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Joseph Zobel : "d'amour et de silence"

Colonies Héritage et tabous

publié le par Françoise Vandenwouwer

Un film de Kamel Kezadri et Olivier Codol Collection "Un siècle d'écrivains", dirigée par Bernard Rapp

Les mains de l’écrivain défont la corde qui assemble les pages du manuscrit La Rue Cases-Nègres. Zobel a dessiné une case et un palmier, au crayon, au-dessus du titre. Il lit à voix haute quelques lignes du manuscrit daté du 11 février 1948. Divers témoignages d’écrivains antillais et non des moindres,  Ernest Pépin, Edouard Glissant, Patrick Chamoiseau, et bien d’autres, vont accompagner les propos de Zobel, qui raconte son enfance et sa vie. Et les images de son île, la Martinique, des images d’archives, des extraits du film d’Euzhan Palcy, Rue Cases-Nègres (1982,) qui ne sont pas celles des catalogues d’agences de voyages…

On parle de la langue créole, qui fut interdite par le gouvernement colonial, du parcours scolaire qui permettra d’échapper au travail dans les plantations. Fort de France, le fameux lycée Schœlcher où ont étudié Aimé Césaire, Frantz Fanon, Edouard Glissant…

Et Patrick Chamoiseau explique : « Le monde antillais vient des plantations, des plantations esclavagistes d’abord, et ensuite a été structuré par les plantations. On peut dire que la plantation est une matrice des cultures caribéennes, et cette matrice allait progressivement se défaire, s’épuiser, se déliter, pour laisser la place à une autre matrice qui serait l’espace urbain. Et dans les romans de Zobel, on a cette dualité, l’effondrement du système des plantations, l’apparition des nouvelles valeurs du système urbain, avec notamment cette fascination pour le savoir, la conquête de l’école, celle de la langue, tout ce qui allait produire un processus d’assimilation à la France et le processus de dépendance et d’assistanat que nous connaissons. »

La carrière littéraire de Joseph Zobel démarre aux Antilles, durant la seconde guerre mondiale, l’île est alors sous l’autorité du gouvernement de Vichy.  Il publie des nouvelles et des articles dans le journal Le Sportif, « hebdomadaire sportif, littéraire & d’information ». Les gens qui écrivent dans cette publication ne sont pas journalistes, ce sont pour la plupart des fonctionnaires, instituteurs, gens de l’administration. Leurs articles sont soumis à la censure, ils sont contraints de prendre des pseudonymes. Mais tout le monde à Fort de France sait que celui qui signe Kay-Mac-Zo est Joseph Zobel. Aimé Césaire figure parmi les lecteurs du journal et lit les articles de Zobel dont il estime les qualités littéraires. Il incite alors Zobel à écrire un roman. « Dans la semaine qui a suivi, je me suis mis à écrire Diab’-La. » Au même titre que les écrits et publications des intellectuels martiniquais, le roman de Zobel est une œuvre de résistance car l’écrivain parlait aux Martiniquais de leur vie, ils se reconnaissaient dans ses histoires. Il leur parlait de leur culture, de leur réalité sociale. Il leur révélait l’existence d’une identité créole. Son premier roman sera censuré par les autorités.

En 1946, Zobel arrive à Paris pour entreprendre des études supérieures. En 1947 il obtient un poste de surveillant dans un lycée à Fontainebleau. Il fréquente une famille d’artistes et séduit leur cercle d’amis par son art de déclamer les poèmes et de raconter des histoires. Après la guerre, à Paris, les artistes, musiciens et poètes continuent à se retrouver dans les « caves ». Zobel y lisait des poèmes africains, antillais et des œuvres aussi d’auteurs noirs américains.

Voici Zobel sur les lieux de la Rue Cases-Nègres, désormais envahis par la végétation. Il parle de cette enfance peu banale, de cette vie dans cette rue inconnue de tous ceux qu’il fréquentera au lycée puis à Fort-de-France. Il écrira le roman durant ses études à Paris. Il obtiendra le Prix des Lecteurs en 1950 mais le roman fera débat, il révélait après-guerre la misère dans les champs de cannes et le comportement de l’administration coloniale.

Zobel désirait profondément connaître le pays de ses ancêtres, l’Afrique. En 1957, il obtient un poste dans un lycée au Sénégal et s’y installe avec sa famille. Le Sénégal se détache alors de l’Afrique Occidentale Française (fédération française qui regroupait 8 colonies), d’abord en 1958 comme république autonome pour prendre enfin son indépendance en 1960. Léopold Sédar Senghor est alors nommé premier président de la République du Sénégal. Conscient de ce qu’il peut apporter au niveau culturel, Joseph Zobel se dirige vers la radio sénégalaise et devient producteur d’émissions culturelles, ce qui lui permettra de rencontrer de nombreux artistes.

En 1974, il prend sa retraite, revient en France et s’installe dans les Cévennes.

Zobel s’intéresse depuis toujours à l’art et à l’artisanat. L’écriture est pour lui « une tentative de créer de la beauté », il sera aussi peintre, dessinateur, aquarelliste, céramiste et maître en art floral japonais, cherchant avec humilité ces instants de « contentement » qu’il ressentira dans la créativité. « Joseph Zobel est protéiforme. Nouvelliste, romancier, poète, artiste multiple, dessinateur, peintre, céramiste et toujours avec le même talent, toujours dans ses œuvres exprimant le même souci, celui d’une expression sincère, d’une expérience individuelle mais qui toujours coïncide chez lui avec l’expérience collective.»(Roger Toumson)

Cet homme extraordinaire s’est éteint à l’âge de 91 ans, en juin 2006.

 

Françoise Vandenwouwer

 

Cette année 2015 voit se multiplier les hommages autour du centenaire de la naissance de Joseph Zobel :

Ainsi en Martinique, 2015 est déclarée Année Zobel :

http://www.josephzobel.com/

A Paris une exposition et un colloque à la Sorbonne lui sont consacrés :

http://www.exposition-joseph-zobel.fr/

Une rencontre avec l’écrivain :

http://tvfrancophonie.org/h264/235-joseph-zobel-le-soleil-d-ebene

A propos de Diab’La :

http://zobel.potomitan.info/article2a.php

 

 

 

 

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