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Histoires de labels (12) : XL Recordings

The White Stripes 1
Fondé en 1989 par le duo de mélomanes Tim Palmer et Nick Halkes, mais longtemps dirigé par le producteur Richard Russell, XL Recordings est un label indépendant originaire de Londres, devenu une véritable machine à hits à l'aube de la décennie 2000.

Sommaire

Prémices

Fort d’un recul de plus de trente ans, l’observateur mélomane ne peut en disconvenir : le tournant de la décennie 1990 a été marqué par deux évènements majeurs de l’histoire de la musique. D’abord, en 1989, année qui voit la création d’un label londonien baptisé de façon aussi prémonitoire que présomptueuse, un certain XL Recordings. C’est ainsi parés des oripeaux du succès, en annonciateurs d’une prophétie autoréalisatrice, que Tim Palmer et Nick Halkes se lancent dans l’industrie du disque. Enclins à exploiter le filon naissant du big beat, ramification de la dance dont les amateurs de rave parties sont particulièrement friands, les associés investissent, dès 1991, dans un projet qui fera le succès de l’entreprise pour les dix prochaines années : The Prodigy. Un nom de scène d’une modestie tout aussi relative – pourtant simple clin d’œil au synthétiseur du constructeur américain Moog – derrière lequel se produit le musicien Liam Howlett. Au hasard des rencontres, ce dernier s’entoure de plusieurs performeurs vocaux, tels que Keith Flint et Maxim, ainsi que du claviériste Leeroy Thornhill. Ensemble, ils font paraître Charly (1991), leur premier single sur XL Recordings, véritable tube au sein d’une scène rave alors en plein essor.

Si le label contribue à propulser des projets d’orientations diverses, à l’image du duo belge de techno, T99, du groupe de breakbeat hardcore, SL2, voire du producteur anglais de drum and bass, Jonny L, c’est bien la progressive mais non moins constante percée de The Prodigy qui lui assure d’ores et déjà un avenir pérenne. Seconde position du UK Singles Chart pour « Everybody in the Place » – battu d’une courte tête par une réédition de « Bohemian Rhapsody » suite à la mort de Freddy Mercury ! –, un debut album intitulé Experience, certifié platine et vendu à plus de 300 000 copies, jusqu’à une première place du UK Albums Chart pour Music for the Jilted Generation, et ce, dès 1994. C’est dans un tel contexte, pourtant favorable, que Nick Halkes quitte le navire pour prendre la tête du groupe EMI, en un jeu de chaises musicales qui profite à Richard Russell, nouveau copropriétaire d’XL Recordings. Tout en entretenant leur idylle avec The Prodigy par la parution de l’album The Fat of the Land (1997) – le dernier avec Leeroy Thornhill, qui met les voiles en 1999 –, les tauliers d’XL Recordings rapatrient un monument américain du rock garage : The White Stripes. Après un hommage appuyé à la mouvance instiguée par le plasticien Piet Mondrian avec un album aux accents blues, De Stijl (2000), ainsi qu’un retour à un rock and roll primaire à travers White Blood Cells (2001), disque qui met définitivement le groupe sur orbite, ce dernier traverse l’Atlantique et signe le désormais mythique Elephant (2003) sur XL Recordings.

Les choses en grand

La ligne de basse en or massif de « Seven Nation Army » – morceau qui constitue un véritable point de bascule dans la carrière de The White Stripes – confère soudainement à XL Recordings une envergure éléphantesque, de celles qui autorisent à frayer avec toutes les futures étoiles de l’industrie. Alors que ses nouveaux poulains U.S. n’en finissent plus de s’épanouir en se réconciliant avec le punk de leurs débuts (Get Behind Me Satan, 2005), le label met pourtant un point d’honneur à faire la lumière sur la scène britannique émergente. Loin de ne faire que surfer sur le succès de musiciens déjà accomplis, Richard Russell produit successivement deux talents féminins appelés à devenir des icônes de la pop UK, quoique dans des registres on ne peut plus opposés. L’une d’elles se fait appeler M.I.A, artiste peintre et cinéaste dont le passé de réfugiée politique se traduit sans ambages dans les textes de productions engagées telles que « Galang » et « Sunshowers », deux titres extraits d’un album baptisé du nom de code employé par son père lors de ses années d’activisme au nord du Sri Lanka, Arular (2005).

Un style franc, à la croisée du hip-hop et de l’electroclash, contrebalancé au sein d’XL Recordings par l’explosion planétaire d’un organe vocal d’une puissance sans commune mesure, celui d’une jeune femme, à peine majeure à l’époque, prénommée Adele. La success story de toute une carrière pour XL Recordings qui, à l’origine de l’éclosion de sa star avec un premier opus paru en 2008, récolte finalement les fruits d’une avalanche de records battus par le second, 21 (2010) : quatre Grammy Awards en 2011 pour l’album le plus vendu du XXIème siècle (plus de 31 000 000 de copies, de 2010 à aujourd’hui), lequel occupe toujours le Billboard 200 depuis plus de cinq-cents semaines consécutives, déjà davantage que des monstres sacrés tels que Thriller (1982) de Michael Jackson ou encore Back in Black (1980) d’AC/DC. Encore bien loin d’égaler Dark Side of the Moon (1973) des Pink Floyd, mais sur le point de rattraper un certain Nevermind (1991) de Nirvana…

Vers des publics de niche

Ces succès commerciaux convainquent des artistes confirmés de rejoindre, au moins pour un temps, le giron de Richard Russell. Après avoir signé son premier album solo chez XL en 2006, Tom Yorke persuade le reste de Radiohead de quitter Parlophone, leur maison de toujours, pour y produire leur septième LP, In Rainbows (2007). Dans le même esprit, l’auteur-compositeur américain Beck est accueilli à bras ouverts par la machine à hits londonienne après avoir quitté son ancien fief, Geffen Records. Un modèle économique peu viable à long terme – tant ce type de collaboration, ponctuel, n’a que rarement donné lieu à une relation durable – sans la propension nouvelle du label à faire émerger des projets au potentiel a priori moins lucratif, mais au public plus ciblé et dont la facture s’avère extrêmement moderne. Hormis les Vampire Weekend dont le son, employé dans maintes productions audiovisuelles d’envergure, semble provenir d’un autre temps – on pense bien sûr à leur titre « A-Punk » (2008) ! –, on ne compte plus les produits de niche qu’XL Recordings a propulsés, quitte à réussir l’exploit de les rendre bankables.

À commencer par le rappeur américain Tyler, The Creator, aux productions downtempo matinées d’évocations macabres, déclamées à travers un flow toujours plus proche du slam que du hip-hop (Goblin, 2011), véritable phénomène mis en exergue par le très chevronné Frank Ocean. D’autres initiatives produites par la suite illustrent à quel point le label s’est diversifié tout au long des années 2010 et suivantes, notamment King Krule (6 Feet Beneath the Moon, 2013), de son vrai nom Archy Ivan Marshall, multi-instrumentiste surdoué au croisement du punk, du jazz et du trip-hop, garnement doté d’une voix sans pareille et sans rapport avec son physique aussi fluet que juvénile. 2014 voit le label signer un des revivals soul/funk les plus aboutis de la décennie avec les très en jambes Jungle, collectif de musiciens anglais dont le premier album éponyme précède l’avènement d’un duo féminin français du nom d’Ibeyi, premier projet d’XL Recordings à franchir les frontières du monde anglophone.


Texte : Simon Delwart


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