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Guedra Guedra, nomade tribal

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Le concept de « tribus », comme celui d’ « identité », est un concept à double-tranchant. Mal utilisé, il peut devenir un synonyme de fermeture, une opposition à « l’autre », un équivalent dangereux du nationalisme. Il peut aussi parler d’une origine et d’une culture partagée, d’un ensemble de traditions qui relie des régions diverses ; c’est cette ambiguïté qu’explore le musicien et producteur Abdellah M. Hassak avec son projet Guedra Guedra.

Le mot Guedra désigne à l’origine une marmite utilisée par les femmes nomades du désert pour la cuisine, mais aussi, renversé, comme instrument de percussion. Par extension, il désigne également les danses traditionnelles de ces femmes. Originaire de Casablanca, Abdellah M. Hassak dépasse allègrement le cadre de la musique marocaine pour aborder non seulement la musique du Maghreb mais également celle de l’Afrique Sub-Saharienne, et propulser ses sonorités, ses rythmes, ses modes, dans un environnement musical futuriste, technologique et électronique.

Très vite il s’éloigne de l’écueil touristique, consistant à parsemer une trame occidentale toute faite de quelques samples exotiques pour faire couleur locale. Il entame une réflexion sur le besoin d’inclure dans sa musique les gammes particulières, les rythmes traditionnels, au même titre que les timbres des instruments ou des voix. Pour cela il a choisi de ne pas se baser sur un détournement du matériel musical moderne, peu adapté à l’exercice, mais d’aller directement à la source, sur le terrain.

Plutôt que d’échantillonner des extraits de disques ou de banques de sons, il sillonne le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie, le Mali ou encore le Sénégal, et documente les chants, les musiques dans leur contexte d’origine. Il capte ces pratiques musicales dans leur environnement social, dans leur relation à la vie quotidienne, et non comme des événements isolés, sans signification. De ces fêtes de village africaines, de ces chants berbères ou de ces percussions Ewe ou Gnawa, il tire les base d’une musique hybride, à la fois documentation de traditions ancestrales, et vision d’un futur panafricain, traçant des liens entre le Nord de l’Afrique et le reste du continent, et les connectant à des styles contemporains, du dubstep au juke.

L’exploration de ces richesses, de cette diversité, et des multiples connexions entre les différentes traditions sont au centre de cette relecture du « tribalisme », en cherchant à le distancier des notions qui lui sont généralement accolées, comme la sauvagerie et la barbarie. Plus qu’une évocation, basée sur un travail de studio, son approche du terrain, à base de field-recording et de contact direct avec la réalité des gens, lui donne une emprise différente sur l’esthétique, le sens et l’imaginaire de chaque morceau. Elle y ajoute une vision du territoire, des peuples qui les habitent et de l’évolution organique de leurs cultures, et de leurs traditions communes, aujourd’hui séparées par des frontières artificielles.

Guedra Guedra poursuit sa démarche à travers plusieurs autres formats, depuis le dj-set jusqu’à l’installation, du travail d’archivage à l’atelier d’écriture musicale, et a publié deux excellents albums sur le label On the Corner, avec qui il partage la vision d’une forme de « field-recording électronique expérimental venu du futur ».

(Benoit Deuxant)

Guedra Guedra se produira au cinéma Nova le samedi 10 décembre, à partir de 23h, dans le cadre du festival Africa is/in the Future.

Sa discographie est disponible sur bandcamp.

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