Festival BRuMM | Les musiques de la seconde ville la plus cosmopolite au monde
- PointCulture : Il me semble y avoir une mini zone de flou (pas nécessairement dérangeante, qui laisse aussi une part d’interprétation au public) dans l’intitulé de votre festival par rapport à l’idée même de « musiques migrantes ». Parle-t-on des musiques jouées par des migrants ? Ou de musiques qui sont éventuellement arrivées ici par d’autres moyens (par les disques, par les instruments, par les partitions, par Internet, etc.) ? Ou les deux ?
- Béatrice Minh : BRuMM s’intéresse principalement aux pratiques musicales de personnes en situation de migration, qu’elle soit proche ou lointaine, ancienne ou récente. Avec ce projet, il nous semblait important de mettre en lumière ces pratiques afin qu’elles trouvent leur place dans le patrimoine bruxellois, car même si elles témoignent avant tout d’un ailleurs, elles sont également le reflet de l’évolution de Bruxelles et se transforment autant qu’elles transforment. Tout cela rend compte de parcours de vie singuliers, ce qui permet d’aborder par le biais de la musique le rapport aux identités multiples, héritées et construites.
- Après une première édition consacrée aux Gnawas de Bruxelles en 2016 et une deuxième édition, je pense, non-thématique en 2018, vous vous êtes concentrés sur « le printemps des cordes » l’an dernier et sur « les rituels de printemps » cette année. Ce travail sur les thématiques s’explique-t’il par l’idée de chercher ce qui relie différentes musiques du monde malgré leur éloignement géographique, ce qui rassemble plutôt que ce qui sépare ?
- En 2018, il y avait aussi un thème ! Cette année-là, nous avions souhaité mettre l’accent sur les pratiques féminines, avec notamment Fatoum, la chorale Les Fatmas de Belgica ou encore les femmes de la communauté afar de Bruxelles. C’était également le début d’une recherche avancée sur l’identité du festival, qui s’est décliné pour l’occasion sous le nom de « Music made in Brux-ELLES ». En 2019, le groupe des partenaires à l’origine du projet a décidé de s’orienter vers une famille d’instruments, et en 2020 vers les pratiques rituelles liées au printemps, moment clé qui correspond également à la période du festival.
Ce sont autant de portes d’entrée qui permettent d’aborder les musiques migrantes en tenant compte de leurs spécificités, mais aussi ce qui fait lien entre elles.
- Sur votre site, vous expliquez que vous concevez votre activité comme de la « recherche-action ». Votre festival comporte en effet chaque année un moment plus académique (entre autres avec le Laboratoire de musicologie de l’ULB) mais aussi des initiatives de transmission, de valorisation, de médiation vers les publics et les communautés bruxelloises dans lesquelles s’enracinent ces musiques migrantes. Pouvez-vous, par l’un ou l’autre exemple, expliciter comment ces différentes pièces du puzzle s’imbriquent les unes dans les autres ?
- BRuMM se conçoit comme un véritable projet de médiation culturelle. Il se compose d’un volet public au moment des événements de mars, mais s’appuie également sur un processus de réflexion continue qui intègre le comité de pilotage du projet, le monde académique et les artistes. Le fait de s’appuyer sur une méthodologie de « recherche-action » permet justement de faire en sorte que les dimensions académique et sociétale se complètent, tout en évitant de tomber dans les travers de l’instrumentalisation, de l’opportunisme, de la réduction à « l’exotisme » et des dérives commerciales.
- Plus précisément, pour cette quatrième édition, en 2020, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la journée d’études au CBAI et sur les ateliers parents/enfants (y compris parents/bébés) au PointCulture Bruxelles ?
- La journée d’étude, qui se tenait jusque-là à l’ULB, est délocalisée au CBAI pour cette édition 2020. Elle a traditionnellement lieu en début de festival afin, justement, de poser un contexte théorique qui puisse servir d’état des lieux sur l’évolution des pratiques musicales migrantes et du degré de connaissance à leur égard. Rassemblant à la fois chercheurs, artistes et acteurs culturels au sens large, il s’agit de proposer un moment propice à la rencontre et à l’échange, afin d’encourager la réflexion et de faciliter la transmission des connaissances.
Les ateliers parents/enfants et parents/bébés ont également cette volonté de stimuler la découverte en permettant, via une activité familiale, de favoriser un éveil musical avec des clés d’écoute et ce, dès le plus jeune âge.
- Votre structure (ou la coupole des différents partenaires réunis pour le festival) est-elle active tout au long de l’année, entre deux éditions de BRuMM ? Sur votre site toujours, vous appelez de vos vœux la création d’une « structure pérenne dédiée spécifiquement aux musiques migrantes à Bruxelles » : BRuMM joue-t’il déjà ce rôle-là ? Ou voudriez-vous encore développer vos actions ?
- Comme évoqué précédemment, BRuMM est surtout connu pour les activités qui ont lieu au mois de mars. Cependant, il y a tout un volet de recherche, d’échanges et liens avec et entre les artistes et le monde académique qui ne s’arrête pas, d’où cette volonté de trouver une forme pérenne pour soutenir ce travail au quotidien.
Les populations présentes à Bruxelles changent, les pratiques musicales évoluent, parfois très rapidement, et il est nécessaire de pouvoir créer des espaces de médiation où à la fois les praticiens et les publics soient reconnus comme porteurs de culture. — Béatrice Minh
BRuMM est donc un projet ambitieux, voué à évoluer et prendre de l’ampleur, pour devenir à terme le référent incontournable des musiques migrantes à Bruxelles. Du moins, on l’espère !
Interview (par e-mail) et mise en forme : Philippe Delvosalle
bandeau : visuel de l'édition 2020 du festival - (c) illustration Caroline Vermeulen
festival BRuMM - Bruxelles musiques migrantes
4e édition : « Printemps des rituels »
Du jeudi 12 mars au dimanche 22 mars 2020
Centre bruxellois d'action interculturelle (CBAI) / Centre culturel La Villa (Ganshoren) / PointCulture Bruxelles / Maison de la création (site Neder-Over-Heembeek) / Centre culturel Le Senghor (Etterbeek)