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I am Divine, l'histoire vraie de la plus belle femme du monde

Divine
Réalisé par Jeffrey Schwartz en 2013 I am Divine est un documentaire sur la vie de celui/celle qui sera sacré/e « la plus belle femme du monde » : Divine. Durant tout le film, les intervenants alternent le « il » et le « elle » pour désigner Divine. Certains les interchangent dans leur propre discours. Lui-même passera sa vie à intervertir les genres, tant en privé qu’à l’écran. Son existence entière sera consacrée à éviter tout rôle préétabli et à un inventer de toute pièce un personnage unique.

Né Glenn Milstead, dans le Maryland en 1945, il passe son enfance à Baltimore où il s’installe avec ses parents à l’âge de 12 ans. Garçon timide, martyrisé à l’école par les autres élèves pour son allure maniérée et son physique corpulent, il devra attendre plusieurs années pour trouver sa voie. Dans les États-Unis de l’après-guerre, alors que l’homosexualité était encore un délit, la découverte de son identité sera un parcours très progressif, mais son trajet l’emmènera plus loin que tout autre. Les premières étapes seront assez sages. La découverte de son homosexualité se déroulera assez classiquement de son adolescence à son premier métier de coiffeur pour dames. Elle évoluera vers la fréquentation des clubs gays et la découverte des spectacles de drag queen, qui le fascineront au point de le convaincre de se lancer avec passion dans le travestissement. Mais ce monde marginal ne voudra toutefois pas de lui, qui déjà à l’époque détonnait par son embonpoint et son goût pour les tenues voyantes et tapageuses.

Il mènera un temps une double vie, maintenant pour ses parents une façade de respectabilité et de sérieux, tout en expérimentant avec ses amis une existence beaucoup plus tumultueuse. Il abandonnera ce masque en avouant à ses parents d’un seul coup son homosexualité, son attrait pour la drogue, sa carrière de drag queen et son désir de se lancer dans le cinéma. Sa mère qui avait jusque-là refusé de voir son caractère efféminé réagira violemment en le jetant à la porte avec la consigne d’oublier jusqu’à leur nom. Il quittera alors Baltimore pour rejoindre à San Francisco une troupe de drag queens, les Cockettes. Il y débarquera avec une nouvelle tête, réalisée pour lui dans l’avion par son maquilleur et ami Van Smith. Celui-ci avait rasé ses sourcils et le sommet de son crâne  pour avoir, selon ses propres termes, « plus de place pour dessiner ».

C’est la rencontre de son voisin John Waters qui avait ouvert la porte à la pleine réalisation du tempérament extravagant caché derrière le très introverti Glenn Milstead. Waters l’avait fait tourner dès ses premiers court-métrages et lui avait donné son nom définitif : Divine. Leur collaboration a duré près de deux décennies et a vu Divine passer graduellement de rôles comme celui de Jackie Kennedy dans une reconstitution de l’assassinat de Dallas, à des créatures de plus en plus trash. Chaque nouveau film a été l’occasion de nouveaux défis, et de scènes de plus en plus absurdes et surtout de plus en plus scandaleuses. Cette ascension culminera en 1972 dans Pink Flamingo, avec la scène qui fera sa réputation sulfureuse, celle où il mange, sans trucage, une crotte de chien. Sommet d’une surenchère dans la provocation en tous sens, cette séquence lui procurera les surnoms les plus divers de Reine du Trash, Sorcière Sordide et « l’être vivant le plus odieux au monde ».

Cette nouvelle notoriété n’empêchera pas, bien au contraire, la formidable ascension de Divine. Le film montre quelqu’un à qui tout réussi et qui a fait un parcours étonnant au cinéma dans des rôles les plus divers, homme, femme ou Divine, qui s’est essayé au théâtre et s’est lancé dans une carrière époustouflante de chanteuse disco. Divine, le personnage, s’est attaqué à tout avec la plus grande irrévérence, y compris à sa propre image, acceptant dans Hairspray, son dernier film avec John Waters, d’interpréter une ménagère pauvre, avec des bigoudis sur la tête, à l’opposé de son image glamour démesurée habituelle. Il s’éloignera progressivement de ce personnage pour démontrer ses talents d’acteurs dans d’autres rôles. Divine, la personne privée, aura une existence également très complexe, décrite par la plupart des intervenants comme « étonnamment heureuse ». Ses parents qui regrettaient leur décision de le bannir, reprendront contact avec lui pour des retrouvailles déchirantes. On lui connaitra de nombreux amants, et un train de vie flamboyant marqué par le goût pour l’amour, la drogue et la nourriture. Cette relation tumultueuse avec l’alimentation sera un problème constant pour Divine, qui lui sera hélas fatal. Il décédera dans son sommeil d’une crise cardiaque en 1988 à l’âge de 42 ans.


Divine

I am Divine n’a pas beaucoup d’effort à faire pour être émouvant, l’affection que semblait lui porter toute personne qui ait côtoyé Divine transparait à chaque intervention, et son interview elle-même révèle un personnage attachant, simple et sincère, très amusé par ses outrages et ses excès. Certes, la forme du film est on ne peut plus classique, alternant images d’archives et interviews des gens qui ont bien connu Divine, mais aucun choix stylistique si avant-gardiste soit-il n’aurait sans doute pu concurrencer l’exubérance du personnage ni être à la hauteur de son excentricité.

(Benoit Deuxant)

Le film est actuellement (et ce jusqu'en février 2019) visible en streaming sur ARTE



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