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Festival Alimenterre 2021 : pour cultiver et habiter autrement

festival alimenterre

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publié le par Frédérique Muller

Le festival Alimenterre, pour sa treizième année, propose une programmation riche et éclectique qui questionne nos manières de cultiver mais aussi d’habiter la terre et d’être en relation au vivant. Des films, des courts-métrages, des concerts et des activités, à Bruxelles et en Wallonie, du 9 au 16 octobre.

Avec les films projetés, il s’agit d’illustrer la résistance au modèle agro-industriel et colonial mais aussi le développement de pratiques alternatives plus douces et plus justes. Des pratiques qui mettent en évidence un rapport quotidien, intime, sensible et pragmatique au territoire. Le corps, la terre, la matière, les intentions, tout se lie et se resserre au fur et à mesure des films dans une vaste toile de luttes interconnectées et de liens d’indépendance. Cette toile se fait matière vibrante et réactive à nos regards, intentions et gestes.

Prix du jury Génération Z Festival Alimenterre

Les films :

Champs de lutte, semeurs d’utopie : « l’autonomie pour résister »

Le film s'ouvre sur le récit d'un rêve, celui de devenir paysan. Le réalisateur est allé à la rencontre d'hommes et de femmes, en France, ayant poursuivi ce rêve pour lui donner des formes différentes. Ils partagent le désir d'autonomie : « Être autonome dans un monde marchand, c'est déjà une forme de résistance ». Ils s'inscrivent aussi dans une logique de temps long, de soin du paysage et communiquent leur envie de cultiver, de cuisiner et de partager de bonnes choses. Le film témoigne d'une intégration de la ferme dans la vie des paysans mais aussi dans le tissu social local. Des liens indispensables et multiples qui redonnent du sens à la production alimentaire et qui soutiennent les producteurs dans les difficultés.

Être autonome dans un monde marchand, c'est déjà une forme de résistance — Champs de lutte, semeurs d’utopie

Amuka : « l’agriculture familiale pour lutter contre la faim »

Au Congo, des paysans tentent de s’organiser pour ne plus souffrir de la faim et vivre dignement de leur travail de la terre. Les règles du commerce international contraignent de nombreux paysans à l’exportation et la faim. Dans ce contexte, les petits producteurs du film résistent et essaient de trouver des brèches dans ce système massif, portés par la volonté de faire vivre une agriculture familiale dont soixante-dix pour cent des congolais dépendent aujourd’hui. En même temps qu’il dénonce le paradoxe de la faim des paysans, le film est donc aussi un plaidoyer pour l’avenir de l’agriculture familiale.

Le périmètre du Kamsé : « préserver l’accès aux rites »

Au Burkina Faso, pour lutter contre la désertification et l’exode des jeunes vers les villes, des villageois s’emparent de leur territoire et adoptent la technique du « périmètre ». Le principe est d’aménager une zone clôturée en parcelles et zones de rétention d’eau pour protéger les cultures des animaux, de la coupe, du vent et de la sécheresse. Mais pour en définir le tracé, les villageois adaptent le périmètre à ce qui importe pour eux comme la présence d’un bosquet sacré. Le territoire parle, s’enrichit de liens nouveaux tout en préservant ceux du passé, il se densifie et porte l’espoir d’une vie plus douce qui permette aux paysans de ne se nourrir et aux jeunes de rester, voire de revenir.

Ceres : « débuter avec des rêves et un contact »

Des mains qui caressent un poil rugueux ou des herbes folles. Des regards qui croisent ceux de jeunes cochons. La sensation du souffle chaud d’une vache dans l’étable. Le monde agricole est ici filmé du point de vue des enfants qui touchent et rêvent la vie de la ferme. Ils se destinent depuis toujours à prendre la relève, c’est une évidence, une continuité.

La part du rêve : « amour et agir pour le peuple et la terre »

En Corse, les villas de luxe avec piscine, les espaces dédiés au tourisme et les zones protégées semblent accabler le territoire de manière arbitraire et brutale. Des constructions, des barrières et des lois écrasent le territoire vivant qui résiste tant bien que mal au-dessous, chargé d’histoires et de pratiques. Faisant corps avec ce territoire, une éleveuse vit sur la montagne, entourée de chèvres, de chant, de poésie, de lutte. En résistance malgré elle, elle déplore le manque d’amour et d’agir des dirigeants pour le peuple et la terre. Poussée à partir, elle confie « ça crève tout, ton cœur, ton corps, ton âme, tout ». Mais, pour « la terre, elle sera capable de reconstruire à côté ».

Pas d’or pour Kalsaka : « en finir avec la conquête et son récit du progrès »

Les anciens connaissaient la présence de l’or dans cette région du Burkina Faso, ils la craignaient, et c’est la présence de l’homme blanc qui est venue la confirmer. Ils sont donc arrivés avec leurs machines et leur imaginaire de développement. Pourtant, six ans après le début de l’ouverture de la mine, les constats sont amers, la promesse de progrès n’a pas été tenue. Ou alors, c’est peut-être bien la définition du progrès qui est à interroger ? C’est que laisse sous-entendre ce film qui, sur le plan esthétique, fait le parallèle entre l’imaginaire du western et de la conquête de l’ouest et cette aventure africaine racontée par griot. Les mines fonctionnent mais les bénéfices ne profitent pas à la population. Sur place, les habitants sont dépossédés, privés de terre te d’eau saines. « Comment une société peut-elle venir prendre nos terres et ne nous indemniser que cinq ans et non jusqu’à la fin de nos jours ? ». Hier comme aujourd’hui, c’est la même histoire de conquête, la même promesse de progrès et de prospérité qui détruit et dépossède au profit de quelques-uns, plus loin.

Comment une société peut-elle venir prendre nos terres et ne nous indemniser que cinq ans et non jusqu’à la fin de nos jours ? — Pas d’or pour Kalsaka

Décolonisons l’écologie : « faire émerger une autre manière de faire monde que l’habiter colonial »

La culture de la banane en Martinique révèle la force et la violence du rapport colonial qui continue d’être entretenu avec l’île par le continent français. La situation est richement documentée dans le film par les trois réalisateurs : emplois de pesticides interdits en France, développement de maladies graves liées à l’exposition aux produits chimiques, salaires insuffisants, impossible recours à la Justice, etc. En Martinique, les règles ne semblent pas être tout à fait les mêmes qu’ailleurs… L’analyse de la situation par le chercheur Malcom Ferdinand, permet de comprendre qu’avec le développement des colonies, c’est un « habiter colonial » qui a été imposé : un rapport au monde qui s’exerce sur les corps et la terre pour exploiter le vivant au profit de quelques-uns (modèle de la plantation) et qui a persisté après la fin de l’esclavage. C’est bien une grande histoire de dépossession des corps et de la terre qui est passée sous silence ainsi que celles des résistances qui se sont depuis toujours opposées à cet habiter colonial pour proposer une autre manière de faire monde (marronnage). « Nous martiniquais, nous sommes porteurs du germe d’une autre humanité ».

Nul homme n’est une île : « dire oui à un lieu »

Dans ce film, le réalisateur compare des situations éloignées dans l’espace et le temps, pour interroger la place des citoyens dans les décisions politiques, notamment au sujet de l’aménagement du territoire. Ce territoire qui fait partite de l’identité individuelle et collective. Celui qui est menacé par une urbanisation croissante et uniformisante. C’est ici avec le regard sur le paysage et l’expérience des pratiques (agricoles et sociales) que s’ancrent le lien au territoire. Cette réflexion se poursuit dans le réel avec une réalisation en Autriche : une grande caisse de bois ouverte qui cadre le paysage. Celui qui y pénètre et qui regarde voit alors le paysage comme il ne le voyait pas. En Sicile, où un homme doit « digérer » l’apparition de l‘autoroute tout comme le paysage doit le faire, en Suisse où un architecte explique qu’ « il faut dire oui à un lieu » puis voir comment on peut y développer une activité ou encore comment un « bureau des questions du futur » en Autriche travaille à créer le désir d’un avenir meilleur. A chaque fois, il s’agit bien de revenir à des petites échelles, au local, à la communauté et à l’implication des citoyens.

II faut dire oui à un lieu » puis voir comment on peut y développer une activité ou encore comment un « bureau des questions du futur. — Nul homme n’est une île

Château de terre : « faire de la construction de sa maison un projet politique »

Au départ, il y a l’envie de participer à la mise en place et au quotidien d’un espace en marge du système capitaliste. Un jeune couple se lance ainsi dans l’aventure de la construction d’une maison sur un territoire communautaire dédié à un projet d’agroécologie. Les obstacles et réussites de ce long processus sont racontés dans ce film à l’allure d’un journal de bord sur le quel ont aussi été dessinés les rêves et les espoirs du projet. Ces dessins superposés aux images permettent de donner une forme aux projections et de les partager. Outre les aspects techniques et matériels du projet, l’aventure pose aussi les questions de la vie en groupe, de la propriété privée et des inégalités. Si le couple parvient à obtenir un certain équilibre, il atteint aussi les limites du projet : comment combattre les inégalités qui empêchent de pouvoir partager ce modèle agro-écologique ?

Paysans sentinelles : « s’écarter des chemins tracés pour inventer »

Ces paysans sont des « paysans de nature ». Ils travaillent la terre mais veulent aussi agir concrètement contre la perte de biodiversité. Une double intention qui s’ancre dans la même terre, dans un rapport direct au milieu. Cultiver ce lien, c’est s’écarter « du chemin tracé dès la formation d’agriculteur ». C’est un chemin qui demande de réinventer le métier de paysan, se libérer de la légende « il faut nourrir la planète », mais aussi le rapport à la nature et à la protection de celle-ci.

La graine, les particules et la lune : « l’espace pour nous séparer ou nous relier ? »

La réalisatrice s’interroge au début du film sur le sens de la vie. Elle opère un détour par l’espace pour observer les incohérences et les déboires d’une humanité qui court à sa perte pour mieux ré-atterrir sur Terre, au cœur de la matière. C’est dans un champ qu’elle atterrit, au milieu des vaches. Le paysan à leurs côtés s’enthousiasme devant les bouses trouvées dans le sillage des ruminants, leur forme, le pouvoir de transformation de la matière qu’elles renferment. Ainsi commence un voyage au cœur du sol, de la lumière, de l’eau et du vide, cette matière vibrante qui nous relie. Ainsi tous les liens invisibles sont révélés. Notre monde apparait comme un vaste réseau de contacts, d’interactions et d’informations en perpétuel mouvement. « Je ne me pose plus la question du sens. Je ne suis pas seule dans l’Univers, et il n’est pas indifférent ».

Becoming Animal : « être humain uniquement au contact du non-humain »

« Tant de choses s’éveillent la nuit », des animaux mais surtout nos sens, ceux qui sommeillent pendant le jour attendant le mystère de l’obscurité pour tisser des liens autres avec le monde, avec la « nature », ce mot qui une fois prononcé nous sépare d’elle. Le dispositif du film et du langage sont interrogés, eux qui ont participé à mettre à distance le monde autre qu’humain alors qu’au départ, ils étaient des outils pour entrer en contact avec lui. L’envie du film est au contraire de nous en rapprocher, par les sens, par la caméra. C’est ici par le regard et par la relation que l’on est vivant. « Mon corps est comme un circuit ouvert qui n’est complet qu’avec les être sur lesquels je pose mon regard ».

Mon corps est comme un circuit ouvert qui n’est complet qu’avec les être sur lesquels je pose mon regard. — Becoming Animal

L’installation : « une vie où chaque chose est à sa place »

Un an pour se préparer à reprendre une ferme, un an pour se préparer à s’en séparer. Deux jeunes femmes, conquises depuis peu par le monde agricole (vaches laitières), se préparent à reprendre une ferme familiale. Elles sont accompagnées par les futurs anciens, heureux de transmettre leur expérience, à l’heure où de si nombreuses petites exploitations disparaissent, faute de repreneurs. Tandis que les jeunes femmes découvrent leurs premières fois, les premiers gestes (traites, conduite des machines, etc.), le couple bientôt à la retraite savoure ses derniers. Il est donc question de transmission mais aussi de liberté de faire, de s’écarter du modèle d’exploitation industriel, de retrouver une « cohérence », le mot est cité plusieurs fois, une vie où « chaque chose est à sa place ».

Toutes les informations sur le festival : ici

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