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femmes compositrices

femmes-compositrices

publié le par Nathalie Ccoronvaux

Avertissement Les textes et les portraits sont extraits du travail de fin d'étude réalisé par Pascale Françoys en 1997. S'ils ne sont pas rendus dans leur intégralité, c'est pour en garder l'essentiel dans les meilleures conditions de lisibilité.

Sommaire

Photo: Annette Vande Gorne

Introduction

À l'annonce du sujet de ce dossier, je sentais poindre une lumière d'intérêt dans l'œil de mon interlocuteur, intérêt mêlé toutefois de perplexité : "Y en a t-il eu tant que cela ?", "Qui, par exemple ?", "N'existe-t-il pas un lien de parenté entre Fanny et un certain Félix, de même qu'entre Clara et Robert ?"

Pour ma part, j'avais, au cours de mes études musicales, rencontré l'un ou l'autre nom, sans plus. Je me rappelle d'une pièce de concours de piano imposée et obligatoirement écrite par un (sic) Belge : Jacqueline Fontyn.

Intriguée et poussée par la curiosité,  je décidais d'entreprendre, ce qui s'est avéré par la suite, une véritable expédition à la recherche de compositeurs féminins. Rassurez-vous, celle-ci ne prendra pas l'allure d'une croisade. Mon but ici n'est en aucun cas de brandir l'étendard de la cause féministe.

Par ce guide, je me propose de repérer la présence de femmes dans un secteur d'activité culturelle et de cataloguer leur production enregistrée et disponible à la Médiathèque de la Communauté française de Belgique.


Pascale Françoys

NB : Même si l'emploi du mot est préconisé en 1847 par un journaliste, l'appellation "compositrice" peut sembler inhabituelle dans le langage courant. J'ai délibérément choisi de féminiser les noms de métiers ou titres après vérification dans la terminologie ayant cours officiellement (1).

(1) Mettre au féminin : Guide de féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre. - Communauté française de Belgique - Direction générale de la Culture et de la Communication, 1994. Voir aussi: http://www2.cfwb.be/franca/femini/

Portraits et discographies

Abe (Keiko)

Andree (Elfrida)

Arrieu (Claude)

Bacewicz (Grazyna)

Backer Grondahl (Agathe Ursula)

Beach (Amy)

Bon di Venezia (Anna)

Boulanger (Lili)

Boulanger (Nadia)

Caccini (Francesca)

Clarke (Rebecca)

Coates (Gloria)

Crawford Seeger (Ruth)

Demessieux (Jeanne)

Di Vito-Delvaux (Berthe)

Farrenc (Louise)

Firsova (Elena)

Fontyn (Jacqueline)

Gubaïdulina (Sofia)

Heller (Barbara)

Hildegarde von Bingen

Holst (Imogen)

Jacquet de La Guerre (Elisabeth)

La Barbara (Joan)

Lutyens (Elisabeth)

Mahler-Werfel (Alma)

Marguerite d’Autriche

Mendelssohn-Bartholdy (Fanny)

Monk (Meredith)

Musgrave (Thea)

Oliveros (Pauline)

Reverdy (Michèle)

Saariaho (Kaija)

Schumann - Wieck (Clara)

Strozzi (Barbara)

Tailleferre (Germaine)

Ustvolskaya (Galina)

Vande Gorne (Annette)

Viardot-Garcia (Pauline)

Weir (Judith)

Reconnaissance tardive de la femme-compositrice 

Ne fréquente pas la femme musicienne, 
de peur que tu ne sois pris dans ses rets. 

(L'Ecclésiastique, IX, 4 ; IIe siècle avant J.-C.)

Aujourd'hui, les femmes occupent dans la vie musicale une place qu'on ne peut plus ni passer sous silence, ni minimiser, ni juger dilettante ou énigmatique. Elles font, en ce début de XXIe siècle, tout naturellement partie prenante des concerts d'avant-garde. Il suffit pour s'en persuader de remarquer la présence lors d'un festival de musique contemporaine comme Ars Musica de Betsy Jolas, Sofia Goubaïdulina, Kaija Saariaho,... Il est un fait que de nombreuses créations, considérées comme révolutionnaires et innovatrices dans la nouvelle musique, sont l'œuvre de femmes ! Il n'en a pas toujours été de même, loin s'en faut.

Alors que les femmes de lettres, les poétesses sont connues depuis les temps les plus reculés, les compositrices, à de rares exceptions près et pas nécessairement à ce titre là (femmes troubadours, Hildegard von Bingen, Alma Mahler...) restent dans l'ombre. En effet, tout le monde connaît Madame de Sévigné. Qui connaît Elisabeth Jacquet de la Guerre, compositrice hardie qu'applaudissait le Roi Louis XIV ? Toutes deux ont évolué et brillé au même siècle.

L'absence des femmes se vérifie, en général, dans le monde artistique et scientifique : que ce soit en musique, en sculpture (Camille Claudel mise à part), en architecture, en philosophie, en biologie, en physique (hormis Marie Curie), en médecine, ou encore, dans l'histoire des découvertes géographiques, de l'exploration, des inventions... Mais revenons au sujet qui nous occupe.

Pourquoi cette division sexiste du travail musical ? Pourquoi avoir réservé aux hommes la création, la composition et la direction d'orchestre et avoir cantonné les femmes dans le rôle de "servantes" de la musique, qu'elles soient joueuses d'épinette en famille, cantatrices ou "demoiselles" professeurs de piano ? La compositrice passe pour une exception, une erreur de la nature, d'où cette citation du Dr Johnson Samuel, linguiste anglais du XVIIIe siècle : "Une femme qui compose, c'est un peu comme un chien qui marche sur ses pattes de derrière. Ce qu'il fait n'est pas bien fait, mais vous êtes surpris de le voir faire".

Ève, la fautive

La censure cyclique des références historiques opère en étroite collaboration avec l'idéologie naturaliste, très répandue dans l'univers musical et qui sévit durement parmi les musicologues, critiques et professionnels divers. Ceux-ci attribuent à l'instinct sexuel un rôle primordial dans la génération des oeuvres; par là, ils essayent implicitement d'établir qu'elle est, par nature, l'apanage des hommes. Dans leur chef, il n'est donc pas question d'apprentissage, de travail, ni même d'intelligence. Non, il apparaît comme normal que les femmes ne composent pas. Que tout au plus, elles soient confinées dans le rôle de muses, source d'inspiration des grands hommes.

Cette forme de pensée tyrannique, qui tend à établir la supériorité de l'un sur l'autre, est largement ancrée dans notre imaginaire. Elle reposerait sur des préceptes imprescriptibles de notre morale judéo-chrétienne. En effet, c'est au Moyen Âge que l'Église élabore une réflexion sur la musique, réflexion qui renvoie aux questions posées par l'existence même de la femme.

Initialement, le féminin c'est Ève, l'"auteur de la faute". Ève dont toutes les femmes sont indéfiniment la reproduction. La femme est définie comme cette séduisante corruptrice (déjà présente dans les grands mythes tels que celui bien connu des marins attirés vers les funestes rochers par les chants suaves des sirènes) qui doit expier par le silence. Au VIe siècle, le concile d'Autun interdit le chant des femmes et des jeunes filles à l'église mais elles auront quand même le droit de chanter dans les couvents.

Complémentairement à l'idéologie naturaliste, les arguments morphologiques tentent de démontrer l'infériorité de la musculation et de la conformation physiologique des femmes, infériorité qui les empêcherait de pratiquer certains instruments et, de ce fait, d'aborder la musique avec les mêmes chances.

Déjà dans les temps reculés, alors que la musique avait avant tout une fonction religieuse, celle de communiquer avec les dieux, on choisissait la personne la plus robuste physiquement pour exercer la double fonction de chef et de sorcier. Donc, l'homme le plus fort, le plus adroit ou le plus expérimenté pour chasser et pêcher et donc préserver la vie du groupe, était aussi l'intercesseur auprès des divinités. Ce chef devait procéder aux incantations magiques musicales dans le but de faire tomber la pluie, de l'arrêter, etc... Par cette analogie entre la force physique et le caractère spirituel, la femme était tenue écartée des tâches pénibles et dangereuses pour assurer la procréation. Elle se trouvait, pour un long temps, éloignée de la création musicale, et parfois même de la simple interprétation.

Les conséquences de ces entraves misogynes sur la création féminine sont principalement d'ordre psychologique. Dites à n'importe quel être humain, dès sa prime enfance, qu'il est un être relatif, gommé avant d'avoir pu faire le premier pas, qu'il ne compte pas vraiment dans la société, et vous aurez, à quelques exceptions près, un être gommé, effacé, relatif. La création sous-entend la conscience du monde, une existence dans le présent, des désirs... tout un ensemble de comportements qui supposent de la part de chaque individu une autonomie, une perception de soi, une confiance en soi.

Outre la difficulté du vide et du vertige inhérents à la création, la femme qui compose doit affronter toutes ces contingences culturelles et s'astreindre spirituellement à placer la barre beaucoup plus haut. Betsy Jolas témoigne de ce mécanisme en ces termes (1) : "Je me disais que je ne pouvais pas être compositeur, parce que j'avais placé mes buts tellement hauts, ce que ne fait pas un homme, qu'il fallait que je sois Bach ou Beethoven ou rien du tout."

Si les femmes sont rares dans la profession, ce n'est pas faute de talent mais, de ténacité. Combien abandonnent ? Combien n'ont même pas envisagé d'essayer parce qu'elles ne croyaient pas être admises dans la profession.

Malgré une réprobation plus ou moins persistante, certaines se sont appliquées à l'élaboration d'une œuvre musicale.

(1) in : Femmes en mouvements. - Avril 1978

Les femmes et la musique - Du Moyen-Age à la Renaissance

La pionnière dans l'art de composer fut Hildegard von Bingen. Porte-drapeau de la cause féminine, elle adresse plusieurs de ses chants et psaumes à la Vierge Marie (ainsi O clarissima mater et O tu illustrata) à côté desquels plusieurs autres, comme O ecclesia rendent hommage au martyr de Sainte Ursule qui fut assassinée à Cologne avec les onze mille jeunes femmes de sa communauté. Heureusement, Hildegard n'eut pas à subir le même sort mais dut, toute sa vie, se battre pour maintenir l'indépendance et la sécurité de son couvent. Figurant avec Aliénor d'Aquitaine, Catherine de Sienne et Héloïse parmi les personnages marquants du Moyen Âge, elle incarne aujourd'hui davantage l'image d'une visionnaire, d'une mystique que celle d'une musicienne compositrice.

Aux XIIe et XIIIe siècles, les femmes troubadours ou trobairitz sont représentées, en moindre proportion que la gent masculine, dans ce bouillonnement créateur où la femme est constamment évoquée. Les oeuvres et les noms des troubadours (au nombre de 460 dont 20 femmes) proviennent d'une cinquantaine de florilèges manuscrits écrits aux XIIIe et XIVe siècles. Ils regroupent environ deux mille textes, parmi lesquels vingt-cinq émanent de femmes. Une vingtaine de chansonniers contiennent les mélodies notées des textes mais une seule de trobairitz, une chanson de la comtesse Béatrice de Die. Toutes ces représentantes, identifiées grâce aux "vidas", biographies des troubadours qui annoncent les textes d'une vingtaine de chansonniers, étaient de noble lignage. Cet état leur a probablement permis, dans une tradition orale où les seuls écrits concernaient les hommes, de laisser une trace écrite.

Les XVIIe et XVIIIe siècles admettent l'image de la femme musicienne. Le fait que les femmes embrassent une profession artistique n'était pas en contradiction avec les modèles d'éducation en vigueur à l'époque. La plupart des jeunes femmes instruites étaient dans les ordres, telle Isabella Leonarda (1620-1704). Jouissant de la sécurité matérielle au sein de l'Église, elles bénéficiaient de l'enseignement d'un maître de musique et pouvaient s'exercer à la composition mais devaient par leur art s'en tenir au domaine sacré et à la seule gloire du tout puissant.

La courtisane représente l'autre monde du Haut Baroque italien où pouvaient se produire, évoluer les femmes musiciennes de métier. Indépendante, elle assurait par ses charmes et son esprit sa propre subsistance et était l'artisane de sa destinée. Les textes historiques mettent sans cesse en évidence telle ou telle artiste, en raison de son intelligence, de l'étendue de ses connaissances et de la maîtrise de plusieurs langues. Il n'était pas rare qu'elle soit, à l'instar de Barbara Strozzi, membre d'académies ou de foyers artistiques de plus en plus nombreux en cette période.

Les femmes et la musique - De l'époque baroque à l'époque romantique

À l'époque baroque, les princesses s'investissent dans la musique comme symbole de culture et commencent à prendre des leçons auprès des plus grands musiciens de cour. Née de cette conjoncture, l'idée d'un art musical d'agrément pseudo-culturel apparaît au XVIIIe et se poursuivra jusqu'à l'aube du XXe siècle. Elle prévaut parmi la bourgeoisie parvenue pour qui le "ma-fille-fait-de-la-musique" permet surtout d'escompter pour elle un bon parti. L'éducation musicale apparaît comme un investissement.

Mais attention, même si le nouveau modèle d'éducation leur permettait, non sans paternalisme, de se consacrer à des activités musicales, on ne fit plus appel à leurs capacités réellement créatrices, ni à toute l'étendue de leurs connaissances. Avec la période classique, on commence à discuter leur capacité de créer "du grand art", tout au plus leur accorde-t-on alors de composer des mélodies ou de la musique de chambre, de jouer du piano-forte ou de chanter. On leur conteste le droit de faire interpréter leurs œuvres en public.

Fanny Hensel a reçu une formation musicale aussi remarquable que celle de son frère Félix Mendelssohn, mais seul ce dernier fut autorisé à être musicien professionnel. En tant que femme, elle ne fut pas prise au sérieux comme compositeur. De plus, née dans une riche famille juive, il lui fut refusé sans appel, par ses parents comme par son frère, d'être socialement autre chose que bonne épouse et bonne mère. Y eut-il quelque intérêt personnel ? Rappelons que certains de ses premiers lieder furent publiés dans l'opus 8 et 9 de son frère.

Clara Schumann devint virtuose du piano, son père avait décidé avant la naissance de l'enfant d'en faire un musicien accompli. Célèbre dans toute l'Europe, elle fit une grande carrière de concertiste. Elle a interprété un répertoire d'avant-garde pour l'époque, elle fut la première à jouer en Allemagne les œuvres de Chopin, Schumann et Brahms, auquel elle était unie par une longue et profonde amitié. La réputation exceptionnelle de Clara pianiste a quelque peu occulté celle de la femme compositeur même si elle-même n'eut jamais l'ambition de rivaliser avec les hommes. Bien sûr, la pression sociale, le fait d'avoir épousé un compositeur de génie a dû représenter un facteur supplémentaire de dissuasion. Mais, les écrits et les propos tenus par Clara Schumann semblent indiquer quelle même - pouvait-elle faire autrement ? - condamnait d'emblée les compositrices et que les femmes ne pouvaient pas être à la fois femmes et compositrices.

Pour qu'une femme puisse accéder à la composition de musique orchestrale, chorale ou de musique de chambre "sérieuse", elle devait faire valoir des talents d'interprètes sur un instrument lui permettant de faire entendre sa musique en famille ou dans des salons privés. Rares étaient celles qui se voyaient publiées et encore moins mentionnées dans les programmes de concert. Louise Farrenc dont l'œuvre fut longtemps considérée comme perdue ou éditée sous le nom de son mari, Aristide Farrenc, eut toutes les peines du monde à faire exécuter au célèbre Gewandhaus de Weimar son Quatuor pour piano qui finira quand même par être joué avec succès.

Les femmes et la musique - Du début du XXème jusqu'à nos jours

Vers la seconde moitié du XIXe siècle, on commence à prendre au sérieux le travail des compositrices, au même titre que leurs collègues masculins. Augusta Holmès n'a pas hésité à se mesurer avec les hommes sur leur propre terrain, à composer des opéras et des œuvres symphoniques et s'est fait reconnaître de ses collègues masculins comme une compositrice à part entière.

À l'orée du XIXe siècle, les écoles, académies, universités ouvrent peu à peu leurs portes aux femmes, permettant à certaines artistes, comme Lili Boulanger, d'obtenir un Grand Prix de Rome pour la composition et d'être parfois mondialement célèbres tant le niveau était élevé.

Les universités sont accessibles mais les places dans la vie professionnelle sont chères. Les préjugés antiféministes ont la dent dure. Au XXe siècle, les artistes féminines ont tendance à se regrouper, à monter des orchestres de femmes, dirigées par des femmes et présentant un répertoire féminin. À côté de cela, plusieurs maisons de production de disques de femmes sont lancées, des associations et des ligues sont créées; bon nombre de festivals de musique réunissant les femmes sont organisés. Inutile de dire que toutes ces expériences apparaissent surtout aux États-Unis. En Europe, "Frau und Musik", association internationale et revue allemandes accorde une large place à la réflexion et à la recherche.

À titre individuel, les contemporaines s'investissent davantage et se font de plus en plus valoir. Elles poussent leurs études toujours plus loin, participent à des concours difficiles, se battent sur le terrain des subsides gouvernementaux, à leur tour forment les jeunes générations. Leur nombre est plus important aux Etats-Unis, beaucoup de soviétiques ont été révélées avec la chute du mur de Berlin (Sofia Goubaïdulina, Galina Ustvolskaya) et actuellement, les pays nordiques, favorables aux droits des femmes, fournissent de plus en plus de jeunes talents. De plus, dans tous ces pays, l'enseignement musical est à la pointe par rapport au reste du monde.

Même si la femme n'a pas encore acquis ses lettres de noblesse au niveau de la création musicale, il ne faut pas mésestimer sa contribution à l'enrichissement du patrimoine artistique et à la formation. Dans ce sens, le rôle de la compositrice Nadia Boulanger fut capital. Pédagogue de renommée mondiale, elle aurait, au cours de ses 60 ans de carrière, enseigné à 600 élèves, surtout américains, dont 83 femmes. 

Présentation du catalogue

Proposer un catalogue de titres, présente par définition un caractère rébarbatif. J'ai composé, pour chaque artiste répertoriée, une notice biographique originale. Dans la mesure où je trouvais l'information, j'ai complété une grille des principales données individuelles comprenant dans l'ordre : le(s) prénom(s) suivi(s) des noms (jeune fille, femme mariée, pseudonyme), les dates (naissances et décès), les fonctions, la nationalité. J'ai poursuivi par des informations sur leur formation (noms des écoles, universités, professeurs), sur leur carrière (intitulés des prix, récompenses, bourses) et par une vue d'ensemble de leur œuvre.

J'ai été confrontée aux divergences d'informations entre les sources, aussi sérieuses soient-elles (biographies, discographies, encyclopédies spécialisées, ...). Notamment, en ce qui concerne les dates des artistes les plus éloignées, j'ai dû mentionner toutes celles supposées. Par contre, pour certaines contemporaines, force est de constater l'absence de dates de naissance, coquetterie oblige !

Afin de mieux les localiser dans l'histoire de la musique, il m'a paru intéressant de compléter les fiches d'identité en évoquant les professeurs ou mouvements qu'elles ont approchés. Je me suis cependant gardée de les "classer" dans un style musical, les trajectoires restant difficiles à systématiser. Pour garder une certaine objectivité et ne pas tomber dans le piège de l'emphase, j’ai évité de rapporter toutes considérations ou appréciations stylistiques de l'un ou l'autre musicologue ou rédacteur de livrets de disques.

Pour mieux les définir, j'ai dressé un tableau des liens de parenté qui unissent les compositrices traitées entre elles, ou avec un autre membre de la famille qui écrit aussi de la musique. Il permet, d'un bref coup d'œil, de situer les noms connus du monde artistique et d'en découvrir d'autres.

Ce catalogue recense les œuvres de 236 compositrices.

Il se divise en autant de pages que de compositrices classées alphabétiquement. Pour les noms en deux parties, j'ai opté pour un ordre continu, suivant la règle en vigueur en bibliothéconomie. J'ai choisi de mettre en tête de chapitre, les noms et les prénoms des artistes les plus communément utilisés sur les enregistrements.

Une table intitulée "table chrono-ethnique" dispose toutes les compositrices d'après un classement par pays et un sous-classement par siècle. Cette disposition permet de faire le survol de l'activité musicale des pays, de leur éveil, de leur épanouissement et de l'intégration des étrangers.

Je précise que ce travail reflète l'état de la collection "Musique classique" de la Médiathèque à la date de clôture des recherches. Mais, j'invite les intéressés à se tenir au courant des nouvelles acquisitions de la Médiathèque. Que les personnes qui trouveraient des omissions ou des inexactitudes veuillent bien m'en excuser, je ne suis spécialiste ni en musicologie, ni en sociologie.

Conclusion

En guise de conclusions, j'aimerais faire part de quelques considérations générales à partir de la table chrono-ethnique, parler de la politique éditoriale en rapport avec la création féminine et enfin, présenter les points communs qui rapprochent ces musiciennes.

Ce tableau, synthétique, est significatif par les "trous" et les "manques" qu'il révèle. On constate, par exemple, que sur les 32 pays cités, sont absents le Moyen et le Proche-Orient, l'Asie du Sud-Est, l'Afrique du Nord, l'Afrique Noire... On remarque que sur ces mêmes 32 pays, 25 ne mentionnent de compositrice qu'à partir du XIXe siècle et/ou du XXe siècle. Or, s'il est vrai que la création de certains états intervient historiquement à une date récente (Tchécoslovaquie, Israël, pays issus de la décolonisation, etc.) Il n'est toutefois guère probable qu'aucune femme n'ait composé de musique en Chine, aux Indes, au Japon avant le XXe siècle, et qu'il n'y en ait eu aucune non plus en Grèce ou en Égypte entre l'Antiquité et nos jours.

En fait, plus on s'éloigne dans l'espace et dans le temps du "centre" de "la" civilisation occidentale, plus on se heurte au problème de l'absence de documents écrits. Aussi, la trace des compositrices est-elle particulièrement difficile à suivre dans les civilisations du passé, chez les peuples de culture de tradition orale et dans les pays extra-européens. Mais dans les pays occidentaux aussi, la documentation compulsée à ce sujet fait allusion à la dispersion et à la rareté des sources, aux hésitations sur les identités (pseudonymes, noms de famille non mentionnés de peur de la réprobation), aux confusions d'attribution (édition sous le nom d'un conjoint ou autre), aux difficultés de datation. Ce qui explique certains trous noirs.

Absences qui se vérifient dans les collections pourtant riches de la médiathèque. Ce mémoire tente d'en apporter la preuve. Le tableau signale des compositrices en Europe à partir du XIe siècle, uniquement en Allemagne. Ensuite, vient un trou noir entre la seconde moitié du XIIIe siècle et le XIVe siècle. La période située entre les XVIe et XVIIIe siècles ne fait mention que d'un petit nombre de compositrices.

Force est de constater qu'aucun pays ne présente de compositrices pour chaque siècle. Par exemple, on ne découvre aucun nom en Grande-Bretagne avant le XVIe, aucun en Belgique avant le XVe et aux XVIIe et XVIIIe, aucun en Italie avant le XVIe siècle à partir duquel, avec l'Autriche, elle est bien représentée jusqu'au XIXe, ni en Allemagne entre les XIe et XVIIIe siècles. La France compte des compositrices pour chaque siècle à dater du XIIe siècle, sauf pour les XIVe, XVe et XVIe siècles.

En d'autres termes, la présence de femmes là ou ailleurs, illustre divers grands courants innovateurs de l'histoire de la musique : de la naissance et de l'engouement pour l'opéra en Italie aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles avec l'apparition de nombreux foyers artistiques dans ses grandes villes en passant par l'âge d'or du Romantisme en Allemagne et en Pologne et le déplacement de l'événement artistique des cours princières aux salons bourgeois jusqu'aux laboratoires de recherche contemporaine en musique électroacoustique.

À la lumière de ce travail, il est possible de faire part d'une constante au niveau de la production des oeuvres féminines et de l'intérêt que leur accordent les éditeurs de disques. Dans un monde où la distribution des marques de disques change constamment, il apparaît tout de même statistiquement que les compositrices sont le plus souvent distribuées par de petits éditeurs. La musique classique constitue, au départ, un secteur peu exploité par les grandes multinationales de disques, on ne peut donc s'étonner du peu d'attention qu'elles semblent accorder aux femmes. On constate l'absence quasi totale d'EMI et la présence très clairsemée de Philips et de Deutsche Grammophon.

Il semblerait que les petites marques, impuissantes à concurrencer les multinationales, s'aventurent peu sur le terrain des grandes oeuvres composées par les grands noms de la musique, à l'exemple des symphonies de Beethoven,... Par contre, elles se lancent plus volontiers dans un tout autre créneau, celui de la promotion d'oeuvres "marginales", non pas au sens péjoratif du terme. Elles visent à proposer un répertoire différent et essayent par là d'atteindre un autre public.

À ce niveau, la Médiathèque joue un rôle culturel capital. Elle présente l'avantage d'acquérir des oeuvres tous azimuts et de conserver et proposer des disques intéressants ou introuvables dans le commerce. Soit qu'ils aient une valeur d'archives soit qu'ils présentent un intérêt au point de vue musicologique. On y trouve, par exemple, l'oeuvre complète de Jacqueline Fontyn qui ne figure pas au rang des succès commerciaux mais qui sort des sentiers battus.

Le fait que les petites marques de disques, s'intéressent aux compositrices, à l'image de CPO qui a proposé dans son catalogue notamment de nombreux lieder de Fanny Mendelssohn ou comme une marque nationale qui va favoriser une production nationale, ne signifie pas pour autant qu'elles tombent dans un féminisme facile. Mais, elles prennent le risque d'éditer l'oeuvre d'un nouveau compositeur, ou d'un artiste moins connu, susceptible de percer sur le marché, qu'il soit homme ou femme.

Là où le choix des éditeurs repose sur des impératifs économiques, l'interprète effectue une démarche plus intellectuelle. Proposant un répertoire, il joue un rôle capital dans la mise en valeur de tel ou tel compositeur. De nombreux enregistrements ne doivent leur succès qu'à l'interprétation. De ce fait, on constate actuellement dans l'ensemble du monde éditorial (mais aussi dans les programmes de concert de musique contemporaine où sur cinq compositeurs annoncés, il y aura bien une femme), une tendance à les placer en avant.

À la même enseigne que Gyorgy Ligeti, les oeuvres de Sofia Goubaïdulina ou celles de Kaija Saariaho, sont interprétées en concert par des artistes de premier plan.

Progressivement, les compositrices vont se retrouver sur les grandes marques. Ainsi, Sofia Goubaïdulina interprétée par Guidon Kremer, figure en bonne place dans le catalogue de la firme Deutsche Grammophon.

Le point de convergence qui relie toutes ces femmes entre elles, reste évidemment le milieu musical dans lequel elles sont nées. À une ou deux exceptions près, elles ont toutes été initiées à la musique par un père ou une mère, le plus souvent professeurs de musique. Ou encore, ont-elles grandi dans un milieu favorable à la présence de grands musiciens : les cours, les institutions religieuses pour jeunes filles, les salons, les cercles privés. Cette opportunité a valu pour certaines de se découvrir un talent pour la composition, de prendre des cours, parfois malgré la réprobation familiale ou sociale, de recevoir des conseils, des avis sur leur création ou encore espérer la promotion de leurs oeuvres en public.

Pratiquement toutes passent pour des virtuoses, en général du piano. Elles se lancent souvent dans la composition souvent en autodidactes alors qu' elles n'ont pas accès pour diverses raisons à l'enseignement ou qu'elles se décident à consigner les pièces qu'elles ont improvisées.

Toutes connaissent une notoriété mondiale grâce au fait qu'elles peuvent faire valoir l'enseignement reçu de grands maîtres, en raison des titres et diplômes obtenus dans les conservatoires ou universités réputées, au travers de leurs oeuvres primées dans des concours internationaux, par le fait des nombreuses bourses et subsides qu'elles sont parvenues à décrocher. Il faut ajouter à cela que leurs oeuvres sont éditées, jouées, diffusées dans le monde entier.

Contrairement à l'idée reçue, elles se sont lancées dans la création de grandes formes que ce soit l'opéra, la messe, la comédie musicale ou l'oeuvre pour orchestre et ce, à toutes les époques.

Enfin, elles sont réputées dans le monde de la musique non seulement comme compositrices, mais comme interprètes (présentes dans le répertoire), chefs d'orchestres, professeurs, éditrices de revues musicales ou de disques, journalistes, présidentes d'associations, organisatrices de festivals, de congrès...

Un dernier mot pour signaler, ô suprême bonheur, qu'une femme surgie du fond du Moyen Âge, Hildegard von Bingen, cartonne au hit-parade des disques les plus empruntés à la Médiathèque avec quatre titres. Ses visions extatiques rejoignent la tendance de cette décennie pour une musique à caractère mystique qui inonde le marché dans tous les sens.

Voilà, j'espère que vous aurez pris du plaisir à lire ce dossier autant que moi à préparer le sujet, à naviguer dans l'histoire de notre civilisation et à découvrir des richesses insoupçonnées de la création musicale.

Pascale Françoys

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