturels, cultuels et sacrés, exposés, brandis, manipulés, brûlés, lors des fêtes, célébrations, processions qui marquent les moments essentiels de la vie de leurs dévots : naissance, mariages, rites de passage / quotidiens, et décès.
Une sélection d’objets rituels aux provenances les plus variées : Europe, Congo, Ladakh (Tibet), Nouvelle-Guinée, Australie, Nouvelle-Calédonie… qui, tout en conservant une part inaccessible de sens, d’étrangeté et de mystères, semblent dialoguer entre eux et avec celle ou celui qui les regarde. On s’étonne de la multiplicité des formes, des matières, couleurs, textures et significations, parfois inintelligibles, des objets et pratiques rituelles médianes entre le monde tangible, « visible », des hommes et les territoires « invisibles » du sacré.
« Pour l’exposition ART & RITE – le pouvoir des objets –, nous avons adopté une scénographie particulière qui met en lien les objets rituels devenus au cours du temps des objets culturels. C’est ce passage que les deux commissaires de l’exposition voulaient mettre en évidence ; pour celle-ci, l’anthropologue Anne-Marie Vuillemenot, et l’historienne de l’art Caroline Heering ont travaillé de concert avec une quinzaine de chercheurs durant deux ans. » — Anne Colas (attachée de presse du Musée L)
L’exposition
Dans un espace d’exposition assombri de telle sorte qu’il accentue la mise en lumière des objets exposés et baignant dans une atmosphère sonore recueillie (et signée PointCulture), mêlant extraits provenant de patrimoines musicaux sacrés très divers, des objets issus de traditions, de tailles et de temporalités (parfois) radicalement différentes se côtoient, s’opposent, se complètent sous vitrines... Des vidéos (11), en accès via des QR codes, complètent ce dispositif.
Le parcours de l’exposition s’organise, lui, autour de cinq sections thématiques, une succession de cubes (5) et de deux bulles consacrées à des formes rituelles particulières.
Une majorité des objets vient des collections de musées, mais certains de ces prêts peuvent venir d’institutions particulières comme le musée de l’Afrique centrale de Tervuren.
Objets rituels ou œuvres d’art ?
Que voit-on ? Des objets rituels, des œuvres d’art ? Comment passe-t-on de l’un à l’autre ? Qu’est-ce qui fait que c’est une œuvre d’art ?
Une première section est centrée autour du rite de la contemplation ; on y trouve une hache (et ostensoir) kanake d’Océanie, un masque africain (de la république démocratique du Congo) et un bouddha (Vajradhara) du Tibet. Ils ne peuvent se résumer à leur unique dimension rituelle pas plus qu’à leur unique qualité d’objets de représentation.
Les vitrines permettent d’observer les objets aussi bien de face que de dos (ou recto/verso). D’un côté, une série d’objets dont la beauté s’adresse aux vivants, aux morts et à/aux Dieu(x)/divinités. De l’autre (au verso), on peut y lire une mise en contexte pour chacun de ces objets, son usage rituel, ses fonctions et le(s) moment(s) de son activation.
Fabriques rituelles
On trouve dans cette section des objets qui ont été fabriqués lors d’un rite, ou bien leur processus de fabrication constitue lui-même un rite. Des gestes précis et ordonnés de travail manuel qui sont tels les étapes d’une prière ou d’un rite. Le masque funéraire (Malanggan) de la vitrine aurait dû être brulé à la fin de la célébration. Il côtoie un voile de calice du 17e siècle (Pays-Bas).
Objets activés objets manipulés.
Certains objets ici exposés ne possédaient aucun pouvoir en tant que tels et devaient être activés au cours du rite. Ils étaient et sont régulièrement laissés loin des regards. Certains objets, selon les contextes, ne sont pas activés et rangés. Un peu comme les pièces du musée, placées là en dehors de leur contexte initial.
C’est une section très « photographique » avec des clichés d’un Rite d’activation d’une statue gigantesque de Bouddha des moines du Ladakh, des drapeaux de prière (Passage du col au-dessus de Leh)… Les prières et mantras sont emportés au loin par le vent.
Jeux d’échelle
Des objets qui ont en soi le même pouvoir rituel, mais à des jeux d’échelle qui modifient la relation aux objets rituels. Certains objets franchissent ainsi la porte d’espaces privés avec leur signification particulière selon les contextes. Une amulette Ikhoko et un masque Kakuungu, tous deux originaires de la RDC, voisinent avec deux statuettes de femmes de l’Antiquité grecque (6e-3e siècle av. J.-C.).
La force du beau
Le rite s’éprouve avant tout au travers et par le corps. Ce sont des objets dont la beauté participait à l’émotion collective, qui stimulent nos sens, éveillent notre sensibilité. On est sur le côté esthétique du rite : un tableau-reliquaire à paperolles et un ostensoir art déco partagent la vitrine avec un masque funéraire kanak (Nouvelle-Calédonie) et une statuette en cuivre tibétaine (Sitatara, la Tara blanche) du 18e siècle.
Un rite familier : le mariage.
Un rite de passage (autrefois) essentiel, surtout pour la mariée, qui passe – tout particulièrement dans l’Occident chrétien – de la condition de jeune fille à celle de femme et d’épouse, marqué par des attributs visibles, le voile, la robe blanche, le bouquet… Un missel de mariage de la fin du 19e siècle se trouve aux côtés d’une robe de mariage avec manteau de cour qu’une artiste contemporaine a fabriquée (1970).
Une forme rituelle : la spirale
Une figure rituelle presque universelle, associée à l’idée de mouvement, d’expansion et d’infini que l’on retrouve aussi bien dans les sociétés claniques de Papouasie (Nouvelle-Guinée) qu’en Occident, dans des spirales ornant les figures de proue des bateaux ou sur une gravure du Christ datée du 17e siècle. Dans l’art catholique, la spirale évoque le souffle de Dieu.
Merci à Anne Colla pour la visite.
Y. H.
23 avril 2021 > 25 juillet 2021. Du mardi au vendredi de 9h30 à 17h, le week-end et les jours fériés de 11h à 17h.
Place des Sciences, 3, bte L6. 07.01, 1348 Louvain-la-Neuve
Tél. +32 10 47 48 41 / info@museel.be.
La playlist PointCulture :
« Offrande aux fantômes affamés », extrait de Tibet : les chants de l'exil (Buda Records, 2013 – MV7200)
« Kabanulo/ Thapajanebot », extrait de Nouvelle-Calédonie : danses et musiques kanak (VDE-Gallo, 1997 – MZ7161)
« Le Mythe de Galamë [Hae He Hae] », extrait de WETR, Nouvelle-Calédonie : chants Kanak de Lifou (Buda Musique, 2000 – MZ7162)
« Psallentes – Tristis est anima mea » (grégorien), extrait de Tenebrae [Plainchant pro series vol.4] (Le Bricoleur, 2013 – AA1774)
« Song in a Myth », extrait de Traditional Greenlandic Music - Inuit: 55 Historical Recordings (Sub Rosa, 1992 – MS9021)
« Rituel ngombo : danse des nganga », extrait de Anthologie de la musique congolaise vol. 7 : musique des Kongo-Mbata (Fonti Musicali, 2006 – MM5094)
« Ungava Bay Shaman Song », extrait de Chants et jeux des Inuit - Inuit Games and Songs (Auvidis UNESCO, 1991 – MD3132)
« Cantate BWV29 – Wir danken dir, Gott – Choral » (liturgie luthérienne) extrait de Johann Sebastian Bach, Cantate : 29, 112, 140 [VOL.52] (Bis, 2012 – BB4168)
« Mo-mo », extrait de Sacred Flute Music from New Guinea: Madang / Windim Mambu (Éditions Mego, 2016 – MZ3614)
« Sieben Magnificat-Antiphonen: O Immanuel », extrait de Kasai Allstars & Orchestre Kimbanguiste, Around Félicité (Crammed Discs, 2017 – MM7012)
« Two Healing Songs », extrait de Papua New Guinea: Healing, Feasting & Magical Ritual (Topic Records, 2001 – MZ3608)
« Chod kyab-sem », extrait de Les Voix sacrées : rituel de Chod au Népal (Origins, 1999 – MY4391)
« Mon âme magnifie le Seigneur » (liturgie orthodoxe), extrait de Sergueï Rachmaninov, Vêpres Op.37 (LSO, 2013 – ER1010)
« Song of a Shaman », extrait de Traditional Greenlandic Music - Inuit: 55 Historical Recordings (Sub Rosa, 1992 – MS9021)
Et en bonus:
«Invocation Song », extrait de Traditional Greenlandic Music - Inuit: 55 Historical Recordings (Sub Rosa, 1992 – MS9021)
« Sertreng », extrait de Monks from the Spituk Monastery, Blessing (Felmay Records, 2013 – MW6375)
Une playlist PointCulture réalisée par Nathalie Ronvaux, Benoit Deuxant et Anne-Sophie De Sutter