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La Bombe humaine | Trouver le centre de la lutte

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Le Théâtre National présente le très attendu « La Bombe humaine » de Vincent Hennebicq et Eline Schumacher. Un spectacle aussi intelligent que caustique sur l’effondrement annoncé, le manque de cohérence de nos luttes écologiques plutôt timides et les projections d’avenir impossibles. Un programme chargé s’il en est, mais ô combien nécessaire pour prendre du recul sur l’urgence actuelle. « Agir » est bel et bien le maître-mot. « Comment » semble plus compliqué à définir.

Lincohérence de soi face au grand tout

Eline Schumacher, qui joue ici son propre rôle, est une jeune et pure citadine, née en 1991 avec la conscience d’un monde semblable à une ville en perpétuelle expansion. Difficile donc de trouver les moyens pour changer son comportement devant l’urgence climatique. Mais le poids de la culpabilité n’est plus tenable, elle doit agir.

L’anthropocène, ça veut dire quoi ? Que pensent les survivalistes ? Comment c’est encore possible d’être climato-sceptique aujourd’hui ? Comment lutter pour le climat quand la nature, c’est pas votre truc ? Comment s’extirper de nos ornières et se mettre en mouvement de façon cohérente ? Entre questionnement, analyse du quotidien et juxtaposition des discours écologiques, comment entrer dans l’action de manière concrète et pertinente afin de renverser les vapeurs toxiques qui nous entrainent vers un néant inexorable ? Toutes les solutions sont alors exposées, entrecroisées, rêvées parfois, mais, fort est de constater qu’entre toutes ces propositions, les incohérences règnent en maître et la musique du Titanic se fait entendre.

Des incohérences qui sont non seulement drôles, mais démontrent surtout à quel point nous sommes encore loin d’avoir trouvé « La solution » à travers le méli-mélo des discours, qu’ils viennent du véganisme, du végétarisme, du député écolo Philippe Lambert, du professeur François Gemmen ou d’une hypothétique rencontre avec Rob Hopkins. Tous se contredisent et Eline a du mal à trouver un centre où elle pourrait adopter un comportement personnel cohérent, sans extrémisme ou radicalité. Sa réflexion va jusqu’à remettre le spectacle en question. Le geste de la représentation scénique n’est pas du tout synonyme de comportements écologiques et de réduction d’empreinte carbone. Alors, faudrait-il faire des spectacles sans décors, sans travail de la lumière, sans nouveaux costumes et sans paillettes ? Bref, des « spectacles moches ». Eline ironise.

Il reste toujours des points à débattre

Bien sûr, présenté sous cette forme, la réflexion reste au niveau de l’individu et de la philosophie personnelle. Le spectacle garde des chapitres sous le coude : la biodiversité, l’épuisement des matières premières, l’agriculture, la surpopulation, l’eau potable, les dix industries responsables des 70% de gaz à effet de serre, le dégel du permafrost et les possibles prochaines pandémies. Autant de sujets propices à un autre spectacle. On est impatient.

Loin d’être didactique, sans vouloir culpabiliser son public, « La Bombe humaine » est d’abord un spectacle nécessaire face au chantier à mettre en œuvre. Au-delà de l’actualité, il nous projette vers un futur qu’il faut penser, construire et rationaliser. Le texte, plein de fraîcheur, a formellement choisi l’humour pour faire état de l’urgence face à nos comportements. La mécanique qui consiste à opposer son quotidien au grand tout, de confronter la volonté de changer et l’impossibilité de se passer de ce qui est polluant, est la source de la dérision qui désamorce la gravité sans pour autant l’affaiblir. Un humour réaliste et dévastateur, portée de main de maitresse par une Eline époustouflante, énergique et généreuse.

A voir jusqu'au 3 octobre

Image de bannière: Céline Chariot

Jean-Jacques Goffinon

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