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Joindre le geste à l’écoute (Frédéric Alstadt / studio Ǻngström)

Artistes au travail

publié le par Benoit Beoziere

Creusé dans une cour, en pleine ville mais loin de la rue, l’endroit peut recevoir du monde comme s’en préserver. Le silence — ou ce qui en tient lieu — y est acquis : des murs en guise de filtre et d’écran, un ajournement contrôlé des tumultes […]

Frederic Alstadt au Studio Angström (photo par Weird Dust)

Ǻngström ? Entendez bien minuscule. Frédéric Alstadt, cofondateur et principal pilote du projet (label + studio de mastering) avec Nicolas Esterle, revendique un certain goût pour l’ironie. Selon un ordre de grandeur qui lui est personnel, l’infime féconde des réalités nombreuses. Voyez ce studio, dès que le travail cesse, il se mue un appartement. Complice, le décor ne change pas. Les murs de la pièce centrale – le studio proprement dit — sont parés de modules quadrangulaires en bois ou en tissu. Il n’empêche on respire, pour cela des fenêtres sur les côtés et au plafond laissent entrer ce qu’il faut de jour. Un appareillage technique à la fois vintage et dernier cri, une table basse et un jeu de fauteuils en cuir composent un salon aux qualités acoustiques d’un studio. Ne faut-il pas, pour accueillir la sensation et lui ménager la place qu’elle mérite, toute la quiétude permise ? Certes, seulement il ne s’agit pas de cela. Ce serait presque le contraire : Ǻngström ne s’identifie pas à un quelconque idéal de confort ou d’épuration acoustique, c’est un milieu hybride, habité… Pas question que la technologie domine comme dans ces endroits où il ne fait pas bon vivre, ces endroits où l’on ne se sent pas penser ni même, justement, sentir. Ouvert et isolé, à la pointe et vintage, intime et public, Ǻngström navigue entre deux eaux suivant un mouvement oscillatoire ratifié par le chat que la duplicité de sa demeure manifestement agrée.

 

Frédéric ne cache pas que superposition et télescopage des espaces sont de sa part les fruits d’une stratégie fuyant les studios aseptisés. Des aspirations voisines et complémentaires, mais — en temps comme en équipement — onéreuses se font ainsi une place mutuelle comme Frédéric le démontre par sa propre histoire. Tout commence à Toulouse, ville jeune, festive et maternelle. Études et initiations partagent la jeunesse de Frédéric : d’une liste non exhaustive, on épinglera la guitare classique, le droit, la musique électronique, la radio… Dans le feu de ses activités diverses et en marge de ses études universitaires, Frédéric approfondit peu à peu ses connaissances en mastering. Plus tard viendra la gravure sur vinyles. En attendant, il compose des musiques expérimentales et se produit comme DJ. Ǻngström se construit à la faveur d’un studio loué tout équipé à un important producteur de la région. Diplôme en main, Frédéric prend le large (avantage de la petitesse : Ǻngström l’accompagne). S’ensuivent une période d’errance, la quête de nouveaux territoires sonores et un atterrissage en douceur à Paris. Sur la carte, hors de toute visée consciente, Bruxelles survient presque par hasard : une voiture à saisir puis l’opportunité d’une sous-location. Comment, pourquoi ? Sur ce point, le chaînon paternel pèse sans doute moins que cette spécificité de Bruxelles d’être plusieurs choses à la fois, de ne pas avoir d’identité unique… Face à une indétermination qu’il considère comme terrain fertile, Frédéric ne résiste pas. Ǻngström emménage d’abord dans une cave à Schaerbeek avant d’élire domicile, pour un surcroît de paix et de lumière, à Saint-Josse.

 

Ce parcours, on pourrait tout aussi bien le reprendre depuis le début en le rapportant cette fois à l’écoute, l’écoute définissant un autre rapport au monde. Frédéric, dont la tâche consiste entre autres à restituer après gravure (sur vinyle, cd ou bande magnétique) un son plus vrai que nature (et donc à compenser, enjoliver ou anticiper les distorsions générées à tous les stades de la captation et de la réception) considère qu’il fait œuvre d’illusionniste. Ce n’est qu’au prix d’un nombre considérable d’essais (comparés, mis en balance avec l’original) que la musique enregistrée retrouve sinon sa consistance native, tout au moins une épaisseur substantielle. Touche ultime, la gravure vient alors véritablement couronner un acte de foi dans la persistance de l’être.

 

À l’heure où s’écrivent ces lignes, Frédéric attend avec émotion de récupérer la graveuse qu’il a longtemps partagée avec son ami et collaborateur Yann de Keroullas tragiquement disparu dans la fleur de l’âge. Plus qu’un outil de travail, c’est un objet empreint de souvenirs, un objet trouvant naturellement sa place au cœur d’Ǻngström, intime et fonctionnel, medium dans le plein sens du terme, raccordant idée et matière, visible et invisible, mort et vivant. 

 

Catherine De Poortere

photo: Weird Dust

> site du studio Ǻngström

 


Fête de la Musique au Studio Ǻngström

Musiciens en studio (de mastering)

Réunis au Studio Ǻngström de Saint-Josse, autour du musicien et dessinateur Arrington de Dionyso (Old Time Relijun), une série de musiciens bruxellois prépareront et graveront des sons qu’ils utiliseront lors de leur concert du samedi 20/06 au Théâtre de la Vie.

Musiciens:


Rendez-vous toutes les deux heures au PointCulture, à 10 minutes à pied du studio, pour aller in situ les voir jouer et travailler.

Jeudi 18/06 - 4 visites: à 12h / 14h / 16h / 18h
Vendredi 19/06 - 4 visites: à 12h / 14h / 16h / 18h

Réservation vivement conseillée : 02 / 737 19 60

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