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Festival Cosmos : les univers foisonnants des littératures jeunesse

Cosmos festival 2016 - banniere 1600
Interview fleuve – mais ô combien vivante et vibrante – avec Sophie Baudry et Anaïs Félix, dynamiques fondatrices et infatigables chevilles ouvrières du premier vrai festival des littératures jeunesse de Bruxelles. Rendez-vous à Schaerbeek tout début mai !

Sommaire

Cosmos - Sophie et Anais.jpg

- Pouvez-vous vous présenter personnellement l’une et l’autre, puis nous raconter comment vous vous êtes rencontrées autour du projet commun de ce qui allait devenir le Cosmos festival ?

- Sophie Baudry : Je suis libraire depuis une quinzaine d’années, spécialisée en bande dessinée et en littérature jeunesse. Et, à côté de ça, je suis aussi mère de famille…

- Anaïs Félix : … et tellement plus que ça !

- S. B. : Je parle de ça parce que j’ai trois enfants – dont un « minus » – et que j’ai l’impression que toutes ces identités se mélangent : libraire, maman et créatrice du Cosmos festival.

- Vous êtes encore libraire actuellement ou vous avez dû mettre cette activité entre parenthèses pour organiser le festival ?

- S. B. : Non, effectivement, pour le moment je n’ai plus de contrat de libraire.

- Mais vous vous considérez encore comme libraire ?

- S. B. : C’est une vraie question. Je crois qu’on est vraiment libraire lorsqu’on travaille en librairie et dans notre projet de festival des littératures jeunesse, c’est parfois un peu difficile de ne pas être sur le terrain tout le temps, ne serait-ce que pour voir les sorties de livres au quotidien. Finalement, même si on est encore actives dans le secteur du livre, notre vision est un peu différente, avec un peu de recul… Peut-être un peu le même type de recul que celui des bibliothécaires qui voient arriver les sorties un peu en décalage…

La frustration de vraies rencontres enfants/auteurs

Mais, pour en revenir au germe du projet qui allait devenir le Cosmos festival, une collègue de l’époque, Évelyne Haenecour, qui travaillait en jeunesse (alors que moi je travaillais plutôt en BD) a fait le constat que, dans notre travail de libraires, on était un peu frustrées parce qu’on organisait des rencontres avec des auteurs mais qu’on se rendait compte qu’au quotidien on n’avait jamais le temps de toucher les vraies personnes concernées et de les mettre ensemble en fabricant des liens et de vraies connexions : les enfants et les auteurs. On avait envie d’organiser un évènement qui permettrait de tisser ce type de relations. On a commencé à travailler là-dessus et c’est là qu’est arrivée Anaïs, qui était aussi une collègue en librairie…

- A. F. : Moi, j’ai fait des études de communication avec une spécialisation socio-culturelle à l’Ihecs et, pendant toutes mes études, mon job étudiant consistait à travailler le dimanche en librairie. Souvent avec Sophie en BD – même si j’ai aussi travaillé au sein de tous les autres rayons. Puis, quand j’ai fini mes études et que je cherchais à travailler dans le socio-culturel, j’ai entendu parler du projet d’Évelyne et Sophie. J’ai proposé de les aider, juste avant de partir en voyage pendant trois mois. En y réfléchissant, je me suis dit que ça collait tellement à ce que je voulais faire, à ce que j’aimais, à tous mes petits domaines de compétences que j’étais en train de mettre en place, que je les ai recontactées en disant que je voulais vraiment les aider. À mon retour, trois mois plus tard, on s’est vues à trois pour travailler sur le projet. La mayonnaise a bien pris et je suis restée dans l’équipe. On a créé l’asbl, lancé les démarches administratives… En cours de route, Évelyne a dû se retirer du projet pour commencer un nouveau boulot dans l’édition, à l’École des Loisirs, et on est restées, Sophie et moi, aux commandes du navire…

- S. B. : Par notre activité de libraires, Évelyne et moi avions une bonne connaissance du monde du livre mais, par contre, au niveau de l’organisation, de la gestion, etc., on n’avait pas les outils et Anaïs nous a beaucoup aidées. Sans elle, on aurait mis dix ans à monter ce festival !

- À propos de « monter le festival », vous n’avez pas du tout attendu d’être sûres de recevoir des subventions pour lancer le festival. Vous n’êtes pas restées les bras croisés, vous êtes allées de l’avant en lançant une campagne de financement participatif qui a aussi été le premier moment où le public a entendu parler de votre projet… Dans quel esprit, selon quelle stratégie avez-vous entrepris cette démarche ?

- S. B. : Ça s’est fait assez naturellement. Pour demander les subsides, il fallait de toute façon commencer à travailler pour pouvoir mettre sur la table un projet cohérent, bien pensé, viable et témoignant d’une vision.

- A. F. : À cette époque-là, ce qui a été important pour nous, c’est la crédibilité dont nous bénéficiions auprès des auteurs et des maisons d’édition, grâce aux contacts d’Évelyne et Sophie. Beaucoup nous ont soutenues très tôt. On arrivait devant les instances publiques avec un projet « sorti de nulle part » mais bénéficiant du soutien du secteur.

Ancrées à Schaerbeek

- S. B. : On savait que si on obtenait des subsides, ceux-ci correspondraient à toute la partie culturelle de la programmation, aux rencontres avec les auteurs, etc., mais un des gros morceaux du montage du projet, ça a été de trouver un lieu. On a mis vraiment longtemps à le trouver. On tenait à être ancrées à Schaerbeek, parce qu’on aime cette commune, mais aussi parce que c’est une commune très jeune mais où ce type d’événements n’existe pas encore et où il n’y a pas beaucoup de propositions culturelles pour les jeunes. On a beaucoup travaillé avec la Commune de Schaerbeek mais celle-ci n’avait pas de lieu à nous proposer. Ça a donc été un gros morceau, difficile à trouver… et à financer ! D’où la campagne de financement participatif.

Puis, cette campagne est aussi devenue un outil de communication pour créer un réseau et une communauté de gens qui nous suivent. C’était à la fois lourd à porter et très chouette : cela nous renvoyait un vrai retour par rapport au projet sur lequel on travaillait déjà depuis longtemps entre nous.

- À ce moment-là, vous y travailliez depuis combien de temps ?

- A. F. : Depuis un an et demi !

- Donc, au total, entre le début de votre travail et ce qui va se concrétiser début mai 2019, deux ans se seront écoulés ?

- A.F. et S. B. (à l’unisson) : Oui, tout à fait !

Le monde en expansion des littératures jeunesse

- Sur la page de cette campagne de financement figure une belle explication du nom du festival. Pouvez-vous un peu revenir sur le choix de ce nom ?

Pourquoi le Cosmos ? Parce que les livres et la jeunesse sont deux univers en expansion aux dimensions infinies avec des tas de recoins insoupçonnés. — page de crowdfunding du festival Cosmos

- S. B. : Le processus du choix du nom a été long.

- A. F. : Le nom traduit l’ADN du festival : s’adresse aux jeunes, des tout petits qui ne savent pas encore lire…, de zéro an aux ados et jeunes adultes. Le nom devait parler à tous ces publics. Un mot qui plaise à la fois aux enfants et à leurs parents et aux ados, ça n’appartient pas toujours à un même lexique partagé. L’autre enjeu, c’était de garder la porte ouverte à un festival bruxellois qui s’ouvrirait aux autres langues, qui proposerait à terme une programmation bilingue, trilingue… – voire plus. Et donc, trouver un mot qui fonctionne aussi au-delà du français…

- S. B. : Franchement, le nom c’est ce qui participe le plus à l’identité de l’événement mais c’est la pièce du puzzle qu’on a trouvée en dernier lieu ! Ça a été chaud…

- Mais le nom est beau, en tout cas !

- S. B. : Il est à la fois beau et super ouvert. Le cosmos, c’est l’infini, ça correspond à pas mal de choses qu’on veut inclure dans le festival au niveau de la littérature. C’est le festival des littératures jeunesse parce qu’on n’a pas envie de se mettre de limites. On n’a pas envie de s’arrêter au système solaire ! (rires) On a envie d’explorer toutes les pistes narratives possibles et de ne pas s’arrêter à la contrainte de l’objet livre qui, pour pas mal d’enfants, peut représenter une vraie difficulté. On veut leur permettre de rentrer dans la lecture et la narration de manière ouverte, facile… Et donc infinie… (rires)

- Ma question suivante tournait effectivement autour de ce pluriel des littératures jeunesse et à cette multiplication des formes possibles. Autour de cette non hiérarchisation, aussi…

- S. B. : Dans le boulot quotidien de libraire BD, on se retrouve encore face à des parents et grands-parents qui viennent chercher « un vrai livre »… On propose une bande dessinée et ils refusent, demandant « un vrai livre » ! Pardon, mais cette chose, cet objet que je vous propose comporte des pages, de l’écriture… – ou pas, d’ailleurs… – mais ça raconte une histoire. Au quotidien, c’est hyper frustrant de voir devant nous des enfants dont on devine qu’ils vont se retrouver en difficulté face à un livre avec juste des pages de texte. Le pluriel des littératures jeunesse, ça implique de reloger tout le monde à la même enseigne – et même, de sortir du livre !

Pluralité des histoires racontées et des narrations

- Ça me fait penser au titre d’une de vos tables rondes ou d’ateliers : « On sait lire mais laissez-nous lire des images ». Aussi une belle formule…

- S. B. : J’aurais même envie d’aller plus loin : « On sait lire mais laissez-nous lire des images… et continuez à nous raconter des histoires ! ». Pour certains enfants, lire reste assez longtemps (jusque 7, 8, 9 ou 10 ans) un exercice, une activité compliquée à laquelle le cerveau ne prend pas nécessairement plaisir, ne comprenant pas en direct ce qu’il est en train de lire… Notre idée est de ne pas sauter ce plaisir d’écouter une histoire qu’on nous raconte, ni celui de se projeter dans les images qui accompagnent un texte.

- A. F. : Par rapport à cette pluralité des formes, ce qui m’amuse aujourd’hui c’est de voir comment on s’est retrouvées face à une volonté qui a pris de plus en plus de place ! Au début, on voulait ouvrir au niveau des différents objets papier : mélanger tous les types de littératures – la BD, les albums illustrés, les romans, la presse, etc. – et les remettre sur un pied d’égalité. Puis, sur base de cette impulsion-là, on s’est retrouvées à intégrer de plus en plus de médiums narratifs : des spectacles, des concerts, des ateliers, etc. pour revenir au plaisir de raconter et d’écouter des histoires et de proposer plein de portes d’entrées possibles.

Le livre : objet sacré, objet magique ou « meilleur ennemi » ?

- S. B. : On essaye de désacraliser cet objet. C’est un objet magique mais le livre peut aussi être le « meilleur ennemi » de beaucoup d’enfants. On lui laisse son côté magique mais on lui enlève une part de son côté sacré, cette idée selon laquelle il n’y aurait que le livre qui compte.

- Une question, autour de laquelle on a déjà tourné dans la conversation et que vous avez évoquée dès votre première réponse, concerne le lien direct entre les auteurs et les enfants – et non juste entre les auteurs et les parents et grands-parents. Comment faire pour y parvenir ?

- S. B. : On s’est beaucoup beaucoup posé cette question et, dans quelques semaines, on va voir si ça fonctionne réellement. Mais c’est aussi un fait que, jusqu’à un certain âge, avant l’adolescence, pour toucher un enfant il faut souvent passer par un adulte, les parents ou l’école.

- A. F. : Cette question, Sophie et Évelyne se la sont posée tout de suite, notamment par rapport au lieu : on cherchait un endroit capable d’accueillir trois espaces en fonction de trois classes d’âges et qui soient aménagés pour les enfants. C’était aussi une réaction par rapport aux salons habituels où beaucoup d’aspects (par exemple la hauteur des tables où sont présentés les livres mais aussi la taille générale – trop immense – de ces foires du livre) ne sont pas pensés pour les enfants. Nous voulons en priorité des espaces où les enfants soient à l’aise, bien installés…

- S. B. : On veut aussi leur proposer des choses qui aient du sens pour eux. A priori, pas des séances de dédicaces ! Pour un enfant, faire la queue pour avoir une dédicace, sans avoir vraiment pu parler à l’auteur, ça n’a pas de sens. On veut par contre qu’il y ait de vraies rencontres. On a pensé le lieu et les activités dans ce sens-là. Mais, on va voir si la sauce prend et si les enfants seront au rendez-vous. Ça sera la grande surprise… mais on aura tout fait et tout pensé pour essayer que ces rencontres aient lieu.

Pas une Foire, ni un Salon

- Le festival Cosmos n’est pas une foire mais il y aura quand même moyen d’acheter des livres ?

- S. B. : Cosmos n’est pas un salon d’éditeurs. On travaille avec les maisons d’édition mais, chez nous, ce n’est pas celui qui a le plus d’argent qui a le plus grand espace. On voulait choisir ensemble les auteurs et les livres mis en avant, plus en travaillant avec eux qu’en louant des stands. Mais il y aura deux chouettes librairies – Le Rat conteur et Am stram gram – qui proposeront une sélection de livres, qui mettra bien sûr en avant les auteurs et les thématiques liés à la programmation. Il n’y aura pas de « têtes de gondole » comme dans les librairies ou les supermarchés et, dès lors, on espère voir mis en avant des bouquins qu’on ne voit pas d’habitude, qui passent un peu inaperçus.

- Votre programmation et la liste de vos invités – belges francophones, flamands, étrangers – sont impressionnantes. Visiblement, votre projet parle au milieu de la littérature jeunesse, vous avez fédéré un milieu autour de vous…

- S. B. : On a passé beaucoup de temps à monter le projet et la programmation, c’est un peu comme si elle nous était « tombée dessus » – dans le bon sens du terme. Il ne nous restait pas énormément de temps et presque tout le monde a répondu présent !

- Il y a aussi des gens qui viennent vers vous, que vous ne contactez pas mais qui vous contactent ?

- S. B. : Oui, oui. Il y a une autrice géniale qui s’appelle Sarah Cheveau qui travaille entre autres avec le collectif Cuistax mais qu’on ne connaissait pas personnellement. Là, elle sort trois livres, elle est venue nous les présenter… et ils sont incroyables !

- Et Emmanuel Guibert est le parrain du festival ! Vous pouvez en dire quelques mots ?

- S. B. : Je crois que c’est un de mes auteurs préférés ! Je travaille en BD depuis vraiment longtemps et je crois que c’est un très grand auteur et dessinateur (parce qu’il fait les deux) et un des meilleurs raconteurs d’histoires qui soit. Et comme nous voulons tourner autour des histoires et de la narration, c’était le parrain parfait ! Et il sait raconter les histoires de plein de manières différentes et à plein de personnes différentes. Ce qu’il fait pour les adultes me touche au plus haut point ; puis ce qu’il fait pour les enfants (Ariol, par exemple) est aussi une sorte d’évidence. Je ne sais pas s’il y a beaucoup de gamins, de quelque milieu que ce soit, à qui on met Ariol entre les mains et à qui ça ne parle pas… Ariol, on peut le lire dans sa tête, on peut le lire à voix haute, on peut être un adulte, on peut être un enfant, on se marre ! Humainement, Emmanuel Guibert c’est aussi beaucoup de générosité et de gentillesse. On va le recevoir et il va aussi jouer son spectacle, raconter ses histoires d’Ariol avec sa guitare. Je crois qu’il incarne très bien l’esprit qu’on veut donner au festival. Une simplicité, une évidence, des histoires, des enfants qui s’amusent… ET un petit plus qui s’y rajoute.

L’avocat du diable

- L’espace d’une question, je vais me faire « l’avocat du diable ». Je suis convaincu qu’il y a des choses splendides qui se font en littérature jeunesse mais je pense que malheureusement ce n’est pas accessible à toutes les couches de la population. Le livre est cher pour beaucoup de familles puis, au niveau symbolique ou des pratiques culturelles, offrir un livre plutôt que de mettre l’enfant devant la télévision ou une console de jeux, ce n’est pas un acte évident pour tous les parents. Vous avez dû y être confrontées en tant que libraires. Comment avez-vous pensé à ces éléments dans la mise en place de votre festival ?

- A. F. : On y a pensé par rapport à plusieurs éléments de son organisation. D’abord, par rapport à sa localisation, en s’attachant à être à Schaerbeek, une commune très mixte au niveau social. Mais aussi au niveau de la programmation, en s’ouvrant à d’autres histoires, au-delà de cet « objet sacré » que peut être le livre. Peut-être que des parents et enfants qui ne viendraient pas à une rencontre avec un auteur viendront à un spectacle ou un concert et, de façon détournée, auront un contact avec le livre. On essaye aussi de faire venir les écoles du quartier à la journée scolaire du vendredi, et on espère que certains de ces enfants-là reviendront avec leurs parents le samedi ou le dimanche. Mais, c’est un challenge, c’est vrai.

- S. B. : Grâce à la Fédération Wallonie-Bruxelles et en partenariat avec les bibliothèques de Schaerbeek, on peut se permettre d’inviter des auteurs pour la journée scolaire du vendredi et d’offrir des spectacles gratuitement. Pour ces activités du vendredi, on donne la priorité aux enfants du quartier. Au cours du week-end, il y aura aussi une série de rencontres ou d’ateliers qui seront à « prix libre », pour que l’argent ne soit pas un frein.

Stéréotypes, ornières et outils pour en sortir

- Pouvez-vous donner, l’une et l’autre, un coup de cœur au sein de la programmation du festival. J’imagine que vous aimez tout ce que vous proposez et qu’il est très compliqué de choisir, mais si vous pouviez pointer une proposition, peut-être un rien plus fragile ou difficile, qui risque éventuellement d’avoir un rien plus de mal à trouver son public ?

- A. F. : La rencontre avec Fabien Vehlmann autour des stéréotypes de genres. Notre asbl a un autre projet, lié celui-ci à la commission Alter Égales. C’est un projet pour travailler avec les maisons d’édition et les auteurs, en amont de la production des livres, sur les représentations des publics discriminés (sur base du genre, de la race, de la sexualité, d’un handicap, etc.). Il y a encore pas mal de stéréotypes qui sont véhiculés dans les littératures jeunesse et qui ont des impacts sur l’imaginaire des enfants et sur la façon dont les relations sociales se mettent en place par la suite. C’est un enjeu important. Beaucoup d’éditeurs et d’auteurs en sont conscients mais ne savent pas toujours comment travailler ce problème. On est soutenues pour développer des outils pédagogiques à destination des éditeurs et auteurs qui sont intéressés par le fait de produire des livres différents.

Il y aura une rencontre – voire deux – sur ce thème au cours du festival. Fabien Vehlmann, de la série Seuls, va faire en direct l’exercice qu’on aimerait bien que tous les auteurs qui vont prochainement être touchés par nos outils pédagogiques fassent eux aussi : passer leurs propres histoires au crible des représentations véhiculées. Ça se passera avec bienveillance mais il y a peut-être déjà moyen de se rendre compte qu’il y a moyen de raconter les choses différemment à l’avenir.

Ça va ouvrir le champ des histoires. C’est ça l’enjeu : ces stéréotypes sont plutôt des freins à la créativité parce qu’ils sont inconscients et poussent dès lors à la répétition de schémas – psychologiques et autres – préétablis. Sans s’en rendre compte, on se limite dans la narration. Le message de ce projet, c’est d’ouvrir le champ des histoires qu’on peut raconter – et qu’en plus, celles-ci aient un impact positif. Il ne s’agit pas de pointer du doigt ce qu’on ne peut plus dire. C’est une ouverture. Pas une fermeture. — Anaïs Félix

- S. B. : il y a aussi pas mal d’auteurs aujourd’hui qui s’insurgent contre le fait qu'ils ne pourraient « plus rien dire »… Mais la démarche n’est pas celle-là. On ne veut pas rentrer dans le processus de création des artistes mais les inviter à mettre par exemple des « lunettes de genres » sur le nez cinq minutes, pour qu’ils voient apparaître des schémas usés qui limitent leur créativité.

- Ce projet va durer au-delà de l’édition 2019 du festival ?

- A. F. : Oui, on va continuer à travailler sur ce projet pendant l’été. Les outils seront clôturés en septembre et diffusés en octobre.

- Vous allez construire ces outils avec le secteur, comme vous avez construit votre festival avec celui-ci ?

- A. F. : Oui, en amont de la réalisation des outils pédagogiques à proprement parler, on va travailler pendant quatre mois en dialogue avec les auteurs et les maisons d’édition pour être sûres qu’on est bien sur des questions qu’ils se posent et des enjeux et mécanismes vraiment liés à leur travail. N’étant ni autrice ni éditrice, je ne connais pas tous les rouages de leurs métiers. À partir des questions pointées, de ces nœuds, on va réfléchir aux meilleurs outils : une formation ou une vidéo ou un outil papier, etc. Ce n’est pas prédéfini.

Rien à envier à la littérature pour adultes

- Et vous, Sophie, vous avez aussi un coup de cœur à souligner au sein de la programmation ?

- S. B. : Oui ! Une rencontre qui aura lieu le samedi autour de la collection Polynies qui est une collection de romans créée par les éditions MeMo, une très belle maison d’édition nantaise qui, généralement, publie plutôt des albums très graphiques. Ils rééditent des choses anciennes magnifiques mais ils ont aussi des collections plus contemporaines. Chloé Mary, qui était auparavant éditrice des romans à l’École des Loisirs, a créé cette triple collection – Petite Polynie / Polynie / Grande Polynie – qui explore tout le spectre de la littérature, des plus jeunes aux grands ados (voire aux adultes). Les objets sont très beaux – ce qui n’est pas étonnant par rapport aux standards de MeMo – mais la langue, le style et la narration ne sont pas en reste.

On voulait d’abord axer la rencontre sur le métier d’éditrice mais Chloé Mary a voulu inviter trois auteurs de la collection. C’est peut-être une rencontre plus classique que la plupart de nos autres propositions, une rencontre littéraire plus classique, mais je voulais aussi que ça ait sa place. La littérature – au sens où on entend généralement la littérature – jeunesse peut être de très grande qualité. Vraiment ! Elle n’a pas à rougir face à la littérature pour adultes.

- Une dernière chose à rajouter ?

A. F. : Je voudrais citer Tiffanie Vande Ghinste avec qui on travaille depuis le début du projet pour l’illustration et l’identité visuelle. C’est une jeune autrice bruxelloise qui a publié son premier livre, Dryades, à la Boite à Bulles. Ce qu’elle fait est magnifique et on est très très contentes de travailler avec elle !

Interview et retranscription : Philippe Delvosalle
Mars 2019

Illustration de bandeau : Tiffanie Vande Ghinste


Festival Cosmos 2019

Vendredi 3 mai (journée scolaire)
+ samedi 4 mai et dimanche 5 mai

Area 42
46 rue des Palais
1030 Schaerbeek



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