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Humour au XVIIIème siècle (L')

Humour au XVIIIème siècle (L')

humour, Haydn (Joseph)

publié le par Nathalie Ccoronvaux

De l’humour, Joseph Haydn (1732-1809) en avait. Non pas cette capacité à faire rire ses contemporains à gorge déployée mais plutôt un esprit plein de sel allant jusqu’à la subversion. C’est avec finesse qu’il distillait dans sa musique des traits […]

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Ainsi dans la Symphonie n° 94, il endort littéralement son auditoire au cours du deuxième mouvement qui chemine dans une nuance très douce que vient soudain interrompre un accord fortissimo de tout l'orchestre ponctué d’un formidable coup de timbale. Surprise ! C’est d’ailleurs  le sous-titre donné rétrospectivement à la pièce. Lorsqu’on sait qu’il était habituel à cette époque de faire jouer de la musique après les repas (souvent copieux) et que ces repas devaient générer quelques épisodes de somnolence dans les salons, cette explosion sonore a dû en faire sursauter plus d’un.

La Symphonie n°103 réserve, elle aussi, une surprise. Elle commence par un long roulement de timbale tout nu et se poursuit par une introduction lente dont les premières notes évoquent le célèbre Dies irae de la messe de défunts. A cette introduction saisissante s’enchaine un Allegro con spirito badin et dansant. Mais qu’on ne s’y trompe pas : le roulement de timbale et le « Dies irae » reviennent pour conclure le mouvement. 

Que ce soit à Eisenstadt et Esterhaza, Vienne, Paris ou Londres, le cercle des fidèles auditeurs de Haydn attendait chaque nouvelle œuvre avec intérêt. Familiers du style du compositeur, les auditeurs étaient capables de saisir et d’apprécier immédiatement la moindre incongruité présentée par la musique. Haydn usait du vocabulaire standard du langage classique : harmonie tonale, enchainement logique des tonalités, équilibre des phrases, éléments de contrepoint, usage des genres communément admis mais il lui arrivait de temps à autre de shooter dans la taupinière.

Ainsi cette soixantième symphonie en 6 mouvements s’inspirant d’une musique de scène écrite pour la pièce de Regnard le Distrait et dans le final de laquelle les violonistes ré-accordent leur instrument au milieu d’une fanfare tonitruante.

La Symphonie n°93, première des symphonies londoniennes, présente un effet analogue dans son deuxième mouvement, un Largo cantabile. Le thème principal est d’une simplicité désarmante et son début est toujours énoncé de manière identique mais ce qui vient après est fait pour surprendre : modulations, soli de hautbois, silences théâtraux,  le tout dans une atmosphère très poétique jusqu’à cette irruption triviale du basson au beau milieu du mouvement, véritable pet qui met un terme au mouvement.

Après un Menuet à la santé florissante et aux accents de fête de village, le dernier mouvement de la Symphonie n°88 fourmille d’effets comiques tirés d’une veine populaire. La répétition de ce refrain un peu simplet n’est pas pour rien dans l’aspect comique de cette page qui se conclut en prenant le mors aux dents

Plus fort et plus risqué !

Haydn était employé par le Prince Nikolaus Esterhazy dans son domaine d’Eszterhaza (Hongrie) lorsqu’il advint cet épisode qui mena à la composition de la Symphonie nº 45. Les dépendances du château étaient trop exiguës pour loger les musiciens et leur famille. C’est pourquoi, les épouses et leurs enfants venaient régulièrement rendre visite aux artistes ce qui, en janvier 1772, ne fut plus au goût du maître du lieu. Le prince interdit les visites des familles. Et voilà que la saison s’éternise, l’été est fini, l’automne est là et la cour ne montre aucun désir de quitter la résidence d’été. Les musiciens rongent leur frein et font part de leur mécontentement à Haydn qui imagine un stratagème pour signifier à son employeur qu’il exagère. Aux quatre mouvements traditionnels d’une symphonie, le compositeur ajoute un mouvement lent, un adagio prenant place après ce qui sert habituellement de final. Après quelques mesures, le premier hautboïste et le second corniste soufflent les bougies éclairant la partition, se lèvent et s’en vont. Ils sont bientôt suivis par le bassoniste et le reste des instrumentistes à vent. Il ne reste que les cordes, tout l’arrière de l’orchestre est dans l’obscurité. Après le passage modulant, les contrebassistes déposent leur instrument et quittent la salle, puis ce sont les violoncellistes qui eux emportent leur instrument. Les violonistes et les altistes s’en vont en ordre dispersé ne laissant que deux violons : l’un tenu par Haydn et l’autre par Alois Tomasini. L’œuvre s’éteint en même temps que les bougies.

Le message implicite est bien passé : la cour est retournée à Eisenstadt dès le lendemain, donnant congé aux musiciens.

Et cet humour d’un autre siècle marche-t-il encore de nos jours ?

Et oui. En juillet 2005 lors des célébrissimes Proms, Sir John Eliot Gardiner dirigeait le London Baroque Soloists dans la Symphonie n°90. Dans l’Allegro assai du dernier mouvement, la musique marque une cadence conclusive dans la tonalité principale. Le public des Proms a applaudi comme un seul homme tandis que le chef murmure entre ses dents : « Ce n’est pas fini ». En effet, il reste encore une septantaine de mesures avant la fin réelle de la symphonie. Après cette fausse conclusion, la musique repart de plus belle, ponctuée par un sarcasme du hautbois et promène l’auditeur dans un univers modulant jusqu’à la conclusion finale. Sir John, fidèle aux indications de Haydn, fait la reprise de la dernière partie du final et au même endroit se produit le même phénomène : le public applaudit lors des quatre mesures de silence faisant suite à la cadence conclusive. Sourire (discret) du chef qui relance l’orchestre jusqu’à la fin du mouvement où il invite alors un public, déconfit, à applaudir.

Anne Genette

 

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