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Je suis Femen – Alain Margot

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Ukraine, activisme, feminisme, révolte, Oksana Chatchko, Femen, Révolte !

publié le par Benoit Deuxant

Le 24 août 2009, à Kiev, les FEMEN manifestent lors des célébrations de l’indépendance ukrainienne. Elles n'en sont pas à leur première intervention, et chacune des précédentes a été mise en scène pour attirer un maximum d'attention sur leurs revendications. Mais c'est cet événement qui va donner forme à toutes leurs actions futures.

Depuis sa fondation en 2008, le groupe FEMEN a multiplié les actions contre l’exploitation des femmes en général et en particulier contre la prostitution en Ukraine. Rassemblant des activistes étudiantes (et quelques étudiants), le groupe s’était constitué autour de questions comme les droits des femmes dans le pays, le sexisme et l’homophobie, ainsi qu’autour de l’opposition au président Ianoukovytch et à l’interventionnisme russe. Il s’était particulièrement attaqué au problème du tourisme sexuel et du trafic des femmes ukrainiennes attirées à l’étranger par les réseaux de prostitution. Jusqu’alors, le groupe avait varié les approches, de la protestation classique à des actions en costume, déguisements sexy et uniformes d’infirmières détournés du répertoire pornographique. En aout 2009, durant une action lors des célébrations de l’indépendance, Oksana Chatchko invente ce qui deviendra le signe distinctif des FEMEN, leur marque de fabrique. Elle proteste seins nus, une couronne de fleur sur la tête et la phrase “l’Ukraine n’est pas un bordel” lui barrant la poitrine.

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Le succès public et l’effet médiatique de cette action ont convaincu le groupe de l’adopter pour chaque nouvelle manifestation. Le passage de la parodie d’”uniforme pornographique” à ce nouveau mode d’opération se révèle rapidement efficace à plusieurs niveaux. Il est facile à réaliser, gratuit, et peut être mis en place très rapidement lors d’actions éclair. Son symbolisme est important, plutôt que de montrer la soumission, il montre la fierté, la reprise par les femmes du contrôle de leur corps. La couronne de fleur représente dans la culture ukrainienne les jeunes filles non-mariées, c’est-à-dire libres et indépendantes. Si elle a écarté plusieurs militantes de la première heure, hésitant à se dévêtir ou contestant la validité féministe du geste, la stratégie visuelle a fonctionné au-delà des espérances du mouvement, et a été reprise par d’autres organisations à l’étranger.

Plusieurs films ont été consacrés au mouvement FEMEN. Parmi ceux-ci, “Je suis Femen” d’Alain Margot se concentre sur la personne d’Oksana Chatchko dont il tire un portrait très attachant. La force du film est de réunir les documents permettant de retracer cette histoire de l’intérieur, à la source, à bonne distance des distorsions, des dévoiements, des fantasmes. On suit Oksana Chatchko depuis 2008, alors qu’elle fonde le mouvement avec Anna Hutsol et Aleksandra Shevchenko. On y découvre un mouvement à la fois féministe, politique et artistique, on suit ses premières actions concernant des problèmes locaux : la corruption des hôpitaux, le harcèlement et les inégalités sexistes dans les universités, avant qu'il ne s’étende à des problématiques nationales. A travers des images d’archives, documentant leurs interventions, mais aussi des scènes en coulisse montrant la préparation de celles-ci, ainsi que des scènes plus intimes, Alain Margot s’intéresse à son personnage dans sa vie publique comme privée. Le film suit les événements de manière chronologique, actions après actions et donne la parole à la militante, qui explicite son engagement et raconte son parcours personnel. Elle y parle d’activisme, de sa fascination d’enfance puis de son rejet de la religion orthodoxe, ainsi que de ses études de peinture d’icônes.

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Oksana quitte l’Ukraine en 2012 et se réfugie à Paris lorsque la répression se fait de plus en plus dure à l’égard du mouvement et que plusieurs femens commence à craindre pour leur vie. Elle rejoint une autre militante, Inna Shevchenko, qui avait quitté le pays quelque temps auparavant après une action en soutien au groupe Pussy Riot, emprisonné en Russie. Elle avait abattu à la tronçonneuse la croix chrétienne d’un monument proche de la place centrale de Kiev. Les réactions violentes à cette provocation avaient poussé Shevchenko à l’exil à Paris où elle avait ouvert le centre Femen France. Très vite hélas, les relations d’Oksana Chatchko avec sa camarade et les nouvelles recrues françaises de celle-ci ont dégénéré et elle s'est retrouvée exclue des activités du groupe. De plus en plus isolée, elle se replia sur la peinture et peina à maintenir de rares contacts avec les femens ukrainiennes entrées en clandestinité ou dispersées à travers l’Europe. Elle se suicidera en juillet 2018, dans son appartement de Montrouge, près de Paris. Elle avait 31 ans.

(Benoit Deuxant)