How Big Is the Galaxy ? (Ksenia Elyan)
Sommaire
Sous la Voie lactée
Des décennies durant, les politiques soviétiques puis russes en matière d’éducation furent de séparer parents et enfants. Ces derniers se voyaient placés dans des internats urbains, ce qui, à terme, conduisit à une situation d’individuation et d’acculturation qui menaçait la cohésion des familles et la pérennité de leur mode de de vie nomade. Depuis, les choses ont un peu évolué et c’est une institutrice payée par l’État russe qui suit les Zharkov dans leurs déplacements et fait la classe (verte) aux enfants.
De fait, les deux garçonnets, bien qu’associés en permanence aux tâches inhérentes à une vie d’éleveurs de rennes et à une vie à l’écart de la civilisation (pêche) et à celles que se partagent tous les membres de la petite famille, ne perdent jamais une occasion de faire de chaque instant un moment propice au jeu ou à l’amusement, et à raccorder directement les moindres faits et gestes du jour au complexe système cosmogonique créé par leur inépuisable imaginaire enfantin. Zakhar demande le nom de l’animal qu’il nourrit, s’entraine sur la motoneige à l’arrêt de son père comme s’il conduisait un bolide, puis s’essaie, entre deux chutes, hilare, à tenir sur ses skis de fortune !
Dans la tête de Zakhar
Face caméra, les deux garçons se chamaillent, se bagarrent gentiment, rejouent des scènes de films, puis se racontent des histoires de fins du monde et de migrations planétaires abracadabrantes, pour ensuite poser la question de la chose la plus étendue qui puisse exister à leurs yeux dans l’univers : la galaxie ! Naïf mais si touchant, tant les « gamins » réinventent un cosmos presque poétique à partir de notions d’astronomie et de géographie étonnantes…
En classe, ils font un peu les pitres, s’entrainent au poirier et ont besoin des douces remontrances de leur mère avant de s’assoir à table pour la leçon. L’institutrice insiste sur l’importance de l’enseignement des mathématiques alors que Zakhar, qui peine avec les logiques arithmétiques quotidiennes, lui confie la lointaine fin programmée du Soleil, et n’accordent finalement aux nombres une utilité que lorsqu’ils lui permettent de compter les cheveux qui tombent des ciseaux de sa mère qui vient de les lui couper. Il s’étonne d’ailleurs que sa professeure n’ait pas réponse à toutes ses questions ! Les tentatives de transmission des valeurs patriotiques russes semblent également échapper à cet enfant qui s’inquiète de la calvitie avancée du chef de l’État russe et rechigne à apprendre par cœur un classique de la poésie russe ! La mise à mort d’une vieille femelle renne est déjà pour l’enfant source de questions sur le sens de l’existence, des interrogations qu’il reformule à ses copains de jeux dès qu’il en a l’occasion !
Les tentatives de transmission des valeurs patriotiques russes semblent également échapper à cet enfant qui s’inquiète de la calvitie avancée du chef de l’État russe et rechigne à apprendre par cœur un classique de la poésie russe ! — Yannick Hustache
La petite maison dans la taïga
Dans cet environnement « hostile », les membres de la famille font un peu tout, chacun à leur tour – même si la mère semble seule préposée à la cuisine –, les moments de partage sont aussi très nombreux : le « débitage » d’un poisson cru pêché quelques heures auparavant devient un tendre repas de famille où l’on se taquine beaucoup et se câline un peu, le hachage de la viande, une séance de musculation/questions privilégiée avec maman ! Une scène à épingler : la « gueule de bois » au réveil des frérots qui ont regardé un film d’horreur la veille avec papa et passé une difficile nuit ! Ksenia Elyan y va d’ailleurs de ses petits effets numériques cheap pour appuyer la force du rêve chez ces enfants ! Ajouts qui semblent comme annoncer l’aurore boréale finale. Plus tard dans le récit, le quotidien des deux frères est agrémenté de la visite d’un voisin (cousin ?) qui se conclut sur une belle scène de plantage en luge !
Un beau documentaire tout en lumière polaire indirecte – le soleil reste assez bas sur l’horizon durant tout le film – qui, certes, enregistre les faits et gestes quotidiens de l’une des dernières populations nomades du monde et les vicissitudes de l’apprentissage de deux (puis trois) gamins aux confins du monde, mais qui, par le simple regard d’un enfant à l’imagination « cosmogonique » sans fin, montre que l’isolement géographique, n’est, à l’échelle de la galaxie, qu’une simple vue de l’esprit !
Yannick Hustache
Le film sera présenté
dans le cadre du festival Millenium
Le dimanche 24 mars 2019 à 21h au cinéma Aventure à Bruxelles
et
Le mardi 26 mars 2019 à 20h30 au cinéma Galeries à Bruxelles