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Interview GOnzine et E²

Tous genres bienvenus

publié le par Philippe Delvosalle

En ce mois d’avril, la structure E² (galerie, éditions, etc.) d’Émilie Ouvrard accueille au Chaff, à la Place du Jeu de balle, les linogravures et le fanzine 100% féminin de Sarah Fisthole. L’occasion d’une interview croisée.

GOnzine numéros 1 à 3

- Sarah, pourrais-tu raconter la genèse de GOnzine, ce « graphzine » de « gonzesses », cette « revue oestrogénique » : quand et d’où est venue l’idée du projet, comment elle s’est mise en place au début, etc. Avais-tu en partie des modèles, des exemples à suivre ou à adapter, des sources d’inspiration ?

Sarah Fisthole : En 2011, j'avais créé mon blog et j'avais le désir d'aller dans un certain sens par rapport à ce que je voulais raconter, exprimer. J'avais découvert le travail d'Anne Van Der Linden qui m'avait assez ébranlée. Je proposais des BD et dessins à droite et à gauche, et on les a pas mal refusés pour des raisons qui me paraissaient complètement débiles. J'avais un pied dans l'alternatif via la maison d’édition The Hocchie Coochie et je trouvais qu'il y avait beaucoup de garçons dans le secteur, que ce n'était pas très équilibré. Du coup, par réaction, au début primaire, je me suis dit « Allez vous faire foutre, je vais m'autoéditer et je vais le faire comme je le veux ». Et j'ai décidé de proposer à des copines qui dessinaient et n'avaient pas l'opportunité d'être éditées de faire ça avec moi.

Le Torchon brule couverture

Au niveau des modèles, il y avait Le Torchon brûle, un journal qui a duré six numéros éditées dans les années 1970 par les nanas du MLF je crois. Un journal hyper riche graphiquement avec des articles, des textes... dans un esprit années 1970. Il y avait donc ça mais sinon pas trop de modèles justement, et je ne trouvais pas d'équivalence par rapport à l'espace de liberté et d'indépendance que je voulais investir, c'est pour ça que j'ai créé le GOnzine. D'une manière générale, tout ce qui était collectif ne durait pas trop dans l'alternatif, et c'est pour ça que je me suis proclamée PDG toute puissante [joke par rapport au magnifique monde capitaliste dans lequel nous vivons...] ; je suis la patronne quoi ! [clin d’œil]

- J’imagine que la dimension collective est importante. Tu aurais pu faire le choix de juste publier tes propres dessins, en solo, dans ton coin, sans mettre une partie importante de ton énergie au service des autres…

J'édite aussi mes dessins dont je suis la seule star. [sourire]

Pour le collectif, je sais que j'ai des facilités pour mener les autres à faire des choses. Et j'ai aussi une expérience, j'ai fait l'école du livre, je connais un peu le secteur de l'édition. J'avais l'idée de fédérer les nanas et de créer une énergie pour qu'elles aient l'envie de se prendre en charge et de mettre en route leurs propres projets. Et aussi qu'elles se rencontrent, deviennent copines pour certaines, fassent des choses ensemble. L'envie de regrouper des solitudes. La création est une discipline très solitaire. GOnzine, c'est une manière aussi de se sentir entourée.

reliure d'un numéro du GOnzine

- Tu es aussi relieuse. Si j’ai bien compris, tu fais imprimer l’intérieur du fanzine mais tu l’insères dans une couverture en gravure ou « fait main ». Ce côté DIY est-il aussi important pour toi ?

J'ai choisi d'éditer à un nombre d'exemplaires limités et aussi de faire les choses à la main car j'ai un certain goût pour l'artisanat, j'ai toujours été manuelle, et je suis en effet relieuse de formation. Au-delà du côté DIY féminin, c'est une réponse à la société dans laquelle on vit : la surproduction, surfabrication et surconsommation du monde capitaliste. Je récupère beaucoup de matériaux pour mes éditions. Créer c'est résister. C'est ma forme de résistance à moi.

- Le choix du noir et blanc pour l’intérieur du fanzine découle-t-il juste de choix économiques ou aussi de partis pris esthétiques ?

Les deux.

- Sarah et Émilie, pensez-vous que l’acte de création est « genré » ? Souvent on a l’impression par ex. qu’un groupe de rock à batteuse ne sonne pas exactement comme un groupe de rock à batteur mais on a du mal (et c’est peut-être très bien qu’on ait du mal) à exprimer clairement en quoi consiste cette différence (sans tomber dans les clichés sexistes de la fragilité, de la délicatesse, de la sensibilité, etc.).  Au bout de cinq numéros de GOnzine, voyez-vous poindre des bouts de réponses ? Ou, au contraire, considérez-vous qu’il y a parfois plus de différences au sein de votre collectif d’auteures, qu’entre certaines d’entre vous et certains pairs masculins ?

Sarah : En cherchant dans la littérature, l'histoire etc., on remarque que les questions de genre sont apparues principalement au 19ème siècle, et qu'avant ça, on s'en fichait pas mal... Les questions de genre c'est des conneries, c'est surtout des questions de marketing. Un humain est beaucoup plus complexe que ce qu'on veut nous faire croire. La vie, ce n'est pas que du noir et du blanc, c'est plein de nuances.

Émilie Ouvrard : Nous sommes dans une société genrée, on est éduqué là-dedans. Que chacun puisse en faire ce qu'il veut, le dépasser ou pas. Et que chacun ait les mêmes droits.

- La question du corps (et du corps féminin, en particulier) est très présente dans GOnzine. Peut-être qu’il y a là une des différences-clés avec le traitement par des auteurs masculins : chez ceux-ci, même bienveillants, pas horriblement machos, quand ils abordent le corps féminin, on reste dans la projection, dans une réalité vue de l’extérieur ; chez vous, c’est une réalité vécue, incarnée, expérimentée…

Oui finalement tu réponds bien à la question ! Une réalité vécue, incarnée, expérimentée !

stand E² à PointCulture (Small is Beautiful)

- Émilie, en quoi ta structure E² se rapproche-t-elle et diffère-t-elle de ce que Sarah a mis en place avec GOnzine ?

E², à la base, c'est surtout des expos et de la diffusion avec la « distro » [structure indépendante de distribution] ; l'édition est venue après. En 2014, quand on a créé E², l'idée était de proposer des expos d'artistes que l'on ne voyait pas – ou peu – à Bruxelles, et dont j'aimais beaucoup le travail. Et aussi de diffuser des livres d'éditions et d'artistes peu – voire pas du tout – distribués ici. Puis, à la fin de l'année 2014, quand notre bail dans la vitrine 5 de Recyclart a pris fin, nous avons décidé de réaliser un coffret avec un livre et deux cassettes immortalisant nos six mois d'expositions et de concerts dans cet espace. J'ai toujours aimé les livres, et j'avais envie de développer cet aspect. Du coup, depuis cette année, chaque exposition est l'occasion d'éditer un livre imprimé en risographie et sérigraphie de l'artiste ou des artistes invité(s).

Bref, le GOnzine et E² se retrouvent au niveau de l'univers, des artistes, du côté artisanal de l'édition. On a exposé Sarah en juillet 2014 ; depuis, on est copines ! [rires]

Aussi, avec E², on expose pas mal de filles. Je ne me suis pas dit au départ que j'allais exposer le travail d'auteures féminines, ce n'était pas réfléchi, j'ai choisi les artistes sans penser à la question du genre, c'est après coup que je me suis aperçue que les filles étaient bien représentées dans ce que je proposais. Comme disait Sarah, il y a beaucoup de garçons dans le secteur, et si je regarde ma bibliothèque, j'y trouve beaucoup d'hommes. Maintenant, j'y prête attention, je souhaite que les filles soient bien présentes dans nos expos et éditions.

- Émilie toujours, peux-tu dire quelques mots sur les groupes qui joueront au Chaff le 7 avril ?

Jeudi soir, pour le vernissage, il y a un concert de Cellule 34, Totenfest passe des disques avant le concert, et Muffin après.

Pour le concert, Cellule 34, c'est principalement des influences post punk et new wave, c'est un one-man band guitare-synthé, né « officiellement » en 2012. Depuis longtemps il faisait de la musique, souvent seul, surtout en dilettante. Il a essayé plusieurs fois de monter ou rejoindre un groupe, sans succès pour différentes raisons. En 2014, il s’est enfermé deux mois pour préparer un live tout seul. Il a fait son premier concert à la Galerie E² dans la vitrine 5 de Recyclart, puis il a joué un peu à Bruxelles. Peu de temps après, Cellule 34 est parti en tournée américaine avec Unur et Froe Char. On trouve une cassette « Cellule 34 » sortie sur Modern Tapes. Cet été, Cellule 34 va s’isoler pour enregistrer et mixer assez de morceaux pour faire un album et préparer un nouveau live.

- Et pour conclure Sarah peux-tu dire quelques mots sur ta série de linogravures « LinoFists  / Sugarmorphics » ? Elle sera présentée sous forme d’expo ? Et/ou de livre ?

Les deux. Sous forme d'expo et de livre. Et je suis super contente, c'est la première fois que quelqu'un décide d'exposer mes gravures et – qui plus est – d’en faire un livre !

> GOnzine (page Facebook)
> Sarah Fisthole
>

 

Interview (par e-mail) : Philippe Delvosalle
avril 2016


linogravures "Linofists" de Sarah Fisthole

E² : GOnzine n°5 & Sarah Fisthole

Du Jeudi 07.04. au Samedi 30.04.2016

Au Chaff
Place du Jeu de Balle 21-22 – 1000 Bruxelles

Expositions / Éditions :
- GOnzine n°5
- Sarah Fisthole : « Les LinoFists ‘Sugarmorphics’ »

Vernissage / Concerts :
Jeudi 07.04.2016 – de 18h à 1h – gratis

Totenfest (post-acid-noise-wave-synth-polka)
Cellule 34 (no-new-wave-synth-indus)
Muffin (new wave-cold wave-post-punk)

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