Hommage – Vangelis in Heaven (3)
Sommaire
Après avoir quitté son studio Nemo, Vangelis va se partager entre Paris, Londres et Athènes. Espilon, son studio de Neuilly-sur-Seine, est incorporé à l’intérieur d’un cube de verre surplombant la ville. Ce sera l’endroit où il réalisera 1492, Conquest of Paradise et sera connu du public grâce à l’entretien réalisé avec Eve Ruggieri dans l’émission Musiques au cœur en 1992.
Durant ces trois décennies, il essaie de nouveaux synthétiseurs, de nouvelles boîtes à rythme et autre matériel de mixage et d’enregistrement afin de lui permettre de jouer et d’improviser en direct, et de créer en toute liberté. Mais la facilité d’utilisation permettra-elle plus de créativité ou au contraire l’entraînera-t-elle vers des musiques moins inspirées ?
Retour sur ses derniers albums studio, de 1988 à 2022…
1988 – Direct
Voici l’album qui marque une certaine rupture. En effet, après Londres et la période Nemo, Vangelis va s’installer à Athènes, dans un nouveau studio (Sound Studio). Exit RCA et Polydor, il passe sous le label Arista. Enfin, après la prépondérance du CS 80 dans ses albums précédents, Vangelis utilise plutôt des synthés tels que le Yamaha DX-7 et le Roland D-50.
Pour ce nouveau disque, Vangelis se sert d'un mémento numérique qui lui permet d’accéder aux sons qu’il souhaite utiliser en direct. Aussi demande-t-il aux concepteurs du Zyklus MPS de développer un système exclusivement pour lui, "Direct", qui a donné le nom à l’album.
Il peut donc enregistrer directement ses créations : à partir d’une idée de départ, il improvise tandis que tout ce dont il a besoin est à portée de main, rythmes, sons et effets sonores.
Cet album se rapporte à une façon de composer et non plus à un thème extérieur à son travail. Il sonne comme une compilation de morceaux différents, parfois délicats et magiques, parfois lourds et ennuyeux. Direct est essentiellement instrumental, à l’exception des vocalises grandiloquentes sur le titre « Glorianna» (il fera mieux plus tard avec Monserrat Caballe).
« The Motion of Stars » commence par rappeler les grands moments d’Albedo 0.39 : un morceau symphonique ambitieux dédié aux étoiles, déployant les effets électroniques et les spirales sonores du séquenceur et changeant de tempo, avec un moment plus serein au milieu du morceau.
« Metallic Rain » présente également des similitudes avec « Alpha » en 1976. Précédée d’une introduction raffinée et légère, cette pluie métallique se répand en ondée délicate, chaque gouttelette de la mélodie ricochant sur le sol avec grâce… jusqu’au martèlement de l’averse sonore, furieuse et revancharde.
Elsewhere » aurait pu figurer sur l’album China par ses tonalités et son atmosphère — une aubade d’une portée poétique qui inspirera et donnera son nom au principal site web dédié à Vangelis.
Alors qu’est-ce qui déroute à ce point l’auditeur ?
Sans doute l’utilisation plus importante des boîtes à rythme, qui, certes, dynamisent certains morceaux mais leur donnent aussi un côté pop peu original (« Dial Out », « Ave », « Rotation’s Logic »)
Le son y est plus synthétique et plus aseptisé, loin donc du son "humain" du CS-80 auquel il nous avait habitué depuis Heaven & Hell. Vangelis se sert de samples d’instruments réels, de harpe sur « The Oracle of Apollo », de violoncelle sur « First Approach ». Sans être désagréables, ils donnent une impression de déjà entendus, comme dans la ballade pop-rock « The Will of the Wind », où il choisit un son de shakuhachi synthétisé fort à la mode dans les années 1985-1990 (1).
Direct fait le lien entre les années 1980, marquées par les musiques de film qui lui donneront la gloire et les années 1990, moins généreuses en albums solos.
1990 – The City
Direct annonçait sur sa pochette série d’albums à la suite de celui-ci, privilégiant le jeu direct aux synthétiseurs et sans pré-programmation.
Au lieu de cette série qui n’a jamais vu le jour, il nous revient avec The City, une immersion de l’aube au crépuscule dans les rues et les boulevards d’une grande cité fantasmée, où les synthés ne tiennent plus la vedette pour jouer la mélodie mais contribuent à créer des ambiances à chaque fois différentes.
Première ambiance, à l’aube. L’intime « Dawn » se lève en douce. Après quatre notes de réveil au synthé-tubulaire, elle étire ses longues nappes au clavier, tandis qu’un son alangui rappelant Blade Runner improvise entre l’oreiller duveteux et la lumière du jour défiant les persiennes : les accords restent suspendus, en attente d’un accord parfait dans la tonalité du morceau (Sol majeur) et celui-ci n’apparaît que deux fois, au milieu du titre et à la fin, quand un regard se jette de la fenêtre pour écouter un quidam qui marche et déclare « La ville est ouverte ».
Vangelis a enregistré sa musique dans une chambre d’hôtel à Rome pendant le tournage de Lune de fiel. Et ce quidam, ce n’est autre que le réalisateur Roman Polanski accompagné d’Emmanuelle Seigner. Ils prêtent leur voix à cette rencontre intime avec la ville, des retrouvailles devant un kiosque de journaux au sein d’un environnement urbain peuplé de sons évocateurs. Dans « Morning Papers », Vangelis assume son flirt du côté de la muzak (synthé-flûte et carillon, bourdon d’église, timbres froids et voix de gare). Petit à petit le tempo se mue en tic-tac qui rappelle que le temps passe, le matin s’efface, en place pour la première heure de pointe.
La cité s’anime, les gens circulent, le travail s’organise, les automobiles envahissent les artères et le centre nerveux, « Nerve Center », est en effervescence. La musique y est trépidante et énergique, des riffs de guitares électriques au synthé martèlent le morceau, enrichis par un rythme complexe et quelques coups aux timbales.
Le thème de « Side Street » se veut plus délicat et saute d’un trottoir à l’autre sur une ligne musicale tendre au synthé-violoncelle. Sur un balancement quasi identique, l’improvisation portée par « Good to see you » utilise le CS80 et quelques sonorités de The Bounty, encore un titre chaleureux mais un peu passe-partout pour des contacts somme toute assez insignifiants (« Euh, non, je vais bien. — Ouais. Je n'ai aucune idée. — Ouais? — Ah... je t'aime »).
Et quand le soleil s’évanouit lentement, que l’obscurité attend patiemment les feux de la nuit, quand les passants désertent les avenues et que les sirènes se taisent, un air fluide, magique et gracile (« Twilight ») s’élève au son de la harpe, sous réverbe, d’un accompagnement minimaliste et mélancolique.
The City aurait pu s’arrêter avec « Twilight » mais Vangelis veut encore prolonger la nuit par la fête, sous les lumières artificielles, avec « Red Lights », ballade pop aux voix haut-perchées. Enfin, tous feux éteints, la ville s’endort et on en oublie le nom. Une « Procession » grandit lentement au synthé-violoncelle sur un rythme calme et, après un crescendo, s’endort en même temps que l’auditeur. Seul, le couple de quidams est là, dans la cité, pour une dernière fois : « — La ville est ouverte… — C’est beau, Roman, c’est beau… ! ».
1995 – Voices
Sortir un album solo après 1492, Conquest of Paradise (1992) et la version de Blade Runner en 1994 n’est pas chose aisée. On attendait donc Vangelis au tournant, en espérant qu’il sorte encore une énième musique de film avec un hymne éclatant destiné à devenir éternel.
Eh bien, non ! Déjouant toujours les attentes des fans de Chariots of Fire, il délivre un album concept orienté vers les voix.
Le titre « Voices » évoque bien sûr 1492…, comme s’il avait été prévu de l’insérer sur l’album mais que, par manque de place, on l’aurait remisé pour plus tard.
Sur un fond sonore aux synthés en boucles chromatiques, un chœur interpelle l’autre qui lui répond, tandis qu’un troisième scande vocalement un rythme martelé. Ça sonne comme un rite chamanique du Nouveau Monde ou comme un chant répétitif sur les galères anciennes. Il faut plus d’une minute pour découvrir un hymne accrocheur en partie musé, en partie avec des vocalises. Ce refrain répété quelques fois passe du Mi majeur au Sol majeur après une minute, un effet musical qui permet de redonner de l’élan et de l’ampleur. Une minute plus loin, il utilise cette montée d’une tierce mineure en accompagnant la mélodie d’un son de cornemuse au synthé et de roulements à la caisse claire (on peut aisément imaginer une marche écossaise à Édimbourg). Après une dernière élévation, le morceau culmine avec retentissement, en reprenant ça et là les sonorités qu’il a traversées.
Avec un hymne si resplendissant, il fallait souffler un peu. « Echoes » nous accorde une respiration apaisée, reprenant le thème mélodique au synthé-whistle, un son entre flûte et sifflement, et au piano électrique, relayé par un chœur sobre d’hommes. Et un peu plus loin, pour nous replacer l’air en tête, Vangelis y ajoute encore un post-scriptum cristallin, « P.S. ».
Le titre de l’album annonce bien qu’on entendra des voix mais on ne s’attendait pas à un disque de chansons — ce que Vangelis réservait plutôt dans ses collaborations avec Jon Anderson, Irène Papas ou autres Demis Roussos, Melina Mercouri, Peter Marsh,… Les trois interprètes mis en valeur sont, en cette année 1995, sous le label EastWest, comme l’album Voices et les albums de Vangelis depuis The City.
La première chanson, « Come to Me », met en valeur la belle voix envoûtante de Caroline Lavelle. Musicienne et interprète britannique, celle qui a joué du violoncelle auprès des plus grands noms d’Irlande et du Royaume-Uni (Cranberries, Pogues, Gilmour, Peter Gabriel, Radiohead, Muse) œuvre depuis plus de vingt-cinq ans en compagnie de Loreena McKennitt, en plus de ses propres albums studio, dans un rock alternatif décontracté et influencé par le folk. Les arrangements épurés et soyeux de Vangelis (harpe, flûte et petit carillon aux synthés) impriment une atmosphère magique à la voix d’alto veloutée qui appelle son amant secret malgré les langues acérées…
Autre chanson forte, « Ask the Mountains » est une pièce de huit minutes, singulière autant par ses arrangements très soignés que par la voix limpide et originale de Stina Nordenstam. Celle-ci vient de connaître le succès avec son deuxième album And She Closed Her Eyes… qui fait découvrir au monde sa voix susurrée, intimiste et lumineuse. C’est de cette même voix, frêle et éthérée, qu’elle confie son questionnement sur le bonheur aux sources, au soleil et aux montagnes. L’introduction côtoie la nature, les nuées et les sommets montagneux avant de muer en un downtempo vaporeux. La mélodie baigne dans une douce mélancolie, avec ce sentiment assumé de plaisir à l’écoute des sons magiques, purs et d’un éclat pareil à la lumière des sommets. Pour accentuer cet effet, le chant de Stina ricoche par petites touches détachées, dans le ton de Do mineur (pondéré à certains moments par un accord de Do majeur). (2)
Précédée d’un beau prélude au piano et aux synthés qui aurait pu intégrer la musique de Blade Runner, la troisième chanson, « Losing Sleep (Still My Heart) », est une ballade douloureuse chantée avec pudeur par Paul Young, qui reste dans le registre sentimental qui l’a rendu populaire mais, cette fois, avec une interprétation sobre et toute en retenue. La musique garde la même modération, laissant échapper quelques petits solos élégants au piano.
Et puis, alors que tout semble dit, l’amour recherché, le bonheur questionné et la peine achevée, Vangelis nous gratifie encore de deux instrumentaux apaisants, des « Messages » musés et hypnotiques, aux première notes rappelant celles d’Antarctica, et un rêve dans un espace ouvert (« Dream in an Open Space »), assez vaste pour contenir toutes les émotions et les songes inspirés par Voices…
Se pourrait-il que je sois juste un fou d'amour […] Si je savais tout ce qu'il y avait à apprendre… — Paul Young
1996 – Oceanic
Les bandes originales de film (The Bounty, Lune de fiel, 1492…) et des documentaires animaliers avec Frédéric Rossif, ainsi que sa collaboration avec Cousteau au début des années 1990, ont déjà donné l’occasion à Vangelis de marquer son intérêt pour la mer. Il ne manquait que l’album dédié à l’océan et à tout ce qui s’y rapporte.
Pour ce faire, le musicien grec peint neuf tableaux sonores que l’océan lui inspire, neuf morceaux qui s’interpénètrent et s’entrelacent amoureusement sans discontinuité.
« Bon voyage » sert d’introduction symphonique à cette traversée des mers, une musique ample, épique même, avec quelques roulements de vagues au synthé-harpe et un clin d’œil aux coureurs qui frôlent les vagues avec deux notes reproduisant le fameux intervalle en quinte (mais sur un autre ton) des Chariots de feu.
À peine a-t-on le temps de quitter le rivage que des voix enchanteresses émergent des fonds marins (« Siren’s Whispering »). Evángelos Odysséas Papathanassíou fait honneur à son patronyme avec ce chant de sirènes auquel Ulysse résista à son retour de Troie. À l’image de la pochette d’Oceanic, les vocalises de ces dames des abysses sont langoureuses et très kitches, ondulant sur un tempo chaloupé, souvenir du temps passé dans les films Footlight Parade et Million Dollar Mermaid.
On se laisse ensuite porter par une rêverie au piano, une courte mais agréable mélodie en arpèges improvisée sur une mer de synthés planants (« Dream of Surf »).
Mais le temps est venu de rentrer au bercail, en slalomant entre les courants contraires et les rochers : voilà peut-être la raison de cette longue introduction de plus de deux minutes, avant de se relaxer près du « Spanish Harbour », un chill-out assez dispensable au son d’une guitare électronique espagnolisante — les salons-bars d’Ibiza ne sont pas loin…
Pour les deux évocations suivantes, Vangelis utilise les séquenceurs.
Sur « Islands of the Orient », ceux-ci façonnent une ligne mélodique complexe qui donne une tonalité apaisante quasi hypnotique et sur laquelle peut se greffer la mélodie jouée au piano. Quelques boucles chromatiques à la harpe-synthé rappellent qu’on vogue d’îles en îles tandis que l’utilisation de sonorités pincées situe celles-ci en Orient.
Une technique semblable est utilisée sur « Fields of Coral » : le séquenceur propose une tonalité sur laquelle le musicien livre sa musique. Ici, les arpèges possèdent un son sourd qui convient parfaitement aux fonds marins. La mélodie y est magique et pourtant minimaliste — quatre phrases musicales de quatre notes puis deux autres notes finale —. L’air est répété maintes fois, en variant le timbre, en ajoutant des effets. Et le merveilleux apparaît, les couleurs chatoient, l’eau chaude nous enveloppe, les coraux ondulent sous un courant paisible. On est dans une musique qui peut appartenir à la vague new-age mais qui est aussi une des nombreuses perles de Vangelis, un air simple, doux et efficace, pareil à ceux qu’il créait auparavant (« Alpha », « La petite fille de la mer », « Elsewhere », etc.) Les créateurs de Stranger Things (3) ne s’y sont pas trompés en choisissant ce titre pour leur série en 2016 et en 2021.
« Aquatic Dance » baigne dans des volutes chromatiques de synthés bleus, d’une mélodie en synth-violoncelle et des nappes électroniques apaisées. Une danse nonchalante.
Le titre « Memories of Blue » fait directement penser au titre « Memories of Green » (sur «See You Later et Blade Runner) mais ils n’ont pas beaucoup de point commun, excepté le piano et le tempo vraiment très engourdi et mélancolique
En épilogue à cette ode aquatique, Vangelis nous octroie encore quelques minutes d’une belle sérénade musicale offerte à la mer (« Songs of the Seas »), un chant d’amour instrumental avec couplets et refrain, joué au synthétiseur sur un son entre harpe et guitare mouillée (on ne peut pas parler de guitare sèche sur Oceanic). Et ce thème serein s’évanouit dans les vagues, comme ce bel album pacifique, et les critiques qui considèrent cette œuvre conceptuelle trop formatée ou endormante peuvent jeter leurs pamphlets à l’amer et leur encre sur d’autres riffs. Certes, Vangelis n’a jamais été aussi proche du style new-age (4), par ses arrangements électroniques, ses sons exotiques et ses effets sonores liés à la mer, il nous gratifie cependant d’une belle croisière, colorée de langueurs océanes, bercée de reflets changeants…
1998 – El Greco
Trois albums pour célébrer la mémoire et le talent du peintre Domḗnikos Theotokópoulos (1541-1614), surnommé El Greco à cause de son origine crétoise. Vangelis, également peintre, ne pouvait qu’honorer cet artiste qui, comme lui, montrait une grande indépendance et un intérêt marqué pour l’art byzantin.
Trois albums ?
En effet, en 1995, la National Art Gallery d'Athènes souhaitait collecter des fonds pour acheter le tableau « Las lagrimas de San Pedro ». Pour leur venir en aide, Vangelis compose Foros Timis ston Greco, une œuvre en sept mouvements, sur un support CD en digipack avec sa signature à la main, dans une boîte en velours à l’emballage luxueux, accompagné d’un livre sur les peintures d’El Greco. Les trois mille exemplaires numérotés ont tous été vendus au musée pour la somme d’environ 100 euros chacun.
En 1998, il décide de ressortir l’album en ajoutant trois titres sans changer les morceaux originaux mais en remodelant l’organisation des plages du disque.
Bien plus tard, en 2007, il compose la bande originale du film El Greco de Yannis Smaragdis, une musique sans aucun rapport avec les deux albums précédents.
La musique d’El Greco s’inspire des tableaux du peintre de la Renaissance espagnole, les compositions sont très byzantines et les séries d’accords se rapprochent des harmonies orthodoxes grecques, interprétée bien sûr aux synthétiseurs.
Ainsi le « Movement I » résonne comme une ouverture symphonique sombre, presque ténébreuse, le développement y est lent et progressif. Des phrases musicales délicates et tout en retenue apparaissent çà et là mais il n’y a pas vraiment de mélodie sur laquelle se fixer. On est dissout dans l’huile des peintures aux ciels brumeux et tourmentés d’El Greco. Et si les cloches ne sonnent pas le glas, elles ne sonnent pas non plus à toute volée : elles appellent à la contemplation, au recueillement, peut-être aussi à l’admiration.
Le « Movement II » paraît plus lumineux. Survolant les nappes de synthés, un son de cithare ou de qanûn électronique (5) évolue dans un espace vaste, interrompu par quelques coups de percussion, avant de repartir, de changer de ton, de jouer sur les altérations et les modes musicaux. On a cette impression que Vangelis improvise, guidé par l’émotion face au œuvres picturales du maître grec. Il en est de même dans le « Movement III », la mélodie se laisser porter par l’inspiration. Le son, qui se situe entre la guitare et la harpe au synthé, lui donne un ton léger, presque bucolique, et aussi plus proche de l’idée qu’il se fait de la musique espagnole du XVIe siècle.
Jusqu’à présent instrumental, l’album fait une première exception avec le « Movement IV », un air lyrique magnifié par la cantatrice espagnole Montserrat Caballe, devenue célèbre auprès du grand public en 1987 avec « Barcelona » en duo avec Freddie Mercury. Ce qui commence comme un adagio, tendre et émouvant, prend une dimension plus majestueuse par la suite, frôlant le grandiose tandis que les envolées symphoniques aux synthés s’amplifient.
Après un intermède composé de beaux accords en arpège au piano (« Movement V »), c’est au tour du ténor Konstantinos Paliatsaras de prêter ses vocalises. Elle s’alignent sur une musique à nouveau proche du style byzantin, soufflées par les vents et les solos de cithare-qanûn, oscillant entre la tourmente et la quiétude (« Movement VI »).
Introduit par des cloches lointaines, le « Movement VII » consiste en un savant mélange entre une procession et une danse de la Renaissance reprise par un chœur (dirigé par Yvan Cassar). Les synthés imitent un ensemble musical du XVIe siècle mais l’ambiance du morceau évoque davantage Heaven & Hell ou « Hispañola » (de l’album 1492…).
« Movement VIII » est plein de mystère et sonne comme un pressentiment, autant qu’ « Asma asmaton » sur Rapsodies en 1987. Des roulements de timbales sur lesquels plane un air ténu au synthé obscurcissent l’horizon, qui se dégage au gré des nuages ou de l’inspiration et, au deux tiers de ce paysage musical, laisse filtrer un rayon radieux et joyeux. Les nuées tentent un retour mais Vangelis met fin à la discorde par quelques accords dignes d’une fin de symphonie. Peut-être s’est-il inspiré du tableau « Saint Dominique en prière », sur laquelle le saint homme, qui enseigna comment surmonter les divisions, se voit cerné par un ciel habité de nuages lourds…
Avec des ciels si gris, si angoissés, avec ces corps allongés, austères et contorsionnés, les peintures d'El Greco reflètent les zones d’ombres et les zones plus lumineuses. Elles visent l’élan spirituel. Vangelis y voit également une dimension cosmique (6). Cette part d’obscurité et presque de désolation tisse le fil du long « Movement IX » pour synthé-cordes, en Si mineur, grave et profond. La fin de ce mouvement classique laisse entrevoir une entaille dans le ciel, annoncée par les clochettes, et, alors que le « Movement X (epilogue) » referme les bords de cette faille céleste, jaillit une lumière de cette ode magique au piano, émouvante et délicate. Sans doute le plus bel hommage d’un musicien à un peintre.
2001 – Mythodea
Mythodea — Music for the NASA Mission: 2001 Mars Odyssey est le premier album de Vangelis en ce nouveau siècle. Une nouvelle œuvre chorale classique qu’on peut qualifier de monumentale par l’ampleur qu’elle a prise en 2001.
Car au départ, en 1993, il y a Mythodia (contraction de Mythe et Ode), une pièce en sept mouvements que Vangelis a composée en une heure et dont il a écrit toutes les paroles, en grec ancien. Cette composition a été créée pour un concert unique au théâtre Herodium de l’Acropole à Athènes, afin de récolter des fonds pour une organisation grecque venant en aide à des enfants atteints du cancer. Vangelis y joue aux synthés accompagné par deux harpistes, deux ensembles de percussions et les chœurs de la Scène Lyrique Nationale Grecque. Une soprano et une mezzo-soprano assuraient le chant.
En 2000, Vangelis signe pour Sony Classic et propose ses ébauches musicales au président de cette compagnie. Mythodea est non seulement retenue mais on propose au compositeur de faire les choses en grand : un orchestre, un chœur, des stars classiques, une collaboration avec la NASA et un concert dans un lieu prestigieux à Athènes qui sera diffusé à la télévision puis en DVD.
Pour une fois, Vangelis doit s’associer à d’autres personnes pour réaliser son album et le concert. Il a modifié la partition de 1993 en ajoutant des mouvements et en modifiant d’autres. Il demande à Blake Neely de transcrire la partition pour les instruments et de diriger l’Orchestre métropolitain de Londres dans la salle Megaro Moussikis d’Athènes, réputée pour son acoustique excellente.
Comment se présente musicalement cet ambitieux album ?
Après une introduction bourrée d’effets sonores n’ayant rien à envier à Star Wars, le « Movement 1 » amorce un rythme à la caisse claire, dans la même ligne que le Boléro de Ravel, qu’il n’est pas le premier à imiter (7). Sur une tonalité en Ré# mineur, la première note est répétée en même temps que le tempo imposé suivie de deux autres. Cette mesure musicale est reprise plusieurs fois tandis qu’un chœur en ponctue le dernier temps. Puis, tout en gardant le mode mineur, on passe au Mi et ainsi de suite en grimpant chaque fois d’un demi-ton jusqu’au Sol. Les synthés amplifient le mouvement à chaque changement de ton — un son de CS- 80, comme dans les années 1970-1980 — conférant une impression de puissance et de lustre à cet hymne entraînant, et pourtant sans réelle mélodie, qui s’achève en apothéose. Ce sont les timbales ensuite qui, avec des martèlements de procession antique, battent le rappel du mouvement précédent scandé par les hommes. Les femmes s’y joignent ponctuellement pour faire briller et réveiller les flammes de ce « Movement 2 ».
Introduit par des harpes, le « Movement 3 » est une ode lyrique posée et mélodieuse que Kathleen Battle entonne, rejointe par Jessye Norman peu de temps après. Le duo des soprani chantent également sur le long « Movement 4 » et les mouvements 7 et 8 assez contrastés. Le cinquième mouvement donne la possibilité à Kathleen Battle de montrer sa belle voix, pure et aérienne, démonstration malheureusement interrompue par les envolées puissantes et presque violentes de l’orchestre — ne montez pas trop le son —. À l’inverse, chœurs et instruments accompagnent avec finesse et à-propos le chant chargé en émotions de Jessye Norman dans un « Movement 6 » ressemblant à un Ave Maria mais dédié aux dieux grecs. Certainement, un des moments les plus forts de Mythodea.
Et, avant que le thème du premier mouvement ne vienne clore avec panache cet album classique, Vangelis nous offre un dernier duo, mais non des moindres, avec le « Movement 9 », dans lequel la mélodie est interprétée à deux voix dans un ravissement de complicité, de charme et d’harmonie.
2016 – Rosetta
Quinze ans se sont écoulés depuis Mythodia, se référant à une mission spatiale. Et c’est une autre incursion dans l’espace que Vangelis célèbre avec Rosetta en 2016.
Issue du programme d’observation de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), la sonde Rosetta est lancée en 2004 afin de recueillir des données sur le noyau de la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko. Elle se place en orbite en 2014 et envoie ses données durant deux années avant de s’y poser.
Vangelis est contacté par le spationaute André Kuipers directement depuis la station spatiale internationale. Suite à leur conversation et à une visite à l’ESA, il envoie trois compositions que l’agence publie sur Youtube. Intégrées plus tard sur son album, elles deviennent rapidement virales.
Rosetta revient à une œuvre totalement interprétée aux synthés, sans chœurs, sans voix. Elle intègre la représentation musicale personnelle de Vangelis sur la mission vers la comète. Écouter l’album, c’est entrer dans son monde, dans les sensations liées à un voyage cosmique, dans des atmosphères légères, majestueuses, mais également fortes, stressantes et pleines d’actions.
« Origins (Arrival) » part d’un thème de quatre notes suivi de variations qui se révèlent scintillantes grâce aux boucles miroitantes du séquenceur, une bonne entrée en matière qui ressemble au générique de départ d’un bon film d’aventures spatiales.
Comme Rosetta voyage durant dix ans, il faut s’imaginer cet objet dans le vide, ses circonvolutions toutes lentes mais déterminées au milieu des étoiles. C’est l’apesanteur qui prédomine dans « Starstuff ». Dans la même tonalité que le précédent (Do# mineur), la musique évolue paresseusement en recueillant la lumière des objets célestes, symbolisée par des notes ténues et des petits carillons qui se reflètent sur les parois de la sonde, alors que des effets sonores en arrière-plan suggèrent ses rotations.
La traversée vers l’infini se prolonge. En trente seconde, Vangelis place le thème de « Infinitude », un couplet répété à l’envi mais jamais lassant, d’une noblesse et d’une somptuosité accaparante, suivi par « Exo Genesis » qui décoche des envolées de piano, rebondissant d’un astéroïde à l’autre. Les belles arpèges de « Celestial Whispers » colorent le vide de myriades de perles astrales tant le son y est pur et délicat, pas de mélodie, juste de la couleur chatoyante.
Sur un tapis de séquenceurs, « Albedo 0.06 » renoue avec le thème du premier morceau, signe qu’on se rapproche enfin de Tchouri (pour les intimes de la comète) puis les panneaux solaires s’ouvrent mollement sur des nappes de synthés au son très immaculé, vive la propreté « Sunlight » !
« Rosetta » aurait mérité une belle mélodie, neuve, originale, et non pas une redite éculée de morceaux déjà joués et entendus auparavant. Sans doute le morceau le mieux ficelé, instrumentalement parlant, mais le plus banal et commun qui soit… On comprend mieux le râteau que la comète a infligé à Rosetta lors de ce rendez-vous facile (8).
« Philae’s Descent » joue cette descente avec nervosité, changeant de tonalité, via des coupures de rythme et des renforts de percussions, un musique très cinématographique, tendue comme un suspense musical, intense comme « Kinematic » du film Antarctica mais cependant plus mouvante.
Une des particularités de Vangelis est d’insérer dans ses albums un hymne au refrain accessible, souvent héroïque et qu’il répète afin qu’il s’ancre bien dans nos mémoires : « Chariots of Fire », « Titans » du film Alexandre ou « Anthem » pour la coupe du monde FIFA, etc. « Mission accomplie (Rosetta’s Waltz) » est l’un de ceux-là. Le périhélie de la comète, le point de sa trajectoire le plus proche du soleil, est l’occasion d’une improvisation théâtrale, dramatique et audacieuse. Vangelis use du séquenceur pour imprimer un rythme rapide, qu’il arrête à la cinquième minute. Et, sur un fond d’effets spéciaux, il expose Rosetta, brillante et miroitante, au soleil. Il lui compose alors une « Elegy », douce et mélancolique, en hommage à cette sonde que les hommes abandonnent.
Enfin, c’est le vide qui l’attend, joué de superbe manière, en misant sur la réverbération et l’écho : une fin magique et surnaturelle pour un voyage extraordinaire tant musical que réel. Mais si Vangelis laisse la sonde dans un « Return to the Void », il reviendra aux planètes — et quelle planète ! — avec From Juno to Jupiter.
Disons-le d’emblée, Nocturne – The Piano Album n’est pas exécuté avec cet instrument acoustique. Bien sûr, il est joué comme au piano, il sonne comme du piano… mais ce n’est pas du piano… c’est du flagada dry ! Des mélodies paresseuses, mollassonnes. De la réverbération à outrance, des synth-cordes en nappes. Quant au piano, on doute de sa queue. Puisque les synthétiseurs peuvent tout, ou presque…
L’album contient six reprises exsangues de morceaux notoires de Vangelis : « La petite fille de la mer », « Chariots of Fire », « 1492, Conquest of Paradise », « To the Unknown Man ») et « Love Theme » de Blade Runner. Sortant quelque peu du lot, le mouvement 9 de Mythodia, dépouillé d’orchestre symphonique et de voix, révèle une mélodie délicate et équilibrée.
Si on passe « Through the Night Mist », un reverb-air d’une luminosité blafarde, on peut parfois trouver des compositions plaisantes. « Moonlight Reflections » fait penser à la musique de Satie par sa mélodie jouée sur des enchainements lents de trois accords. « Intermezzo » est un bel intermède pour cordes aux synthés. « Longing » et « Lonesome » surnagent sur la vaguelette romantique, « Early Years » aurait pu éblouir s’il avait été interprété avec les synthés, les séquenceurs et les instruments des années 1970-1980.
Et comme il faut finir en beauté, Vangelis ouvre la petite boîte à musique spécialement « Pour Melia ». On imagine la figurine pivotant élégamment sur le son du célesta aux synthés. Tourne encore, petite danseuse, tourne encore. Et tourne la page à ces plages nocturnes qui n’en finissent pas.
2021 – From Juno to Jupiter
Comme la science et la mythologie, l’espace a toujours attiré Vangelis, pour qui la musique façonne l’univers. Et ce lien n’est pas nouveau. En 1971 il joue sur le psychédélique Astral Abuse avec le groupe Alpha Beta. Il poursuit avec Albedo 0.39, Mythodea, et Rosetta, garde des contacts avec la NASA, l’ESA et sa musique est souvent utilisée pour des documentaires sur l’univers. En 2023, le Planétarium Eugenides d’Athènes présentera le spectacle "Nous sommes poussière d'étoiles" avec de la musique inédite de Vangelis.
En 2011, la sonde spatiale Juno est lancée pour une mission d’exploration et de collectage de données sur la formation de Jupier en se renseignant sur ses couches internes et son atmosphère.
Deux ans plus tard, la sonde utilise la gravitation terrestre afin d’atteindre la vitesse nécessaire pour rejoindre l’immense planète. À cette occasion, Vangelis compose, « Juno Flies by Earth and Moon », une musique courte, planante et colorée sur une vidéo de la NASA.
From Juno to Jupiter n’est pas seulement la rencontre d’une sonde et d’une planète. C’est aussi le contact entre Junon (Héra) et Jupiter (Zeus) et la relation singulière et parfois trouble qu’ils ont ensemble ou séparément. Pour le dieu suprême, la musique n’est qu’instrumentale tandis que la voix de la soprano Angela Gheorghiu accompagne la déesse des mariages et de la fécondité.
On reprend le voyage de Juno avec la poussée du géant Atlas, « Atlas’ push », celui qui a le dos voûté tellement la Terre qu’il supporte est encombrée d’humains inconscients et pollueurs. Ce petit coup de "pousse gravitationnelle" est traduit par un fond de grondements et de boucles sonores au séquenceur sur lequel Vangelis ajoute les commentaires d’un scientifique. Puis deux notes percent le vide sidéral et passent la main à « Inside our perspectives », un titre vigoureux au séquenceur à la mélodie assez invasive. Une fois habitué à ce leitmotiv énergique, on fait un peu plus attention à l’improvisation plus douce que Vangelis tente d’associer.
Juno est donc bien lancé et sort de notre espace, sur des séquences d’arpèges ascendantes domptées et des envolées puissantes et élégantes aux synthés et au piano (« Out in space »).
« Juno’s quiet determination » enfante d’un univers oriental et peuplé de mystère. La sonorité pizzicato de l’instrument synthétique, avec toute la réverbe qu’il se doit, est absolument envoûtante et hypnotique. Plus instinctive, la « Jupiter’s intuition » est d’humeur changeante, voire terrifiante par moments, elle domine le cosmos à coup de timbales avec la puissance d’un orchestre synthé-phonique. J’aime le clin d’œil à propos des clichés de genre. Ici, Vangelis loue la détermination féminine de Junon et l’intuition masculine de Jupiter.
« Juno’s power » impose un rythme plus primitif où trône le son du CS80. On y reconnaît les quatre notes puissantes du film 1492, auquel il en ajoute deux autres conclusives pour en adoucir l’intensité.
Se balader sur la « Space’s mystery road » prend un certain temps. La boîte à rythme se met en place dès la première seconde sur un tempo de promenade relax. On connaît la musique : le rythme et le fond sonore s’installent, on laisse mariner vingt secondes, puis Vangelis nous improvise une mélodie au synthé qui nous rappelle Oceanic. Il faut cependant patienter presque deux minutes pour obtenir … deux notes (deux Sol# à l’octave) avec quelques fioritures et un zest de timbale. Pas de mélodie, rien que l’ambiance. Et pourtant, la magie opère. Ce petit morceau sans prétention est cuit à point, nous subjugue et on en arrive même à être étonné que ce morceau de plus de quatre minutes soit si court.
Plus soyeux, le bref « In the magic of Cosmos » sert d’introduction au premier titre vocal « Juno’s tender call ». Angela Gheorghiu vocalise en un duo de soprani tendre et enchanteur. Celui-ci se prolonge, en écho, sur le calme et reposant « Juno’s echoes », qui improvise au synth-bass dans la même tonalité. Puis cet écho se perd dans l’éther cosmique : bribes de voix de sirènes sidérales aussitôt disparues… (« Juno’s ethereal breeze »)
Passée la quadrilogie consacrée à Junon, la sonde se rapproche de la géante gazeuse. Jupiter semble apparaître derrière des brumes. « Jupiter’s veil of clouds » fait avancer la caméra vers le voile cachant Jupiter. La musique atmosphérique laisse entendre le battement d’ailes ou, au choix, les pales d’un hélicoptère échantillonnées et modifiées numériquement. Le piano solo suspend le vol mais se fait rattraper par la pulsation-séquenceur tandis qu’un synth-bass improvise, en nous rappelant les emportements progs que Vangelis affectionnait dans les années 1970.
Petit à petit, les noms de Junon et de Jupiter glissent vers ceux de la mythologie grecque. Et afin d’opposer la douceur de l’une à la puissance de l’autre, Vangelis nous remémore les vocalises de la reine des dieux (« Hera / Juno Queen of the Gods ») avant de nous jeter au pied de Zeus. On aurait pu s’attendre à d’énergiques accords électroniques, à un volume sonore titanesque, à des coups de timbales inouïs. Mais la puissance ne requiert pas toujours la violence. Vangelis la développe à travers une longue improvisation un peu indéchiffrable, plutôt cinématographique (« Zeus almighty »), avant de nous précipiter vers un « Jupiter Rex », monumental et écrasant : un tableau parano-graphique où il met tout son chœur (électronique), décroche la timbale, sort sa trompe et ses cloches.
Encore un peu de charmantes vocalises pour signifier l’aboutissement de la mission et de la rencontre des dieux (« Juno’s accomplishments »). Ensuite, après de nouveaux commentaires scientifiques, l’exploration de Juno peut se terminer en toute quiétude (« In Serenitatem »): musique ambient, chœurs tranquilles, tintements de cloches et clochettes agrémentent cette fin de périple jusqu’à ce que le son se perde vers l‘infini, et au-delà…
Une version exclusive est sortie en vinyle trois mois avant le décès en mai 2022 de Vangelis. Elle contient également le titre « Cosmos Autopator », planant, abusant des nappes électroniques et sans doute un morceau de trop.
Composé en 2019-2020, c’est le dernier album de Vangelis. Ce pionnier et visionnaire de la musique électronique a humanisé le son des synthétiseurs, leur a offert une âme et une dimension cosmique. Sa sensibilité et son inspiration lui a permis de renouveler à chaque fois son style, passant du rock progressif à l’ambient, du jazz à la musique expérimentale, de la new-age à la musique traditionnelle et classique, de la chanson à la musique de film, et tout ça sans connaître le solfège. Cet autodidacte avait ses codes, ses synthétiseurs de prédilection, ses peintures, ses amis et ses fans. Il est retourné vivre sa vie au ciel, pour dernier paysage…
[Daniel Mουσική]
La musique domine l'univers. C'est la force première. Elle a donné forme à l'espace.. — Vangelis
(1) Le son du shakuhachi (flûte japonaise traditionnelle) a été échantillonné et provient ici de l’Emulator II. Très en vogue à la fin des années 1980, ce timbre peut s’entendre dans « Ride Across the River (Dire Straits en 1985) « Sledgehammer » (Peter Gabriel en 1986 »), « Me or Him » (Roger Waters, 1987), « Yellowstone Park» (Tangerine Dream), « Sadeness » (Enigma en 1990) et dans le générique d’Ushuaia (Serge Perathoner, 1989).
(2) Sur le single, Stina Nordenstam et Vangelis présentent également un inédit, « Slow Piece », un morceau très lent « Slow day at sea Persons in the bay », idéal pour se relaxer…
(3) Dans l’épisode 7 de la première saison, les enfants remplissent la piscine de privation sensorielle avec de l'eau et du sel. « Field of Corail » renforce l’atmosphère magique et mystérieuse de cette scène. Dans la quatrième saison, apparaît une scène similaire.
(4) L’album Oceanic a été nominé pour le Grammy Award du meilleur album New-Age en 1998.
(5) La musique byzantine utilisait une cithare-psaltérion à cordes pincées (semblable au qanûn arabe).
(6) « Je rends hommage à Domenikos Theotokopoulos car qu'on s'en rende compte ou non, nous vivons une époque troublée et incertaine, à travers laquelle les visions de cet homme brillent comme un phare. C'est que son génie a toujours tendu un flambeau vers l'ethos cosmique, transformé aujourd'hui en rayon d'espoir. » (Notice de Vangelis sur le livret d’El Greco, 1998)