Interview de Sarah Pialeprat (Centre du film sur l’art) et Dimitra Bouras (Cinergie)
- Pourriez-vous présenter brièvement les missions de vos deux structures, le Centre du film sur l’art (CFA) et Cinergie ?
Sarah
Pialeprat : Le Centre du film sur l’art a été créé en 1980 pour assurer la
diffusion, la promotion et la conservation de documentaires sur l’art. Il
s’agit de diffuser des films sur l’art
de tous horizons dans les lieux culturels. Nous diffusons ces films dans les
musées, les galeries, les centres culturels, les écoles, etc. Et depuis 2011, nous
organisons aussi le Brussels Art Film Festival (BAFF). L’édition 2017 aura lieu
prochainement, du 16 au 19 novembre, à l’Iselp, à la Cinematek et à Bozar. Nous
avons reçu plus de 70 films sur l’art belges (ou en rapport avec la Belgique)
pour la compétition cette année, et nous en avons retenu une petite quinzaine.
Mais il y aura aussi des rencontres, une master class avec Julien Devaux, le collaborateur de Francis Alÿs,
une bourse d’aide à l’écriture, des séances pour les étudiants, pour les
enfants, etc.
Dimitra Bouras : Cinergie est une structure d’aide au cinéma belge. Historiquement, Cinergie c’est d’abord un site Internet avec d’une part un « webzine » (avec des critiques de films, des interviews de cinéastes, etc. ) et, d’autre part, un annuaire des professionnels belges du cinéma (les réalisateurs, les comédiens mais aussi tous les autres métiers du cinéma : monteurs, décorateurs, bruiteurs, etc. ). À un moment donné, on a eu envie de montrer ces films belges sur grand écran, de leur donner une meilleure visibilité. On a commencé par organiser « Les Quatre saisons de Cinergie » à Flagey : des séances qui, quatre fois par an, à chaque saison, associaient des courts métrages belges récents et plus anciens autour d’un thème qui les relie. Plus récemment, nous avons lancé les deux cycles à PointCulture : « Doc sur le pouce » (au PointCulture Bruxelles), puis « Docs à goûter » (au PointCulture ULB)…
- Justement, pourriez-vous présenter ces deux cycles : en quoi ils
consistent, comment vous les programmez et pourquoi vous avez répondu
positivement à la l’invitation de PointCulture ?
Sarah Pialeprat : Pour « Doc sur le pouce » que nous organisons ensemble au PointCulture Bruxelles, un vendredi midi par mois depuis mai 2014, l’idée est de montrer un moyen métrage sur l’art « entre l’heure du midi ». On essaye à la fois de coller aux thématiques de PointCulture (Nature Culture la saison dernière, URBN, autour de la ville, cette saison-ci) et de varier les formes, les disciplines, etc. Et Dimitra veille à ce que les films belges soient assez représentés dans notre sélection ! Quand c’est possible, on invite les cinéastes à venir présenter leur film.
Dimitra Bouras : Nous cherchions des lieux pour proposer des films et en 2014, la Médiathèque récemment devenue PointCulture cherchait des partenaires pour l’aider à programmer des activités dans son nouvel auditorium !
Sarah Pialeprat : Mais, il faut peut-être préciser qu’on ne programme que des films qu’on aime, qu’on défend à 100%, et des films qui ne s’adressent pas qu’à un public d’historiens de l’art ! Pas du tout ! Ce sont des films accessibles à un large public et qui souvent, à côté des questions artistiques, disent des choses sur l’humain ou la société.
Dimitra Bouras : On a aussi essayé de mettre en place des prix très abordables ainsi qu’un cadre convivial qui permette la discussion autour des films. Pour « Doc sur le Pouce, » cela se passe autour d’un sandwich dans le Café de PointCulture Bruxelles ; pour « Docs à goûter » cela se passe autour d’un thé à la menthe ou d'un café et de quelques biscuits … On a à la fois des habitués qui viennent à presque à toutes les séances et des « nouvelles têtes » qui viennent pour un film en particulier.
« Docs à goûter » est organisé par Cinergie, avec Elicit (la section « écriture et analyse cinématographique » de l’ULB) mais sans le Centre du Film sur l’Art. Du coup, la sélection ne se limite pas aux films sur l’art, ce sont des documentaires belges, dans toute leur diversité. Et comme les projections ont lieu en début de soirée (17h30) on peut se permettre des films un peu plus long que le format d’une heure qu’on doit respecter le midi pour « Doc sur le pouce ».
- Le fait de devoir coller aux thématiques de saison de PointCulture,
c’est plutôt gai comme exercice de programmation ? Où c’est une contrainte
de plus (de trop ?) à respecter, en plus de la durée, de l’origine
géographique des films, etc. ?
Sarah Pialeprat : Le plus souvent, c’est assez excitant. Et avec Marc Roesems, qui s’occupe des documentaires à PointCulture, à trois, on a souvent pas mal d’idées. On se conseille des films qu’on ne connaît pas ou qu’on avait oublié, puis petit à petit on construit une programmation qui nous convient. Les dernières thématiques (autour de l’environnement, du rapport à la nature ; et autour de la ville) étaient assez larges pour qu’on n’ait pas trop de mal à trouver un large panel de films possibles. Pour la thématique post-colonialisme on a rencontré un peu plus de difficultés à trouver des titres qui traitaient de ce sujet sous le prisme de l’art, tout en nous convaincant et en respectant la durée maximale de 60 minutes. On a dû chercher un peu plus.
- Vous avez clairement dit que vous aimez tous les films que vous
programmez, mais est-ce qu’il y aurait, dans chacun des deux cycles, un film
que vous souhaiteriez défendre un petit peu plus – non pas parce qu’il serait
meilleur que les autres mais peut-être parce qu’il est plus fragile, parce
qu’il risque plus de passer inaperçu…
Sarah Pialeprat : Pour « Doc sur le pouce », j’aurais envie de parler de Lucien Hervé, photographe malgré lui (de Gerrit Messiaen, Belgique 2013) parce qu’il s’agit d’un artiste sans doute moins connu que Christo (qui en plus aura droit à une grande exposition à la l’ING Art Center au moment de notre projection) ou Oscar Niemeyer qu’on retrouve aussi dans notre cycle. Lucien Hervé a été le photographe attitré de Le Corbusier. Le film peut intéresser les amateurs d’architecture, de photographie mais il évoque aussi tout l’aspect humain, humaniste, de la vie de Lucien Hervé, son engagement, son parcours de résistant pendant la Deuxième guerre mondiale, etc. C’est un film très émouvant.
Dimitra Bouras : Pour « Docs à goûter », je choisirais le film le plus ancien de la sélection : Des murs ou des oreilles (Valérie Vanhoutvinck, Belgique 1997). C’est la rencontre, sous forme d’une sorte de road movie, entre la cinéaste, deux graffeurs belges et d’autres graffeurs européens à qui – en toute petite équipe – ils partent rendre visite pour le film… Tout ça à une époque où le graffiti était encore considéré beaucoup plus sévèrement qu’aujourd’hui, bien loin d’une certaine récupération par le milieu de l’art qui s’est développée depuis…interview : Philippe Delvosalle
photo du bandeau : L'Occupation des sols (Marie-Françoise Plissart), premier film programmé dans le cadre du cycle "Doc sur le pouce" en mai 2014 au PointCulture Bruxelles
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