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Elles tournent | Un festival de cinéma qui met les femmes à l'honneur

festival Elles tournent 2022 - sélection de quatre films
Du 17 au 23 mai se tient à Bruxelles (et à Liège) le festival Elles tournent. L'occasion de voir des films de fiction et documentaires réalisés par des femmes venant du monde entier, de l'Afghanistan à la Chine, de l'Inde à la Turquie. Une sélection de quelques projections au sein de l'alléchant programme du festival.

Sommaire

Palma d’Alexe Poukine – France – 2020 – 40'

Fantasmes pour la plupart, la maternité lève quantité d’images. Alexe Poukine nous en inspire une autre, celle de l’ile. Dans Palma, elle est Jeanne, mère mal en point en séjour à Majorque avec sa fille Vanya (Lua Michel). Ce voyage improvisé rejoint en quelque sorte une nécessité : photographier Kiki, la mascotte de la classe. La tradition veut que chaque week-end, la peluche soit confiée à un élève et l’accompagne dans ses diverses activités. Fêtes, balades en poney et goûters mirobolants sont au menu de ces glorieux instants épinglés et compilés dans un carnet à la saveur des publicités d’antan passées au filtre d’Instagram. Sournoisement cette anthologie de la vie parfaite est là pour rappeler à chaque parent quels sont ses devoirs en terme de statut social et d’image. A ceux qui n’ont pas les moyens de l’illusion reste la honte ou la surenchère.

Majorque, c’est donc histoire d’en jeter plein la vue. Et par un effet miroir qui se construit tout seul, l’envers du décor touristique rejoint l’envers de la mère. Au vacarme des rues sales, des immeubles plantés n’importe comment et des routes inhospitalières répond le réel d’une mère comme perdue face aux attentes supposées de sa fille – ou de la société ?

Après le poignant Sans frapper faisant du récit d’un viol le point aveugle d’une représentation diffractée, Alexe Poukine esquisse un mouvement inverse en concentrant sur le visage-écran de Jeanne bon nombre de figures maternelles qui se reconnaîtront en cette mère suffisamment bonne – merci Winnicott – ni sainte ni marâtre. Pour cette fiction aux dialogues improvisés, la cinéaste venue du documentaire reste fidèle à une démarche prenant appui sur son propre désarroi. Sans frapper tournait autour de la zone grise des rapports sexuels, Palma creuse le sillon émancipateur d’une gêne qui croise l’intime et le politique. Sans ennemis désignés, mélancolique et débordant d’autodérision, Alexe Poukine est un regard singulier qui trouve son élément dans une hostilité brumeuse et poisseuse dont les corps, ceux des femmes souvent, peinent à se dégager, et dans laquelle il leur arrive de s'enfoncer. (CDP)

Projection : jeudi 19/05 à 19h15, Vendôme, dans le cadre d'une séance de courts-métrages : Elles avancent


Mama de Li Dongmei – Chine – 2020 – 132’

Quelque part dans le centre de la Chine, dans un village perdu dans la nature, la jeune Xiaoxian âgée de 12 ans observe le monde qui l’entoure durant sept jours de l’été 1992 : les travaux dans les champs qu’effectuent ses grands-parents et sa famille, le trajet pour aller à l’école par une petite route serpentant entre les collines, ses trois sœurs dont la plus petite a été adoptée par un jeune couple, le magasin qui vend de tout dans le village, et puis sa mère, enceinte et presque à terme. Son père est parti travailler à la ville et est absent pour de longues périodes. La vie est rude dans ces campagnes où le temps s’est arrêté : il y a bien le téléphone, mais les rues ne sont pas éclairées la nuit et les maisons traditionnelles possèdent à peine une ou deux ampoules nues.

Souhaitant exorciser un traumatisme d’enfance, la réalisatrice chinoise Li Dongmei avait comme projet de filmer un documentaire autobiographique mais beaucoup de membres de sa famille et les gens du village plus âgés étaient décédés depuis. Elle s’est alors tournée vers la fiction et chaque acteur ou actrice (des locaux sans expérience en cinéma) a apporté une nouvelle dimension à l’histoire. Le rythme est lent, mais il correspond aux souvenir de la petite Dongmei.

La réalisatrice utilise une succession d’images pour la plupart statiques, très souvent panoramiques et ressemblant à des photos, suivant l’action de loin ou de plus près, mais jamais en gros plan. Elle filme superbement la nature et la campagne, faisant penser à Suzaku de Naomi Kawase, et rythme son récit par des scènes de la famille qui mange. Les sept jours se succèdent de manière assez contemplative mais à un moment, les événements s’accélèrent. Aucune musique n’accompagne les images mais le film n’est pas silencieux pour autant. Les sons de la vie quotidienne et de la nature – les cigales qui chantent, les oiseaux qui pépient, les feuilles des arbres qui bruissent avec le vent – sont très présents et donnent l’impression au spectateur de se trouver sur place. (ASDS)

Projection : samedi 21/05 à 13h30, Vendôme


Queen Lear de Pelin Esmer – Turquie – 2019

On avait découvert les films de l’anthropologue et réalisatrice turque Pelin Esmer (° Istanbul, 1972) via une rétrospective en ligne qui lui était consacrée sur la plateforme cinéphile MUBI. On avait particulièrement apprécié sa fiction Something Useful [Ise Yarar Bir Sey, 2017], superbe rencontre de deux femmes lors d’un trajet en train, et déjà le documentaire The Play [Oyun, 2005] consacrée à neuf femmes d’un village du Sud de la Turquie qui décident de monter une pièce de théâtre inspirée de leurs expériences de vie. Une quinzaine d’années plus tard, la cinéaste en retrouve cinq d’entre elles et, sous un soleil de plomb qui sature les contrastes de l’image, filme Behiye, Cennet, fatma, Ümmü et Zeynep se frottant au Roi Lear de Shakespeare, cette fois en version road movie via une tournée de leur troupe, entre minibus au bord des ravins des routes de montagnes, répétitions à la mer ou dans un théâtre antique et représentations sur les places de villages ou les cours d’écoles. Ponctué par la Passacaglia della vita de Stefano Landi (1587-1639), Queen Lear est un film sur les choix de vie qui changent les destins trop clairement tracés, sur la liberté acquise mais aussi sur les conditions de vie dans la Turquie rurale (« Le paysan est le maître de la Nation » proclame un panneau à l’entrée d’un village). Et aussi bien sûr un film sur la magie du spectacle vivant. Le Shakespeare des Arslanköy Acting Women est un Shakespeare revisité et réapproprié, « turquicisé » et féminisé (cf. son titre : « On pensait qu’un homme devait jouer le Roi mais notre metteur-en-scène m’a choisie, moi. Alors, je serai le Roi. »). Un Shakespeare pauvre, presque sans décors ni costumes, mais un Shakespeare vivant. Un Shakespeare de proximité qui « donne la banane » aux spectatrices et spectateurs. Le théâtre comme une fête. (PD)


Projection : samedi 21/05 à 14h, Vendôme


Shut Up Sona de Deepti Gupta – Inde – 2019 – 84’

Sona Mohapatra est une artiste indienne, interprétant des chansons de Bollywood et de la pop souvent basée sur des airs et textes traditionnels. Elle n’a pas sa langue dans sa poche et n’a aucune crainte de montrer ses épaules dénudées ou un décolleté plongeant. Ceci n’est évidemment pas apprécié par les conservateurs, religieux ou non. La réalisatrice Deepti Gupta l’a suivie pendant trois ans et a tourné ce documentaire qui met le doigt sur la misogynie de la société indienne.

L’artiste se bat pour que les festivals de musique présentent plus de femmes à l’affiche, qu’elles puissent jouer sur la scène principale, autant de temps que les hommes. Elle revendique le droit de porter les vêtements qu’elle veut sur scène et dans ses clips. A un moment, elle est accusée par une confrérie soufie d’interpréter un texte sacré alors qu’elle porte des vêtements qui révèlent ses épaules. La question a fait scandale en Inde et les débats ont été très animés, sans que Sona ne baisse la voix. Voix qui est d’ailleurs superbe dans ses chansons.

Elle n’est pas à court d’arguments, et pour étoffer ceux-ci, elle tente de déconstruire la tradition. Elle visite le fort de Chittorgarh au Rajasthan où a vécu Mira Bai. Cette poétesse et chanteuse mystique n’était pas juste dévouée et soumise à Krishna. Elle était une femme libre et rebelle mais ces écrits-là ont relégués aux oubliettes. Elle entre aussi en conversation avec des chanteurs soufis qui exercent au sanctuaire qui héberge la tombe d’Amir Khusrau (poète et fondateur du qawwali) à New Delhi. Les chants mystiques sont effet réservés aux hommes – une femme ne se donne pas en spectacle – alors que Sona les a étudiés et les interprète avec talent.

Deepti Gupta réalise avec Shut Up Sona un passionnant portrait d’une artiste engagée qui lutte contre une société encore très misogyne et ancrée dans de vieilles idées qui limitent les rôles des femmes. (ASDS)

Projection : samedi 21/05 à 17h, Vendôme


Afghanistan : Unveiling A Never Ending Tale de Diana Saqeb Jamal – Afghanistan – 2017 - 52'

Kaboul, capitale tentaculaire de l’Afghanistan sise à l’ombre de montagnes sèches, année 2016. La ville vit depuis 2002 et la fuite des Talibans sous l’autorité d’un régime « démocratique » où des femmes occupent pour la première fois des fonctions politiques officielles d’importance. Chez eux/elles, dans leur bureau, leur bibliothèque, ou à l’arrière de véhicules sillonnant une cité à la fois grouillante de vie et balafrée par des décennies de guerres et de conflits, la réalisatrice interroge un panel de scientifiques, chercheurs, politiques, un poète, un écrivain, un cinéaste, et un photographe (et Pulitzer 2012). Des femmes et des hommes qui s’expriment à propos de leur ville vieille de plus de 2000 ans et de la société au sein de laquelle elles et ils vivent, et sur les changements intervenus depuis 14 ans… Certains évoquent parfois un passé perçu comme plus heureux – même sous la férule d’un dictateur « éclairé » – mais c’est surtout le constat (nuancé) d’une société isolée, écartelée entre fondamentalisme religieux, pauvreté endémique, aggravée par les guerres et occupations successives, et une organisation d’état complexe reposant sur des structures claniques et patriarcales qui ne font que peu de cas des femmes (dont le taux d’illettrisme est l’un des plus élevés du monde ), et n'accordent aucune place la culture qui ne se transmet que peu ou plus. Les violences faites aux femmes atteignent ici des sommets bien qu’elle reste largement inaudible et indicible. Mais, point positif, , en 2016, dans la capitale afghane la presse jouit d’une liberté de ton jamais connue auparavant et on peut entendre des concerts de musiques mixtes au détour d’un parc. Hélas, comme prophétisées par les quelques images d’archives de combats et de Talibans qui parsèment le film, les intervenants redoutent ou minimisent un retour des fondamentalistes à Kaboul… On aurait aimé, en 2021-2 – pouvoir abonder dans leur sens. (YH)

Afghanistan : Unveiling A Never Ending Tale

Projection : dimanche 22/05 à 15h30, Vendôme


Agenda des projections

Festival Elles tournent, du 17 au 23 mai 2022 à Bruxelles et Liège

Retrouvez l'agenda complet ici, ainsi que la programmation en ligne.

Une sélection de Catherine De Poortere, Anne-Sophie De Sutter, Philippe Delvosalle, et Yannick Hustache