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L'aventure du sérialisme (I)

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A l’orée du XXème siècle, la recherche de nouveaux langages musicaux poussent les compositeurs vers des horizons inexplorés. Le sérialisme fut l’un des plus radicaux…

Sommaire

Le système tonal, dont on place l’origine à la Renaissance, a été le mode d’écriture quasi exclusif de la musique occidentale savante jusqu’à la fin du XIXème siècle. Il s’est construit sur des rapports très hiérarchisés entre les différentes notes de la gamme. Dans le courant du XIXème siècle, les compositeurs ont multiplié dans leurs œuvres les signes d’affranchissement du système tonal, usant d’audaces harmoniques et mélodiques de plus en plus grandes. Dès les derniers quatuors de Beethoven, la tonalité a commencé à chanceler. Franz Liszt a troublé les repères avec Nuages gris, Wagner a porté la gamme chromatique aux nues, Debussy a recouru à la gamme de tons entiers, venue d’Orient… La pratique de la tonalité élargie, où les attentes tonales sont fréquemment esquivées, précède de peu celle de l’atonalité libre, celle du Pierrot lunaire de Schönberg ou des Cinq Lieder sur des poèmes de Richard Dehmel de Webern. Tout concourt à l’abandon pur et simple du système tonal.

Le premier pas

Il n’est pas si simple d’attribuer à Arnold Schönberg la paternité de la technique dodécaphonique. Un an avant lui, l’autrichien Josef Matthias Hauer avait théorisé et mis en pratique un système d’écriture avec les douze demi-tons de la gamme. Il l’applique dans sa composition Nomos op.19 pour piano, et ensuite, dans un millier ( !) d’autres qui porteront le plus souvent le titre de Zwölftonspiel. Cependant, ces pièces étaient volontairement dénuées d’émotion, délibérément impersonnelles, des notes placées les unes à côtés des autres sans tempo particulier, presque sans nuances et sans recherche rythmique. La notion de série en était totalement absente. Une curiosité de l’histoire qui ne portera pas de fruits.

D’autre part, Anton Webern avait déjà eu l’idée du principe de la série dès 1911, lorsqu’il avait composé les Six Bagatelles op.9 pour quatuor à cordes, dix ans avant que Schönberg ne théorise la technique dodécaphonique. Dans ces pièces d’une incroyable brièveté, les douze sons ne sont exprimés qu’une seule fois, leur redite étant jugée inutile.

La Seconde école de Vienne

Mais c’est finalement Schönberg qui théorisera et permettra le déploiement du principe de la série dodécaphonique, auquel adhéreront ses élèves, et qu’il nommera « Méthode de composition à douze sons, exclusivement reliés entre eux ». Cette méthode permettait, outre de libérer les notes de toute hiérarchisation, mais aussi d’utiliser chacune d’elle dans un ordonnancement donné, fixé au départ de la composition. La série ainsi créée pouvait se dérouler à l’endroit, à l’envers, ou en renversant les intervalles (descendre d’une tierce au lieu de monter, etc.) Le nombre de combinaison possible est astronomique. La série peut également se décliner sous forme d’accord et non pas uniquement sur le plan mélodique. Face à ce potentiel créatif nouveau, Schönberg déclara : « J'ai fait une découverte qui assurera la prépondérance de la musique allemande pendant cent ans : celle d'une méthode de composition sur douze sons. » On considère que sa première pièce dodécaphonique est la Suite pour piano op.25 qu’il compose en 1921.

Il sera suivi dans cette aventure par deux de ses élèves, Alban Berg et Anton Webern, qui seront définitivement associés à son nom lorsqu’on parlera de la Seconde école de Vienne, la première se référant à Haydn, Mozart et Beethoven. Le principe du dodécaphonisme (terme donné ultérieurement par Leibowitz) se base sur la gamme chromatique de douze sons. Chacun d’eux doit être entendu une fois dans un ordre établi par le compositeur. Cette succession d’intervalle porte le nom de série, et peut être jouée dans son ordre d’origine, en commençant par la fin, en inversant les intervalles, etc. Cette technique de composition a été théorisée en 1923. Cette même année, Alban Berg crée sa première œuvre dodécaphonique (Kammerkonzert), tandis qu’Anton Webern compose l’année suivante Kinderstück. Chacun des membres de cette école développera une voix personnelle dans ce langage nouveau aux principes pourtant si austères et mathématiques. Qu’on pense à Lulu, l’opéra de Berg, doté d’une grande puissance dramatique et d’un authentique lyrisme, attestant ainsi du potentiel émotionnel d'une écriture aux abords si arides !

De 1932 à 1937, Schönberg se consacre à l’opéra Moses und Aron, considéré comme son chef-d’œuvre et resté inachevé, où il applique avec rigueur son principe des douze sons égaux.

L'expansion

Le dodécaphonisme sériel sort des frontières autrichiennes. En 1934, le français André Jolivet compose sa première pièce dodécaphonique, un quatuor à cordes, inspiré par sa découverte de Schönberg quelques années plus tôt. Il cherche cependant à trouver sa propre voie et à toujours mettre son écriture au service d’une visée esthétique, marquant ainsi ses œuvres de son esprit indépendant.

Obligé de fuir l’Europe suite à la promulgation de la loi allemande sur la restauration de la fonction publique du 7 avril 1933, le forçant à démissionner, Schönberg lui-même va exporter son nouveau langage aux Etats-Unis. Il y enseigne, d’abord à New-York, ensuite à Boston, puis à Los Angeles où il s’installe définitivement. Une des premières œuvres composées sur le territoire américain est le Concerto pour violon op.36.

L’Angleterre s’ouvre aussi au sérialisme par l’entremise d’Elisabeth Lutyens, avec son Chamber Concerto n°1. Dans ses œuvres, elle cultive une grande liberté, assouplissant les règles de l'école de Vienne pour y intégrant des éléments du passé, inspirés par la musique de Purcell ou encore de Debussy. Elle introduit également le sérialisme dans la musique de film.

A suivre: le sérialisme de l'après-guerre...

Nathalie Ronvaux

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