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In Our Hands – Seeding Change

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Parmi les slogans populistes des partisans du Brexit se trouvaient des formules comme « Take back control » (reprenons le contrôle) ou « Our future is in our hands » (notre futur est entre nos mains). Si les réalisateurs britanniques de ce film ont choisi de détourner cette phrase pour en faire le titre de leur film, c’est très probablement en connaissance de cause. Et pourtant, ce n’est pas tout à fait de Brexit qu’il est question, mais de l’avenir de la ruralité anglaise et de celui de l’alimentation du pays.

L’allusion au Brexit n’est cependant pas fortuite car le résultat de ce largage des amarres économiques de l’île aura des répercussions cruciales sur le futur de son approvisionnement en nourriture. La différence se marquera non seulement quantitativement mais surtout dans la qualité des produits disponibles. Pour réussir son autonomie alimentaire, la Grande-Bretagne devra s’assurer qu’elle dispose d’un monde paysan vivace et d’une industrie efficace et honnête. Le film précise dès le début que ce n’est pas du tout, mais alors pas du tout, le cas. Il procède ensuite dans la démonstration de l’étendue du problème. En Grande-Bretagne comme partout en Occident, la population rurale impliquée dans l’élevage ou l’agriculture n’a cessé de diminuer, historiquement poussée à l’exode par l’arrivée des machines, mais aujourd’hui surtout poussée à la dépression par le manque d’avenir de la profession.

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Les défis qui menacent de faire disparaître le métier de fermier, et celui d’éleveur, sont nombreux. Ils tiennent à la difficulté de maintenir aujourd’hui l’aspect attrayant de ces activités, et surtout leur caractère viable et rentable. La principale cause des changements qui poussent les paysans à abandonner leur terre et qui repoussent les jeunes qui pourraient s’y investir est un système agro-alimentaire qui a érodé les exploitations à taille humaine au profit de structures (énormément) plus larges. Celles-ci nécessitent un personnel moins important, moins investi et surtout privé de toute autorité ou indépendance, travaillant dans des entreprises dont ils ne peuvent être qu’employés. Le choix de cette option industrielle a été fait après-guerre pour répondre à un mythe : celui qu’il fallait produire toujours plus pour nourrir une population qui ne cessait d’augmenter. Cet argument est pourtant inexact, la production alimentaire est largement suffisante, ici comme à travers le monde, y compris au regard de la future démographie. S’il existe des risques pour notre nourriture, c’est avant tout en ce qui concerne son accès, le gaspillage qui en est fait aujourd’hui, et sa qualité. Sur ces différents plans, le système agro-alimentaire actuel peut être vu comme grossièrement inefficace.

Dans une construction très didactique (dans le bon sens du terme), la narration de Jo Barker et Sylvie Planel part de la racine du problème, ou plutôt de la graine pour arriver aux différents produits finis, pour démonter les gageures que doivent affronter les producteurs, et avant tout les producteurs locaux, les propriétaires de petites exploitations ou de collectivités, les petits éleveurs. Le film souligne au passage les errances du modèle industriel et les différents scandales et aberrations qu’il entraine. Parmi les quelques exemples donnés on trouve le fait que l’élevage de masse ne peut se faire que sans pâturages. Les animaux doivent donc être nourris « artificiellement » en important du fourrage, souvent sur de longues distances, entraînant les problèmes écologiques qu’on imagine et plaçant absurdement le bétail en concurrence avec l’être humain dans l’approvisionnement en nourriture. 40% de la production de céréales est destinée à des animaux qui normalement, lorsqu’ils sont élevés en liberté, trouvent d’eux-mêmes l’essentiel de leur nourriture dans les champs.

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Un autre sujet d’inquiétude est la réduction de la biodiversité entrainée par la monoculture des grandes entreprises et leur dépendance des OGM et des pesticides. Pour chaque problème invoqué, le film donne des pistes de solutions, et des exemples d’initiatives militantes des « food activists » qui tentent de contrer les pires dérives du système par des projets locaux et originaux. Ainsi, contre la disparition des variétés de plantes, de céréales et de légumes entraînés par la standardisation, s’est mis en place un réseau de collecte et d’échange des graines. Cette activité est quelquefois pratiquée dans l’illégalité, là où des trusts monopolistiques comme Monsanto cherchent à faire breveter les semences, s’emparant d’un bien commun pour obliger les producteurs à se fournir chez eux exclusivement.

On considère que la fourniture en nourriture, à travers le monde, est assurée à 70% par de petits producteurs, et à 30% seulement par des consortiums industriels. Si la proportion est différente chez nous, cela provient d’un phénomène à l’œuvre depuis le 16e siècle : la concentration de la propriété terrienne entre les mains de quelques-uns. L’histoire anglaise détermine l’origine de cette tendance avec la suppression des « enclosures », les terres communes qui appartenaient autrefois à la collectivité, qui était libre de les cultiver, et qui ont à cette époque été englobées dans les propriétés privées qu’elles bordaient. On considère qu’en Grande-Bretagne, un seul pour-cent de la population est détenteur de la plus grande part du territoire, terres cultivables comprises.

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Dans bien des cas donc, le combat des petits producteurs passe par une lutte pour la terre, pour la conserver ou pour y avoir accès, mais aussi pour mettre sur pied un système de distribution qui amène les produits de cette terre vers les consommateurs, aujourd’hui majoritairement concentrés dans les villes. La réponse est de plus en plus de développer des exploitations péri-urbaines, profitant à la fois de la proximité du marché pour les produits, de la disponibilité de terrains trop petits pour intéresser l’industrie, et de l’accès aux déchets produits en grande quantité par les villes, qui sont des sources très importantes de nourriture pour le bétail ou d’engrais pour les cultures. La proximité de la clientèle est capitale, elle aussi, pour affronter la concurrence de la grande distribution. Huit supermarchés concentrent ainsi entre eux 95% de la fourniture en nourriture du pays. Ils ont le pouvoir d’imposer aux producteurs des tarifs extrêmement bas qui, bien souvent, ne suffisent pas à garantir leur viabilité. Faute de pouvoir toucher directement les acheteurs, ceux-ci doivent trouver d’autres solutions, comme se concentrer sur des produits transformés (du yaourt plutôt que du lait, du jus ou des confitures plutôt que des fruits) ou prendre progressivement possession de tous les échelons de la chaîne de production, de la culture et de l’élevage au conditionnement, de la conservation et du stockage à la distribution.

C’est à cette condition que le pays, la Grande-Bretagne comme les autres, pourra s’assurer la souveraineté sur son alimentation. Faute de pouvoir, comme le dit un des intervenants, « inspirer les gens à retourner à la ferme », non pas comme à une servitude du passé mais bien un métier respectable, un métier d’avenir, l’avenir de la nourriture est compromis. Il est temps de se rappeler, ajoute-t-il, que cette nourriture est une nécessité et pas une marchandise.

Benoit Deuxant


Le film s’inspire de l’organisation britannique Landworker’s alliance qui est un syndicat de producteurs agricoles lié au mouvement paysan international Via Campesina.

Il sera diffusé dans le cadre du festival Alimenterre 2019

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