Festival Alimenterre 2023
Dans le cadre de son suivi des questions environnementales, PointCulture propose un fil d'analyse qui traverse les films projetés au festival Alimenterre pour comprendre en quoi le cinéma peut être un moyen pertinent d'aborder la question alimentaire dans toute sa complexité.
Cow : Parce qu’ils ne pratiquent pas le langage humain, nous ne reconnaissons par les maux des animaux domestiques. Leur vie intérieure nous est inaccessible. Nous avons appris à ne pas y être sensible, ni même réceptif. Sans un mot, le film s’intéresse aux animaux domestiques, à leur corps profané, instrumentalisé, à leur sensibilité niée. Il dévoile, avec beaucoup de force, une part insoupçonnée, ou au mieux, sous-estimée, de la vie d’une vache allaitante : la tendresse des échanges entre une mère et son petit ; l’anxiété et la souffrance de la séparation ; les appels de part et d’autre de la relation déchirée ; les regards de la vache vers la caméra : « Je suis, je vis, je ressens, j’existe, vous existez pour moi ».
Là où l’herbe est plus verte : Au départ, le film s’intéresse à l’abîme creusé entre deux mondes par l’arrachage des haies au nom de l’agriculture moderne. Là où, auparavant, se déployaient d’épais buissons et d’où s’élevaient de vieux arbres, un fossé rempli d’amertume est devenu l’objet d’une dispute silencieuse. Elle oppose la mère de la réalisatrice, attachée à un paysage riche, vivant et mystérieux et le voisin, un agriculteur qui veut moderniser son exploitation et dont seul le fils ose désormais franchir ce qui les sépare. Et puis le film devient l’occasion d'un retour du dialogue avec le projet d’une nouvelle haie. Alors, les regards se posent, certains pleins d’espoir et de foi dans ce chantier de vie, d’autres incrédules sur ce projet futile, presque capricieux. Mais il y a de l’entraide pour les plantations. La haie, tout comme le film, se font promesse de réconciliation. La frontière qui sépare deux mondes s’ouvre aussi en un espace de dialogue et de rencontre à nouveau possible.
La vérité du sol : Le film cherche à cerner la nature du sol, à rassembler les mots justes pour en parler. Il aiguille notre regard vers les invisibles vertus de nos terres agricoles, aujourd’hui si malmenées. « Jardiner, c’est retrouver notre humanité » explique Vandana Shiva à la caméra. Le film prépare ainsi notre retour vers l’humus, nous invite à retrouver notre humilité.
Verts pâturages : Il y a des disparitions lointaines dont on ne perçoit qu'à peine le vague écho du dernier souffle. Le film s’attèle à dévoiler l’une d’elle. L’activité de transhumance fait partie intégrante de l’identité culturelle peule mais les changements climatiques et les conflits fonciers menacent cette pratique ancienne. Le film saisit cette situation qui tisse ensemble les fils du temps, passé, présent et futur, ceux de la terre et du tissu social.
Les Croquantes : Le film restitue les histoires non racontées, les voix étouffées : celles des femmes en milieu agricole recueillies pour un spectacle qu’elles écrivent ensemble. Il dévoile l’intimité d’un cercle de parole de femmes en milieu rural. Rapidement, le contenu des échanges met en évidence le caractère politique de la vie privée. Au cœur des préoccupations, le besoin de reconnaissance, dans tous les sens du terme, celui de faire entendre sa voix, de retrouver de la force, de s’émanciper, au sein de la famille, du village, de la société, et au regard de la loi.
Tu nourriras le monde : Le film enquête sur le passé d’un territoire, celui de la Champagne « pouilleuse », une terre pauvre, un sol désespérément calcaire. Les petites histoires sont prises dans la grande, celle de la modernisation de l’agriculture. Après la guerre, il faut nourrir la France. Les engrais débarquent et colonisent le sol. Celui-ci se met à produire. « On ne travaille plus sur un produit qui nourrit le village mais sur un produit qui doit alimenter les usines qui exportent ». Cette mutation entraîne celle du travail, le paysage, la biodiversité. Le film conclut : « Manger ce n’est pas un acte anodin » et attire l’attention sur les aspects historiques, sociaux, politiques, systémiques de la production alimentaire.
140 kilomètres à l’ouest du paradis : En Papouasie-Nouvelle-Guinée, au moment du Goroka Show, les touristes affluent en masse pour photographier les démonstrations des cérémonies traditionnelles mises en scène pour l’occasion. Plus de cent tribus se rassemblent et les clients de ce safari photo se félicitent que les traditions perdurent. Ce que le film sort de l’ombre, c’est le drame qui se joue à 140 kilomètres de là. Sur la montagne, ExxonMobil creuse, fore, vide la terre de ses secrets et de sa magie, dépossède les habitant·e·s de leurs terres et promet le progrès. Les villages sont occupés, les clans se déchirent, les liens sont détruits.
Les fourmis et la sauterelle : Au Malawi, un jeune garçon regarde passer un avion loin au-dessus de sa tête. Il rêve de devenir pilote. Il ne se doute pas que ce ballet au-dessus de son village participe à compromettre son avenir. Le film raconte le poids des conséquences. La mère du jeune garçon voudrait témoigner de l’impact des changements climatiques, à la caméra tout d’abord, puis à Washington. Au cours du tournage, un projet de voyage vers les États-Unis est alors imaginé. La mère est une paysanne. Elle prend soin de la terre, de sa famille et de sa communauté, très investie dans les actions en faveur du droit des femmes et d’une agriculture pérenne. Elle prend cet avion qui faisait tant rêver son fils. Au cours du voyage, plusieurs rencontres dont la mère souligne l’importance (que ce soit avec des agriculteurs ou des personnages politiques). Le changement commence pour elle dans la rencontre : « Quand rien ne paraît possible, l’écoute permet le changement de se produire, au mouvement de se réaliser ».
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