Metamorphic Earth: immersion virtuelle dans le souffle du volcan.
C’est une chambre noire. On y entre, caverne parcourue de filaments anarchiques, vif-argent. Au sol, des taches mobiles, fluides. On pense aux lumières d’un jour d’été vu à travers une canopée. Ou les reflets du soleil parcourant l’eau d’une rivière. Plutôt ça, d’ailleurs, des enfants en visite, traverse cette zone en faisant des mouvements de brasse. Ils y sont immergés. Avant de voir distinctement, on entend, on ressent. C’est une musique de drone, musique d’entrailles, une enveloppe de vibrations rauques qui effritent calmement la tranquillité du corps, la rend grouillante d’idées informulées. Six grands écrans projettent des images en noir et blanc. Ce qui prédomine sont les bourrasques de grêles, de gouttes, de flocons, les rafales de pluies ou d’étincelles, les tornades de poussières, de cendres ou d’escarbilles, en pagaille. Aux approches d’un volcan, d’une forge. Mais dans ces myriades de particules se dessinent des formes, des intentions, des structures cachées. Quelque chose se construit. Ou des ruissellements sur des roches, des filets sombres, le sang de la terre. Des masses gazeuses, des sommets montagneux, se dispersent. Des astres symboliques aveuglent la nuit. Des filaments, des vies sommaires des profondeurs, s’agitent, répètent le même geste, à l’infini. Des tressaillements qui agitent des tissus inertes et inertes, humains ou industriels. Le cheminement des flux à travers la matière noire. À quoi répond le cheminement anonyme d’une foule dans une grande ville brouillée. À l’impression de sentir son regard aspiré par le centre de la terre répond les allées et venues d’un ascenseur extérieur qui surplombe la cité avant de plonger. Aux structures humorales de la roche ou des boues utérines s’oppose le survol de quadrillages de structures métalliques, voire un panorama de circuits numériques. Le regard cherche un point de fuite, une perspective, mais n’en trouve point, impossible de déterminer si ce sont des matières à l’agonie ou en train de palpiter de nouvelles vies qui s’inventent à tâtons. Est-ce la terre en train d’agonir, dévisagée, ou se recomposant ? Il faut rester longtemps, il y a des coussins. C’est en boucle, sans fin, le même, mais jamais pareil. Labyrinthique. Il n’y a plus ni dedans ni dehors. À force de regarder ces membranes lumineuses, de les sentir nous traverser, l’effet immersif joue à plein, il est difficile de ne pas avoir l’impression qu’elles se fondent avec notre peau. Ce que l’on voit ainsi germer, fermenter, n’est-ce pas ce le vivant qui traverse nos organes ? L’expérience esthétique, diverse, multiple, que procure cette installation fait éprouver l’absence de séparation entre soi (représentant de l’espèce humaine visitant un musée) et toutes les autres manifestations du vivant. Il n’y a plus de séparation. Tout communique. Dans cette caverne, il n’y a pas de centre à chercher, plus d’anthropocentrisme, emporté par les ruissellements, l’homme doit trouver autre chose.
Les
artistes :
Gast Bouschet et Nadine Hilbert ont commencé à collaborer dans les années 1990. Ils sont depuis créé un travail complexe qui remet en question les principes fondamentaux qui sous-tendent la structure, la visibilité et le pouvoir. Leur pratique se base sur de nombreux supports, en ce compris la photographie, le son, la vidéo, le dessin et le travail à base de textes. Leurs interventions sont mises en œuvre dans des endroits marginaux et des zones de nature sauvage loin du regard du public, ainsi que dans des centres d’art contemporain et de festivals de musique. (Extrait du guide du visiteur, très bien fait).
Stephen O’Malley dans les collections dePointCulture.
texte et photo du haut:
Pierre Hemptinne
Metamorphic Earth
Gast Bouschet & Nadine Hilbert
Musique de Stephen O’Malley
Au BPS22 – Musée d’art de la province de Hainaut –
Charleroi
Exposition: accessible jusqu’au 22 janvier 2017
Performance : le 21 janvier 2017,:
performance dansée de Alkistis Dimech sur une musique live de Kevin Muhlen +
Concert de Stephen O’Malley