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Julie Margat (Lispector) : « One-Woman Quiet Riot »

Lispector - photo by Katura Jensen 2018
Depuis environ vingt-cinq ans, depuis plusieurs points d'émission aux quatre coins du globe, sur cassettes, CD, disques vinyle, Julie Margat revêt son identité de Lispector pour nous offrir ses chansons pop à la fois fragiles et irrésistibles. À la fin de l'année 2021, elle nous bluffait lors d'un petit concert en formule karaoké-conférence chez Super Fourchette. Le 17 février 2022, elle remet le couvert au Brass pour les 10 ans du label Teenage Menopause.

Sommaire

- Bonjour Julie, peux-tu parler du « où / quand / comment » de la création de Lispector ?

- Julie Margat : Lispector est le nom du projet musical que j'ai commencé juste après l'achat de mon premier enregistreur 4 pistes, il y a déjà presque vingt-cinq ans...

J’habitais alors encore chez mes parents, à la campagne, dans le sud-ouest de la France. Je ne connaissais personne qui faisait de la musique, donc le magnéto m'a permis de créer mon propre groupe imaginaire. En fait j'ai compris tout de suite que cette façon de composer / d'enregistrer, seule, convenait parfaitement à ma personnalité. — Lispector

Je n'ai jamais été très adepte du jeu en vrai groupe de toute les façons, malgré les quelques expériences, assez brèves, que j’ai pu avoir ensuite.

« What’s in a name ? »

- J’imagine que le nom de ton projet, ton identité de musicienne vient de l’écrivaine brésilienne Clarice Lispector ? Si « oui », peux-tu parler un peu de ce choix ? La sonorité du nom ? La lecture marquante de certains de ses livres à cette époque ?

- Ce choix s’est fait assez naturellement, et rapidement. Certains choisissent un mot dans le dictionnaire, moi ça été le nom de cet écrivain que j’adore. La Découverte du Monde m’avait fait grande impression. Il faut que je le relise. Mais il me semble avoir lu ses livres surtout après lui avoir pris son nom dont j’adorais la sonorité.

Clarice Lispector et Tom Jobim - wikimedia / domaine public

Clarice Lispector et Tom Jobim -- wikimedia / domaine public

- Avais-tu des musiciens ou musiciennes qui te servaient d’exemples, de sources d’inspiration, qui t’aidaient à créer ta propre musique à l’époque ?

- J’écoutais beaucoup de choses qui sortaient dans les années 1990 ; j’achetais beaucoup de disques et je crois que cela a formé mon oreille : cela m’a aidé à savoir ce que j’aimais et ce que je n’aimais pas. Il se trouve que j’ai toujours aimé les enregistrements 4 pistes, les versions démos des morceaux de nombreux groupes.

« The Cult of Less »

- Dans le terme « lo-fi » que certains appliquent parfois à ta musique – et qui pour moi ne sonne absolument pas comme quelque chose de péjoratif, tant cette attitude vis-à-vis de la création musicale a permis de faire éclore des bons disques depuis le milieu des années 1990 – il y a implicitement l’idée de ce qu’on perd, de ce qui manque (la haute-fidélité, un soi-disant bon enregistrement en studio professionnel). Mais cette étiquette laisse en suspens ce qu’on y gagne : par exemple de l’émotion, de la surprise, etc. D’après toi, quelles sont les points forts des bons enregistrements de « home recording » ?

Pour moi, la ‘lo-fi’ n’est pas un choix, ce n’est pas un style de musique. C’est juste une question de moyens. Si vous écoutez une démo de Depeche Mode, et bien elle sera ‘lo-fi’. Ce qu’on y gagne, c’est surtout la spontanéité, le côté ultra-personnel de la démarche d’enregistrer chez soi. Du coup il n’y a pas d’intermédiaire entre l’interprète et l’auditeur : pas d’ingénieur, pas de producteur. — Lispector

- Ta technique d’enregistrement a-t-elle évolué en fonction des développements technologiques des vingt dernières années, par exemple du 4 pistes sur support cassettes à l’enregistrement sur ordinateur ? Si « oui », cela change-t-il quelque chose à ta musique ? Ou pas ?

- Oui, ça a pas mal évolué. Je suis passé par le 4 pistes, puis par le 8 pistes, avant de finalement faire de la musique sur ordinateur. Cela complexifie le travail, ça le ralentit surtout aussi, car plus il y a de pistes, de détails, plus ça prend du temps. Mais c’est également assez passionnant d’avoir beaucoup plus de possibilités en terme de sons, d’arrangements. Mais, au fond, je ne suis pas sûre que cela change tant de choses que ça.

Lispector - "The Cult of Less" - pochette

Désiré Costaud, collage pour la pochette de "The Cult of Less" (2014)

« What’s in a title ? »

- Tu as des titres d’albums que je trouve assez « programmatiques », qu’on peut lire ou entendre comme nous racontant quelque chose de ta musique ou de ta vision du monde, ou de l’art (Guide to Personal Happiness, Human Problems and How to Solve Them, The Cult of Less, Outsider Art Therapy). Peux-tu parler un peu du choix de ces titres ?

Trouver le titre d’un album, c’est souvent trouver un résumé en une phrase. Une sorte de haïku. — Lispector

Les mots en français, les mots des autres

- Sauf erreur de ma part, tu as très peu (ou tu n’as quasi jamais) chanté en français ? As-tu essayé ? N’est-ce juste pas possible pour toi de manier cette langue dans tes chansons ?

- En effet, je n’ai pas beaucoup écrit ou enregistré en français. Cela m’arrive parfois mais je trouve le travail d’écriture très différent. Le chant est différent aussi, la dynamique des mots n’est pas la même. Je n’ai jamais écouté beaucoup de musique française, et je crois que j’aime bien cette idée de chanter dans une langue étrangère.

- À côté de nombreuses compositions personnelles, tu joues aussi pas mal de reprises. Le simple amour d’une chanson te suffit-il à t’essayer à l’interpréter ? Ou dois-tu avoir la conviction que ton interprétation peut en apporter une nouvelle lecture, une nouvelle écoute, au moins légèrement l’éclairer depuis un autre angle ?

- En fait je n’ai pas enregistré tant de reprises que ça ! Pas beaucoup plus que de chansons en français… Mais généralement elles plaisent aux auditeurs car ils les ont déjà entendues. Généralement ce sont des chansons que j’aime beaucoup, mais chaque reprise a son histoire donc il n’y a pas vraiment de raison commune à mes choix de reprises. J’essaie de les interpréter telles que je les entends.

Elzo Durt et Andy Votel

Lispector : "Small Town Graffiti" - Teenage Menopause - pochette Sylvain Havec

Lispector : "Small Town Graffiti" sur un label "de gens normaux" (Teenage Menopause) - pochette Sylvain Havec

- Comment t’es-tu retrouvée sur Teenage Menopause (le label d'Elzo Durt) pour ton dernier album en date Small Town Graffiti ? J’ai l’impression que le catalogue de ce label qui fête ces vingt ans cette année est globalement plus « rock », moins pop ?

- Un copain m’a conseillé de leur envoyer mes démos, en me disant que le label serait intéressé par sortir un vinyle, et puis j’avais des copains qui avaient eux-mêmes sortis des disques sur ce label donc je savais que c'était un label tenu par des gens normaux. [sourire] Ça s’est fait tout simplement. Je ne me suis pas trop posé la question de correspondre ou pas au catalogue. J'aime la diversité.

Lispector : "Guide To Personal Happiness" - Twisted Nerve - artwork : The Liars

Lispector : "Guide To Personal Happiness" - Twisted Nerve - artwork : The Liars

- Précédemment tu avais sorti un disque sur Twisted Nerve, le label d’Andy Votel et Badly Drawn Boy. Comment s’est passée la rencontre avec eux ?

Je n’ai jamais rencontré Badly Drawn Boy, et c’était Andy Votel qui était en charge du label à l’époque. Je me rappelle qu’Andy avait voulu que je lui envoie quasiment toutes mes démos à l’époque, pour lui-même faire un premier tri. La sortie du disque sur Twisted Nerve a pris plusieurs années avant de se concrétiser et je n’ai rencontré Andy qu’après la sortie, à l’occasion d’une petite tournée en Angleterre où il passait des disques après mes concerts. Mais là aussi, ce fut assez simple comme rencontre au final !

Kustom Karaoke Konférence

- Je t’ai vu en concert pour public limité le mois dernier à Super Fourchette, petit lieu bruxellois dévolu aux plaisirs des papilles gustatives et des tympans. Tu y avais donné une sorte de concert-karaoké au cours duquel tu lançais la musique de tes chansons à partir d’un ordinateur et, avec deux choristes, tu y rajoutais les vois en live. C’était beaucoup plus vivant et chaud que la formule pourrait le faire craindre a priori. Est-ce une formule de concerts à laquelle tu recours souvent ou régulièrement ? Ou était-ce une exception, un « one-shot » ? Dans quelle formule joueras-tu au Brass jeudi prochain pour les dix ans de Teenage Menopause ?

- Et bien ce sera à peu près la même formule au Brass : il y aura des projections vidéos et j’aurai de nouveau mes deux choristes avec moi (une exclusivité bruxelloise). Cette fois je pense jouer du clavier aussi. En fait on m’a invité à jouer il y a quelques mois à Super Fourchette en effet, et vu que je n’ai pas de musiciens pour jouer en live en ce moment, je me suis dit que ce serait marrant de faire une sorte de karaoké, histoire de montrer les clips vidéos de mes chansons (que je confectionne à partir d’images trouvées sur internet).

Je trouvais ça assez ludique de faire une sorte de conférence pop, et assez facile à monter au niveau de l’organisation. — Lispector

Du coup, j’en ai refait quelques-unes depuis Super Fourchette et ça me plaît bien. Ce n’est pas exactement la même chose qu’un live en groupe bien sûr car l’énergie provient aussi de l’ordinateur… donc c’est un peu froid, mais je compte en refaire d’autres, en changeant peu à peu les vidéos et en me laissant une marge de jeu /d’improvisation. C’est donc une formule en cours d’expérimentation !

site Lispector
page Bandcamp
chaine Vimeo

Interview : Philippe Delvosalle
Photo de bannière : © Katura Jensen, 2018


Agenda

10 ans du label Teenage Menopause
Lispector – Delacave – Nze Nze

Jeudi 17 février 2022 – 20h

Le Brass
364 Avenue Van Volxem
1190 Forest