INTERVIEW : Lutherie Urbaine
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Au bout de la ligne 13 du métro parisien, de l’autre côté du périphérique de Paris, à Bagnolet, s’est installé la Lutherie Urbaine, une association dédiée à la création musicale et la recherche instrumentale au départ d’objets recyclés du quotidien. Mélissa Azaïche, médiatrice culturelle, et Benoit Poulain, luthier urbain, expliquent leur travail lors d’une déambulation au milieu des instruments bricolés. Sur fond de répétition de spectacle et entre deux démonstrations sonores des instruments entreposés dans leur atelier, ils parlent de détournement, de retour aux sources dans la démarche musicale et de pont bâti entre les amateurs et les professionnels.
Frédérique Muller : Pouvez-vous nous parler des activités de la Lutherie urbaine ?
Mélissa Azaïche : Depuis 2006, nous accueillons ici des artistes pour créer des spectacles et mettre en place des actions culturelles telles que des ateliers de création et de fabrication d’instruments.
BP : Le projet tient en deux parties : la réutilisation de déchets ou de matériaux urbains et le travail avec des amateurs. Notre savoir-faire, c’est vraiment d’emmener les gens jusqu’au spectacle, depuis la trouvaille d’un beau tuyau sur un trottoir jusqu’à la scène, avec un micro, des projecteurs et un public …
FM : Les instruments conçus pour les spectacles sont-ils tous fabriqués par vos soins ?
Benoît Poulain : Oui, tous. Cette démarche situe la musique dans un autre contexte que celui du conservatoire et de la musique académique. C’est de la musique bricolée … Ce travail permet de sensibiliser à la récupération et au problème des déchets. C’est aussi un retour aux sources de la lutherie. Je pense que sur les trois-quarts de la planète, les musiciens fabriquent encore eux-mêmes leurs instruments. Ca n’est que dans nos pays très développés que la musique est devenue si académique, qu’elle s’apprend au conservatoire et que les instruments s’achètent en magasin … Les premiers instruments étaient au départ taillés dans un os ou un bout de bois. Aujourd’hui, c’est simplement l’environnement qui a changé.
MA : Les amateurs fabriquent leurs propres instruments. Il y a une phase de collectage puis une phase de fabrication. Ensuite l’apprentissage du répertoire sous forme de jeux, de question-réponse et de répétition. On n’est pas sur de la pratique instrumentale ni sur une transmission académique avec des partitions. C’est un enseignement oral.
BP : Il y deux catégories d’instruments dans notre instrumentarium : les instruments solistes qui sont des reproductions d’instruments académiques destinés à être jouées par des musiciens professionnels comme notre clavier en cuivre fabriqué avec des tuyaux de canalisation et qui est assez proche du vibraphone ou xylophone ou le taragot, un assemblage complexe de couverts, clés de porte, et autres petites pièces de métal. Les instruments pour amateurs sont eux construits pour être faciles à jouer et en fonction du répertoire. La basse construite avec un tambour de machine à laver ne comporte par exemple que trois cordes, pour les trois notes dont la personne aura besoin dans le spectacle.
FM : Accordez-vous une place particulière à l’esthétique de l’instrument ? Quelle est la place de l’usage d’origine ?
MA : Quand on va détourner un objet, on ne va pas le peindre ou le rendre joli. Il va être là pour lui-même et on l’a choisi parce qu’il sonne bien. Un tuyau en PVC gris va rester gris, il est beau en tant que tel et il nous rappelle ce qu’on voit dans les maisons ou les chantiers. C’est important de garder l’élément naturel ou urbain pour qu’on puisse reconnaitre la fonction. L’histoire de l’objet donne du charme.
Extraits des propos recueillis par Frédérique Muller en Février 2013 au LULL.
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