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3 questions à Fanny Barnabé (ULg et Liège Game Lab)

"Outer Wilds"
Fanny Barnabé est Chargée de recherches FNRS à l'Université de Liège et travaille actuellement sur les tutoriels de jeux vidéo.

En 2017, elle a mené à terme son mandat d'aspirante FNRS et a obtenu le grade de Docteure en langues et lettres pour la thèse Rhétorique du détournement vidéoludique. Le cas de Pokémon. En 2017-2018, elle a réalisé un séjour postdoctoral d'un an à Kyoto, au sein du Ritsumeikan Center for Game Studies, sous la direction du Professeur Hiroshi Yoshida, à l'aide d'une bourse de l'Université de Liège. Ce séjour était consacré à l'étude du paratexte des jeux vidéo. Elle est aussi auteure de l'ouvrage Narration et jeu vidéo. Pour une exploration des univers fictionnels, paru aux Presses universitaires de Liège, qui a été récompensé en 2012 par le prix BILA (Bibliothèque des Littératures d'Aventures). Elle est membre du Liège Game Lab, du Laboratoire d'étude sur les médias et la médiation de l'ULg (LEMME), du laboratoire Ludiverse et de l'OMNSH.


- Thierry Moutoy (PointCulture) : Quel est le bilan du Liège Game Lab en 2020 ? Qu'est-ce que le confinement a changé ?

- Fanny Barnabé : L’année 2020 a été compliquée à Liège, comme partout ailleurs, mais elle a aussi été l’occasion pour le Liège Game Lab de mener de nombreuses expérimentations.

Les activités de recherche et d’enseignement s’étant déplacées en ligne dès début mars, nous nous sommes effectivement lancés dans l’utilisation régulière de deux nouvelles plateformes : Discord, où nous organisions un séminaire hebdomadaire durant lequel les membres du Lab (et parfois des invités extérieurs) présentaient l’avancée de leurs recherches, et la plateforme de streaming Twitch.tv. Sur cette dernière, nous avons diffusé différents types de contenus : des cours et conférences, mais aussi des sessions de « jeu analytique », des redécouvertes de nos jeux d’enfance (dans l’émission « Ère de jeu ») et des « cafés-thèses », où nous discutions informellement de recherches en cours de développement. — F. B.

Cette initiation au streaming a été particulièrement salutaire pour le laboratoire : non seulement parce que Twitch permettait de diffuser nos recherches facilement à un public élargi, mais aussi parce que ces nouveaux formats et ces expérimentations ont permis de maintenir une sociabilité scientifique à un moment où celle-ci était cruellement compromise : nous avons pu continuer à discuter, à collaborer, à réfléchir et à jouer ensemble, ce qui nous a considérablement aidés à traverser cette période par ailleurs démoralisante.

L’année a aussi été l’occasion d’organiser nos premiers événements en ligne : la Méta Game Jam (coordonnée par Damien Becret, qui réalisait un stage au sein du lab à ce moment) a ainsi réuni sur Discord des participants qui devaient, en un week-end, créer un jeu sur le thème « Qu’est-ce que jouer ? » (les jeux réalisés sont toujours disponibles à cette adresse). Dans un autre registre, le colloque international Replaying Japan 2020 a rassemblé en août une quarantaine de chercheurs et chercheuses qui ont présenté, pendant quatre jours, leurs travaux sur la culture vidéoludique japonaise et en particulier sur les e-sports.

Enfin, l’année 2020 est aussi celle durant laquelle nous avons préparé le lancement du certificat universitaire « Travailler avec la culture vidéoludique », qui vise à former les professionnel·le·s du secteur culturel souhaitant utiliser le jeu vidéo dans le cadre de leur métier et dont les cours commencent en ce mois de janvier 2021. Si cette année a été semée d’obstacles, nous sommes donc fiers d’avoir pu voir aboutir autant de projets, et enthousiastes vis-à-vis des nouveaux formats de recherche et d’enseignement que nous avons pu tester.

Néanmoins, s’il est bien une conclusion que nous pouvons tirer de ces mois de confinement, c’est que les contacts avec nos collègues et nos étudiants sont irremplaçables et que, malgré l’intérêt des dispositifs en ligne (que nous continuerons certainement à employer dans le futur), nous avons tout de même hâte de les retrouver. — F. B.

- Quelles ont été les faits marquants dans le jeu vidéo en 2020 ?

- L’année a été chargée en grosses sorties (The Last of Us 2, Hades, Doom Eternal, Cyberpunk2077, les consoles next gen, etc.), en événements – le Zevent 2020, marathon caritatif de streaming, a par exemple réussi à récolter 5.724.377 € pour Amnesty International en dépit des contraintes liées à la situation sanitaire – et en faits marquants (les affaires de harcèlement chez Ubisoft et les dénonciations de plus en plus nombreuses du crunch, entre autres, ont sensibilisé une partie du public à l’importance de garantir aux professionnel·le·s du secteur vidéoludique de meilleures conditions de travail).

Je retiendrai, en plus de tout cela, le foisonnement des détournements que les joueurs et joueuses ont fait subir aux jeux pour s’exprimer et se retrouver durant les périodes de confinement. — F. B.

Les manifestations de Gilets jaunes ou les expositions artistiques dans Animal Crossing, les cours ou célébrations organisées sur Minecraft ne sont que quelques exemples parmi les multiples créations qui ont joyeusement proliféré sur internet et qui ont permis de faire vivre des pratiques ou des domaines qui ont été gravement mis en danger par les restrictions sanitaires : la culture, l’enseignement, la sociabilité et la contestation politique.

- Quel est ton best of de 2020 ?

- Durant cette année, j’ai surtout été marquée par les jeux qui m’ont offert une bouffée d’air durant les différents confinements. Comme beaucoup d’autres, j’ai ainsi passé de nombreuses heures sur Animal Crossing: New Horizons à décorer mon île, visiter celles de mes amies ou prendre des photos ridicules de mes voisins. Je repense avec plaisir aux moments de « slow gaming » que ce jeu m’a offerts, ces sessions reposantes où je pouvais jouer tout en faisant autre chose (regarder mes streamers préférés, par exemple).

Mais être enfermée m’a aussi donné envie d’explorer de grands espaces : j’ai ainsi découvert – longtemps après sa sortie – le magnifique 'Outer Wilds' (cf. image de bannière), qui est l’une des expériences vidéoludiques les plus émotionnellement fortes et transformatrices que j’ai vécues, mais dont je ne parlerai pas plus car je souhaite à tout le monde d’en faire la découverte. — F. B.

J’ai aussi longuement sillonné les mers de Sea of Thieves. Ce dernier jeu, en mettant au premier plan le plaisir de l’exploration et de la chasse au trésor, m’a aidé à calmer mes envies de voyage. Enfin, les jeux de survie-crafting que sont Raft et Minecraft m’ont permis de partager des moments privilégiés avec mes proches (notamment avec mes neveux), bien plus drôles et communicatifs que ce que permettent les froides visioconférences.


Interview (par e-mail, janvier 2021) : Thierry Moutoy