La 100 PAP : une bière pour du logement
Sommaire
Apparue depuis bientôt deux ans dans des lieux culturels, événementiels bruxellois, mais aussi dans des espaces davantage liés à la détente comme les guinguettes qui ont refleuri dans les parcs et îlots verts de la capitale, la 100 PAP (pour SANS PAPiers) est une bière originale et un carburant dans le moteur d’un combat citoyen.
Le projet
« La 100 PAP est née au sein d’un groupe de bénévoles présent au parc Maximilien en 2015, qui s’est retrouvé lors de Nuit debout. De ces rencontres a émergé l’ASBL Bruxelles Initiative, qui se veut un incubateur de projets portés par des bénévoles enthousiastes. L’idée d’une bière solidaire, la 100 PAP, est le premier de ces projets, né en 2017, dans l’une de ces réunions de bénévoles. L’ASBL regroupe à l’heure actuelle dix personnes, divisées en groupes de travail qui s’occupent chacun d’un maillon de la filière – par exemple de la livraison, du magasin, des finances, ou encore de la communication » résume Juliette S, responsable bénévole de l’association chargée de communication.
La 100 PAP c'est une bière solidaire avec les occupations de personnes sans-papiers. L’objectif du projet 100 PAP est de stabiliser les occupations des sans-papiers en les soutenant financièrement. Les bénéfices de la bière sont reversés aux occupations et permettent de payer des charges, des loyers, des assurances, des garanties locatives ou d’éventuels travaux de rénovation.
« On s’occupe de trois occupations à Bruxelles. Une à Saint-Josse, qui compte près de 100 personnes d’origine subsaharienne. Une autre à Molenbeek-Saint-Jean, qui regroupe entre 100 et 150 personnes originaires d’Afrique noire. Et enfin une plus réduite à Schaerbeek, qui héberge 13 Afghans. Mais on développe actuellement un partenariat sur Liège. »
Un combat presque quotidien qui exige sens de l’organisation, ténacité et une dose d’habilité dans la négociation. « Comment aider, stabiliser le logement, le rendre matériellement et temporellement moins précaire ». Or, certaines occupations concernent des propriétaires publics (souvent les communes), d’autres relèvent du domaine privé. « Il faut gérer les tensions, voire parfois les altercations » (lors de l’occupation du bâtiment Martini). Le but (le mieux) étant d’arriver à signer une convention d’occupation précaire qui prend en charge le paiement des charges et de l’assurance.
L’action de l’ASBL, vu le caractère non pérenne des occupations, est d’atténuer le poids des problèmes liés au logement, et d’offrir une certaine stabilité plus à même d’aider les sans-papiers dans leurs combats politiques et juridiques. Un pas vers une sortie du cercle vicieux : pas de papiers/pas de permis de travail/pas de logement, etc. « On est dans un processus de réflexion constant sur les façons de les aider alors qu’on n’est pas des gens de terrain ou des professionnels, mais des bénévoles, avec des hauts et des bas dans leurs motivations. » reconnait humblement Juliette S.
« On est dans un processus de réflexion constant sur les façons de les aider alors qu’on n’est pas des gens de terrain ou des professionnels, mais des bénévoles, avec des hauts et des bas dans leurs motivations. » — Juliette S., chargée de communication de la 100 PAP
Plus concrètement, « les contacts avec les sans-papiers se font essentiellement via leurs représentants. On se réunit avec les collectifs une fois par trimestre. On leur montre le budget, où va l’argent et ce qu’on envisage de faire dans un proche avenir. On s’est lancés dans une filière travaux depuis un an. Pour Saint-Josse. On a pris contact avec un entrepreneur solidaire qui s’est chargé des travaux de douche. On est toujours en plein débriefing de cette expérience. Et puis, humblement, certains dans les occupations sont tellement dans une lutte quotidienne pour la survie qu’ils n’ont pas toujours connaissance de notre projet. »
Encore très discrète à ce jour, l’initiative 100 PAP n’a jusqu’ici pas eu à faire face à des réactions sensibles du côté des pouvoirs politiques (deux bourgmestres Écolo les suivent sur les réseaux sociaux). L’ASBL a réussi à décrocher un subside à une occasion, mais l’introduction de ce type de dossier demande une énergie et un temps qui leur fait régulièrement défaut. Et de fait, « les seuls retours négatifs vis-à-vis de notre action l’ont été sur les réseaux sociaux après un reportage du JT de la RTBF, mais rien de significatif » rassure Juliette.
Enfin, 100 PAP va connaitre dans les prochains jours un début d’internationalisation via la présentation de la bière à Paris pour la création d’une structure autonome (les occupations en tant que telles n’existent pas à Paris).
La 100 PAP
La distribution et l’accueil de la bière ont été facilités par une bonne réponse du côté du monde associatif, par le bouche-à-oreille, l'organisation d'événements, mais aussi parce qu’un vrai travail de démarchage a lieu par l’ASBL. Les livraisons aux professionnels se font une fois par semaine, mais les particuliers peuvent la retirer à La Serre – où l’ASBL tient son Q.G. (171, rue Gray à 1050 Ixelles) – et dans quelques points de vente de la capitale, repérables en deux clics sur leurs pages électroniques. L’ASBL espère être en mesure de la proposer au fût dans les mois qui viennent.
Fiche technique de dégustation
Aspect : Blonde dorée. Mousse assez fine.
Nez : On respire le malt et les épices.
Goût : On boit ce que l’on sent. La bière s’équilibre entre un fond malté et de doux reliefs fruités (agrumes) et épicés, piqués de quelques pointes d’amertume (trop ?) discrètes. Cette bière de style belge est un peu sèche et très classique dans son approche, mais bien finie !
En + : L’étiquette de cette bière de 6% est la reproduction d’un visuel de carte d’identité belge, ceci dans une démarche active de sensibilisation d’un public large à la cause des sans-papiers.
Initialement produite chez J’irai brasser chez vous, elle est désormais confiée aux bons soins de la brasserie 3F, créée en 2014 à Frameries, non loin de Mons, par trois jeunes associés, dont deux au moins pouvaient se targuer d’une solide ascendance historique dans le riche passé brassicole du Nord-Pas-de-Calais voisin. Pour la 100 PAP, la jeune brasserie a volontiers accepté de resserrer ses coûts aussi bas que possible, et étudie la possibilité de passer prochainement à une bouteille consignée.
Yannick Hustache