"Darwin l'original", exposition sur un personnage à la fois connu et méconnu
Sommaire
Une théorie révolutionnaire
Les travaux de Darwin sont véritablement révolutionnaires lors de la parution de son premier livre « L’origine des espèces » en 1859. Ils reposent sur deux grandes idées : l’unité et la diversité du vivant s’expliquent par un mécanisme d’évolution ; le moteur de l’évolution est la sélection naturelle. La notion d’évolution des espèces constitue une alternative au récit biblique et bouscule ainsi certaines notions fondatrices de la culture occidentale. Darwin fut ainsi à l’époque l’objet de nombreuses caricatures.
Aujourd’hui, si sa théorie semble communément admise, elle reste encore parfois mal comprise et véhiculée sous une formulation approximative, voire fausse, telle que « l’homme descend du singe » ou la nature, règne de « la loi du plus fort ». L’un des objectifs de l’exposition est de mieux faire comprendre la nature et la portée des travaux de Darwin.
Geraldine Nutile raconte qu’aujourd’hui encore, la confusion entre les travaux de Lamarck et ceux de Darwin persiste. La théorie du transformisme de Lamarck ouvre la voie, cinquante ans auparavant, en postulant que toutes les espèces vivantes ont évolué au cours du temps à partir d'un seul ou de quelques ancêtres communs et que cette évolution était le fruit d’un processus de « sélection naturelle ». Cette proposition n’avait alors pas fait scandale. Mais les mécanismes de l’évolution diffèrent selon les deux scientifiques. Pour le grand public, l’évolution est généralement comprise sur un mode lamarckien. C’est-à-dire que les modifications évolutives se produisent sous l’influence de l’environnement. Les girafes auraient allongé leur cou pour atteindre les feuilles les plus hautes des arbres et ainsi augmenter leurs chances de survie. Le processus darwinien, implique quant à lui, que des petites variations génétiques aléatoires au sein d’un groupe confèrent plus ou moins de chances de survie. Via la reproduction, les individus présentant les caractères les plus avantageux se reproduisent alors et transmettent ce caractère.
C’est une proposition non finaliste qui semble moins intuitive pour le sens commun. Avec elle, la nature ne poursuit plus d’intention pour guider l’évolution des espèces, elle se passe aussi de Dieu. Cette rupture épistémologique aura des retentissements considérables.
Élaborer une théorie scientifique
L’exposition est construite selon un fil conducteur historique. Elle commence par poser le contexte du XIXe siècle, une époque marquée par de grands bouleversements : développement de l’empire colonial, révolution industrielle, émergence de la classe populaire, découvertes paléontologiques, plus grande vulgarisation et production de livres.
La seconde partie de l’exposition concerne le célèbre voyage en bateau qui l’emmena notamment aux îles Galápagos, une étape clé dans son travail. Initialement parti pour deux ans, Darwin voyage finalement pendant cinq ans autour du monde. Durant, ce voyage, il observe, récolte, entretient des correspondances avec des scientifiques et élabore les prémices d’un travail d’élaboration plus formel de la théorie de l’évolution, qui prendra encore vingt ans.
Dans un troisième temps, l’exposition permet de saisir l’étendue du travail de Darwin au fur et à mesure de la publication de ses livres.
L’exposition s’attache aussi à dévoiler quelques aspects plus personnels de la vie de Darwin, à décrire le personnage, marié à sa cousine et père de dix enfants, très présent à leurs côtés, abolitionniste, peu enclin à la confrontation, pour ne livrer que quelques traits.
Le parcours se termine sur la formulation actuelle de la théorie de l’évolution qui, comme toute théorie scientifique, est encore à l’étude, disponible pour la recherche. Les deux dernières parties de l’exposition concernent ainsi la réception des idées de Darwin et leurs détournements à des fins politiques (darwinisme social et eugénisme) puis à l’héritage de cette théorie en sciences de l’évolution aujourd’hui.
Pourquoi le Centre d’Action Laïque a-t-il souhaité faire venir cette exposition ?
L’exposition a été conçue par la Cité des sciences et de l’industrie en collaboration avec le Muséum national d’Histoire naturelle de Paris. Le Centre d’Action Laïque de la Province de Liège l’a ensuite invitée à s’installer au cœur de la Cité Miroir à Liège moyennant quelques aménagements pour en réduire la taille.
L’intention est ici de clarifier le contenu de l’apport de Darwin et d’insister sur son importance dans une perspective de défense de la laïcité. Gérardine Nutile explique que les courants fondamentalistes connaissent un regain d’intérêt important au sein des grandes religions monothéistes, notamment aux États-Unis, mais pas seulement. En 2007 par exemple, en France et en Belgique, les écoles ont reçu un « Atlas de la création », récusant l’existence d’un processus évolutif et attribuant au darwinisme des propriétés intrinsèques menant aux génocides. Les risquent de réappropriation et détournements des travaux de Darwin persistent.
L’idée de l’exposition est donc aussi d’insister sur l’importance de la recherche, toujours libre de s’enrichir, un véritable enjeu pour lutter contre une société théocratique.
Texte et photos : Frédérique Müller
Du 12 octobre 2019 au 2 février 2020
La Cité Miroir
Place Xavier Neujean, 22
4000 Liège
Exposition à visiter avec un guide ou avec un passeport
Exposition tout public (familial et scolaire) à partir de 10 ans.